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Après un creux à 72 centimes en août 2011, le billet vert profite des déboires européens. Retour durable ou simple sursaut? Les avis sont partagés. Tout dépendra de l’euro
Après une courte course – en fait un sprint – d’une trentaine de jours, le dollar fait une pause. Entre le début et la fin du mois de mai, au plus fort de la nouvelle vague d’angoisses sur la zone euro, le cours de la devise américaine est passé de 0,91 à 0,97 franc suisse. Mais depuis le début de la semaine, il est arrêté autour de 0,9550. Avant de reprendre son ascension? Le débat est ouvert.
Premier constat, le franc semble avoir perdu en popularité, ces dernières semaines. «Nous sortons de l’euro pour aller principalement vers le dollar», témoigne l’analyste principal de la banque Coutts, cité par le Financial Times.
Sécurité «intermédiaire»
En fait, Henry Lancaster ne considère le franc que comme «un intermédiaire» vers la sécurité. Le récent avertissement du président de la Banque nationale suisse (BNS), Thomas Jordan, qui a affirmé qu’il était prêt à prendre d’autres mesures pour lutter contre les achats de francs, a fait son petit effet. Toujours dans le quotidien britannique, Clive Dennis, responsable des devises chez Schroders, explique que pour se protéger des aléas européens, il préfère le dollar au franc parce qu’il craint l’impact d’éventuelles mesures extraordinaires: «Soit la BNS remonte le taux plancher et le franc perd 10% d’un coup, soit elle instaure un contrôle des capitaux et complexifie les flux d’investissement.» Dans les deux cas, Clive Dennis préfère éviter d’en être.
Pour Nicolas Tissot, la remontée du dollar face au franc devrait se poursuivre. «Avec le flux de mauvaises nouvelles en provenance de la zone euro, il n’y a pas de raison que l’euro ne baisse pas davantage», argumente le responsable des devises à la Banque Cantonale Vaudoise.
S’il en vient à évoquer la devise européenne, c’est parce que c’est elle qui dessinera la trame de l’histoire entre le dollar et le franc. Puisque ce dernier ne bouge plus face à l’euro, suite à l’introduction du plancher de 1,20 par la BNS, c’est via le recul de l’euro face au dollar que le mouvement devra s’opérer. Autrement dit: si l’euro baisse contre le dollar, le dollar monte face au franc suisse.
Elections et promesses
Et, d’après Nicolas Tissot, la situation américaine, bien qu’encore sujette à caution, est plus envieuse que l’embourbement politico-fiscal européen. En plus, une année d’élection présidentielle contient toujours son lot de promesses, notamment économiques, qui peuvent faire envie aux investisseurs. Ainsi, il s’attend à ce que le dollar vaille 1 franc, voire 1,05 franc, d’ici à la fin de l’été.
Mais Thomas Flury n’est pas du même avis: «Il faudrait un vrai grand drame en Europe pour que l’euro baisse encore, estime le spécialiste d’UBS. En l’état, le taux actuel, proche de 1,25 dollar, nous semble approprié.»
Par extension, il prévoit que, face au franc, le dollar retombe à 92 centimes dans six mois. Et à moins de 90 centimes dans un an. «Tant que les Etats-Unis tenteront la relance par des stimuli monétaires - ndlr: des injections de liquidités, par exemple -, le dollar ne se relèvera pas», conclut-il.
Servan Peca
LE TEMPS
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