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L’histoire secrète de la Swatch ou le B.A.-BA de la créativité
 
Le 13-06-2012

Racontant en détail la genèse de la montre, un livre dévoile un modèle utile pour toutes les sociétés en mal de nouveautés.

«La victoire a cent pères», affirmait John Kennedy. Avec de l’ordre de 400 millions de pièces vendues depuis son lancement sur le marché suisse le 1er mars 1983, sans doute était-il normal que la paternité de la montre Swatch soit largement revendiquée. Succès collectif, la fameuse montre en plastique a bel et bien des inventeurs directs. Dans La fabrique de l’innovation, l’un d’eux, devenu depuis innovateur récidiviste avec son entreprise Creaholic à Bienne, raconte dans le détail cette genèse. Elmar Mock s’est même associé avec un chercheur, le professeur au Conservatoire national des arts et métiers et à l’Ecole polytechnique Gilles Garel, pour en tirer une sorte de modèle, utile pour tous ceux qui incantent aujourd’hui l’innovation sans toutefois l’atteindre de manière aussi éclatante qu’Apple ou Nespresso et Swatch. L’histoire secrète de la Swatch est à bien des égards contre-intuitive. Afin de ne pas tout dévoiler, on rappellera simplement qu’elle est partie de l’audace mais aussi de la trouille de deux jeunes ingénieurs, Elmar Mock et Jacques Müller. Ces derniers, pour justifier l’achat passablement léger d’une machine Nestal d’injection du plastique d’un demi-million de francs vis-à-vis de leur patron d’alors, Ernst Thomke, chez ETA, lui ont présenté, pour calmer sa colère, un croquis en rose et bleu de la future Swatch griffonné en deux heures sur du papier millimétré. Coup de chance, c’était précisément le projet qu’il espérait alors.



Le modèle C-K
On aurait tort cependant de s’arrêter à cette vision romantique de la naissance de la montre bon marché qui, à bien des égards, a permis de sauver, sous la houlette de Nicolas Hayek, une horlogerie suisse alors moribonde (pour mémoire, sa part du marché mondial était passée de 85 à 15% entre 1970 et 1983). L’histoire secrète de la Swatch raconte un processus itératif où la soudure des clignotants de voiture a inspiré celle du boîtier et au-delà l’étanchéité, où la course à la production low-cost a abouti à un prix de revient si bas que l’idée même de réparer la montre a disparu tant il est plus simple de simplement la remplacer. De l’idée de faire de cette montre un objet de mode plutôt qu’un article bas de gamme à celle d’assembler les composants par blocs plutôt que pièce par pièce, rien ne manque à ce récit croustillant, sauf une clé pour comprendre comment le reproduire. C’est l’objet de la seconde partie du livre. Les auteurs y développent le modèle C-K (C pour concept et K pour connaissance ou «knowledge» en anglais) afin de montrer comment ces deux éléments se combinent et s’intègrent à la fois dans les prototypes et les processus afin d’aboutir à une innovation de rupture et pas seulement une amélioration incrémentale que les auteurs constatent être le lot quotidien de la plupart des laboratoires de R&D de l’industrie à cause de la pression du court terme. On pourra reprocher à cette partie théorique d’être parfois trop abstraite, contrairement au chapitre sur «l’histoire secrète de la Swatch», digne du meilleur storytelling. Reste que des exemples de l’Hydroptère à la sangle Chairless de Vitra en passant par le soudage du bois, les auteurs parviennent dans une large mesure à démontrer qu’il y a bien une recette de l’innovation. Elle procède autant de la liberté d’explorer que des contraintes de l’exploitation, de la nature (la créativité) que de la culture (la connaissance au sens large). La conclusion est que l’innovation n’est pas une question de génie mais un composé de liberté et de contraintes. Rafraîchissant.

Crédits photos: Ralph Crane/Time & Life Pictures/Getty Images, dr

Par Fabrice Delaye
BILAN

 



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