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«J’ai décidé de faire enfants et carrière »
 
Le 17-07-2012

Du 16 au 21 juillet, «Le Temps» propose le portrait de six cheffes d’entreprise qui comptent en Suisse. Rencontre à La Vue-des-Alpes avec Manuela Surdez, directrice de PME et présidente de la Banque Cantonale Neuchâteloise

En sortant de la voiture, on sent que la température a baissé d’un cran. La petite pancarte jaune des sentiers pédestres indique, d’un côté, «La Chaux-de-Fonds» et, de l’autre, «Neuchâtel». Sur le parking, une dame vend du saucisson neuchâtelois dans une roulotte. La Vue-des-Alpes, où Manuela Surdez nous a donné rendez-vous à 16h pile, tient toutes ses promesses. Sa petite voiture sportive grise arrive trois minutes avant l’heure du rendez-vous. Du côté chaux-de-fonnier.

«J’avais peur que ça apparaisse un peu bateau comme endroit, s’excuse la jeune quinquagénaire. Mais c’est équilibré, c’est un lieu qui rassemble et qui, en même temps, offre une ouverture sur d’autres cantons et sur les esprits.» Un premier mot sur le traditionnel clivage entre Neuchâtel et La Chaux-de-Fonds? «Il existe, mais je le regrette…»

A peine installée dans l’un des deux cafés du point de vue, elle pose deux cartes de visite sur la table, juste à côté de sa tasse de thé à la menthe. «Comme ça, vous avez les deux…» L’une la présente comme «administratrice/directrice de Goldec» (entreprise chaux-de-fonnière spécialisée dans le décolletage d’horlogerie haut de gamme) et la seconde comme «présidente du conseil d’administration» de la Banque Cantonale Neuchâteloise (BCN). Deux postes qui l’occupent respectivement à 80 et 20%. Ce ne sont pourtant pas ses seules casquettes.

En plus de son siège au conseil d’administration du spécialiste des sécateurs – l’entreprise neuchâteloise Felco –, Manuela Surdez possède toujours sa carte du Parti libéral-radical neuchâtelois. Après six ans au Conseil général de La Chaux-de-Fonds puis cinq au Grand Conseil à Neuchâtel, en automne 2010, «on m’a proposé de rentrer dans la course à la succession - du conseiller d’Etat démissionnaire Frédéric - Hainard, mais j’ai refusé. Et aujourd’hui, avec mon mandat à la banque, cela ne s’y prêterait pas très bien…» Sa popularité semble toutefois être restée intacte, au vu des clients du restaurant qui s’arrêtent pour la saluer.

Fille d’immigrés italiens, née au Locle en 1961, Manuela Surdez juge qu’elle est une «femme comme il en existe beaucoup». Avec peut-être la détermination en plus. «J’ai terminé l’université en 1985. J’ai eu alors un peu l’impression de devoir choisir entre enfants ou carrière. J’ai décidé de faire les deux.» En 1988, naît son fils. Fin 1989-début 1990, elle crée Goldec avec son mari. Et, en 1992, naît sa fille. Les événements se sont enchaînés de manière «parfaitement équilibrée», assure Manuela Surdez.

La question suivante tombe presque naturellement… «Si c’est plus facile d’élever un enfant ou de faire prospérer une entreprise? Les bases sont les mêmes: énormément de communication, des prises de décision concertées et le respect des complémentarités.» Son mari, mécanicien de précision, «sent les choses, le métier, l’industrie…» Avec son diplôme universitaire, elle garde peut-être un regard «plus pragmatique» sur les problèmes de gestion d’entreprise, par exemple. Un couple complémentaire, qui… s’équilibre? «Exactement», rigole-t-elle.

Contrairement à ce que l’on pourrait imaginer, alors qu’une deuxième tasse de thé à la menthe vient garnir la table, «l’entreprise n’envahit pas l’espace familial», assure Manuela Surdez. «Dès que les enfants ont eu 5-6 ans, c’est devenu hors de question de discuter de Goldec à la maison. Si des problèmes émergent lors d’un pique-nique le dimanche, on se donne rendez-vous le lundi matin en salle de conférence pour en parler.» Une coupure qui s’opère aussi dans l’entreprise basée à La Chaux-de-Fonds, où, «même si les décisions importantes sont prises de manière concertée, nos bureaux restent séparés».

Ce qui n’a pas toujours été le cas, se rappelle Manuela Surdez: «On a commencé en janvier 1990, dans un petit appartement de 65 m2 avec trois machines et trois clients. Après six ans, on travaillait dans 200 m2. En 2000, on a acheté un immeuble sur 1000 m2… Nous avons entre 35 et 40 collaborateurs. Et deux apprentis. C’est toujours une question d’équilibre: il faut former la relève!»

Goldec est client de la BCN. «Bien sûr, évidemment… Je ne pourrais pas envisager de travailler sans la BCN.» Manuela Surdez assure que d’avoir la vision du chef d’entreprise comme celle du banquier est complémentaire et efficace. «Cela permet de connaître les sensibilités et les exigences des deux domaines et d’être très proche des PME. Par exemple, en 2009, quand tout s’est écroulé, la banque a pu venir en aide à de nombreuses entreprises qui avaient des difficultés passagères avec la crise.»

La conversation dérive… Entre le Transrun (jugé «impératif»), la Grèce («qui n’aurait pas dû entrer dans la zone euro»), la mise en place du taux plancher euro/franc suisse («un soulagement») ou le départ de Jean Studer du canton de Neuchâtel pour la Banque nationale suisse («dommage mais compréhensible»), Manuela Surdez navigue d’un sujet à l’autre avec facilité, tout en sirotant les dernières gouttes de son thé.

Sur le parking, à l’heure des confidences, on apprendra encore que la présidente de la BCN «n’est pas féministe au sens strict du terme», même si l’égalité hommes-femmes reste, assure-t-elle, un droit élémentaire. Avec la compétence plutôt que les quotas comme critère principal. Ce sera le mot de la fin. Elle retrouve sa petite voiture sportive et repart. Toujours du côté chaux-de-fonnier.

Valère Gogniat
LE TEMPS

 



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