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PIAGET : la pépite cachée du groupe Richemont
 
Le 10-07-2012
de Business Montres & Joaillerie

Ici, les manufactures tonitruantes : c’est comme la confiture, moins il y en a, plus on doit l’étaler…

Là, les manufactures qui pêchent par timidité excessive : comme les violettes, elles cachent charme, parfum et couleur…


••• On va finir par trouver suspectes les marques qui ne mentionnent ni « Genève », ni la date de leur création sur le cadran. Pourtant, Piaget serait parfaitement légitime pour se parer de tels hochets, mais la marque en vient même à ne plus préciser « Swiss Made » sur le cadran : de là à déceler un certain minimalisme ostentatoire dans ce parti-pris de sobriété, il n’y a qu’un pas – qu’on ne franchira pas parce que, même ça, ce n’est pas le genre de Philippe Leopold-Metzger, le plus discret et le moins courtisan des grands féodaux du groupe Richemont.

••• Pourtant, il aurait des raisons de se pousser du col. Un nom respectable, parce qu’il s’est respecté lui-même en un siècle et demi de tribulations historiques. Une superbe manufacture d’architecture contemporaine aux portes de Genève : vue d’avion, elle ressemble à une cadran de montre. Une dynamique économique qui place Piaget aux alentours des 750 millions de CHF de chiffre d’affaires annuel (estimation Business Montres, « non officielle et non autorisée » comme il se doit). Un réseau international de boutiques qui a depuis longtemps anticipé l’explosion de la demande asiatique. Une double identité – haute horlogerie et haute joaillerie – plutôt sécurisante en cas de crise, puisque les deux marchés n’ont pas les mêmes rythmes et qu’on peut plus facilement se « refaire » sur un collier à un million de dollars que sur 100 montres à 10 000 dollars. Un riche patrimoine, qui offre aux créateurs de la marque une grammaire de codes « culturels » bien diversifiés. Des équipes plutôt à la hauteur de leur mission. Et on en oublie…

••• Alors, pourquoi une telle discrétion ? Sans doute est-elle génétique et consubstantielle à un marque né à la Côte-aux-Fées (« féées » pour « fayes », les « brebis »), dans un atelier horloger installé au-dessus du temple du village, dans des communautés réformées qui ne plaisantaient pas avec le mira me de places horlogères plus exubérantes. Cette timidité de violette serait presque un marqueur d’authenticité, sinon d’ingénuité : à quoi bon le dire, puisqu’on le fait ? C’est tout à l’honneur de Piaget, mais, à l’âge de la communication avancée, ça condamne aussi la marque à rester sous-exposée dans le champ des maisons concurrentes, et néanmoins amies, qui pratiquent la surexposition à outrance.

••• Surtout, cette pratique mi-volontaire mi-contrainte - le groupe Richemont est un univers impitoyable à l’ombre de ses grands chênes - de l’understatement prive les amateurs d’un accès à la connaissance, à la pratique et à la collection d’une des plus belles séries de mouvements « manufacture » qui soient. On ne le sait pas assez - et la marque ne le fait pas assez savoir -, mais Piaget est une des rares « manufactures » suisses qui n’emboîte que ses propres mouvements, quartz compris, dont la fabrication n’a jamais été interrompue depuis la fin des années 1950. Pendant des années, la marque ne l’a même pas fait savoir du tout, axant maladroitement toute sa communication sur un glamour à la Pierre & Gilles qui n’avait rien – mais rien du tout ! – pour motiver l’intérêt des amateurs de belles mécaniques. La marque en est revenue et elle met aujourd’hui les bouchées doubles pour rattraper le temps perdu.

••• La mise au point du nouveau calibre Piaget 1200S, dérivé du 1200P, a réclamé trois ans de recherches pour fiabiliser le micro-rotor en platine (question de poids autant que de prestige et de storytelling), repenser l’architecture élancée des ponts ou redessiner les rouages pour gagner encore en minceur sans rien perdre en qualité esthétique ou en soin apportée à la décoration. L’impact visuel est assez puissant, les états de surface alternés (mat, poli, sablé, soleillé, rhodiage, traitement noir) répondant bien aux finitions (angles polis) pour mettre en valeur les volumes et ajouter une nouvelle dimension à ce calibre.

••• Le style final est résolument contemporain, mais il ne trahit pas sa filiation traditionnelle : il en exhausse le goût tout en y ajoutant une touche manuelle qui rassure. L’Altiplano Squelette Ultra-plate se pose ainsi en quintessence des arts du squelettage classique : c’est parce que l’idée mécanique et les valeurs horlogers de la montre sont si bien assumées, résumées et mises en valeur que la montre peut se passer des mentions habituelles (« Automatique », « Genève », etc.). Celui qui ne comprendrait pas instinctivement la nature de cette quintessence mécanique n’aurait sans doute pas la culture requise d’un client Piaget.

••• Cette Altiplano Squelette Ultra-plate aurait tout pour devenir une des « montres de l’année » et glaner quelques-uns de ces prix horlogers – qui se gagnent malheureusement plus à la sueur du front des annonceurs qu’à la pertinence mécanique de la montre. On ne peut pas exclure une heureuse surprise, mais il aurait été injuste de ne pas signaler cette petite musique originale d’un soliste un peu noyé par les flonflons du grand bal musette. Piaget est une marque qui gagne à être (re)connue : cette Altiplano Squelette Ultra-plate en est la meilleure des ambassadrice…

 



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