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••• Au sujet de ce document mis en circulation de façon confidentielle par la Comco, on ne peut que se poser des questions. Pour clarifier le débat, Business Montres met la version française officieuse de ce document confidentiel à la disposition de tous : à chacun de le télécharger pour s’en faire une idée en toute sérénité (c’est la première fois qu’il sera possible de le lire dans son intégralité).
••• Au sujet de ce document, choquant tellement il semble que le Swatch Group ait tenu la plume des rédacteurs de la Comco, Business Montres maintient ses questions restées sans réponse (synthèse de nos commentaires du 9 juillet et 11 juillet), en les prolongeant par d’autres pistes de réflexion :
1) POURQUOI la Comco a-t-elle décidé de proposer aux marques d’examiner cette convention amiable au cœur des vacances horlogères (juillet-août), c’est-à-dire dans une période de moindre vigilance tactique ?
2) POURQUOI la Comco présente-t-elle ce document comme un texte « en consultation » alors qu’il est déjà quasiment définitif, le Swatch Group ayant fait savoir que c’était à prendre ou à laisser – et surtout non négociable au-delà de quelques points de détails ?
3) POURQUOI la Comco accepte-t-elle, en préambule à cette convention amiable, le principe de l’arrêt des livraisons envisagé de façon unilatérale par le Swatch Group, qui fausse ainsi la concurrence en se réservant la meilleure part de sa production industrielle au détriment des marques tierces (si Nicolas Hayek n’a pas planifié ce quasi-monopole industriel d’ETA, il l’avait accepté en donnant des gages pour le futur : il y avait d’autres options que l’arrêt des livraisons, comme la mutualisation coopérative ou la disjonction des entités) ?
4) POURQUOI le texte de ce projet de convention amiable en vient-il à nier de façon aussi ostensible le « principe de concurrence efficace » mis en avant par la Comco, qui semble agir dans cette convention avec pour seul projet de faire plier les marques face au Swatch Group (préambule) ?
5) POURQUOI une telle volonté de confidentialité autour de ce texte, alors que ce document – qui engagerait toute la branche jusqu’à la fin des années 2010 – mériterait une grande discussion publique et un « compromis » historique valable pour une ou deux décennies ?
6) POURQUOI cette convention amiable consacre-t-elle avec autant de soumission le rapport de force dominant imposé par le Swatch Group dans des domaines aussi stratégiques que le volume des livraisons et la fixation des prix ?
7) POURQUOI la Comco accepte-t-elle que le Swatch Group incorpore dans les futures hausses du prix des spiraux des « coûts de R&D » qui ne concernent (jusqu’à plus ample informé) que les spiraux au silicium, lesquels sont interdits de livraisons pour les marques extérieures au Swatch Group (point 5, a) ?
POURQUOI une telle asymétrie dans les devoirs et les obligations imposées aux marques, face aux droits et aux prérogatives concédées avec une immense libéralité au Swatch Group (points 6, 8 et 9) ?
9) POURQUOI cette convention amiable ne prévoit-elle qu’une SEULE option de conjoncture (la croissance du marché), alors que tous les indicateurs sérieux convergent vers un bas de cycle historique, qui remettrait en cause toute l’architecture de la convention (point 3, c et d) ?
10) POURQUOI la Comco contresigne-t-elle le principe léonin de telles hausses des prix, qui ne sont justifiées que par l’exercice d’un rapport de forces dont on peut estimer qu’il fausse la concurrence ?
11) POURQUOI la Comco ne se préoccupe-t-elle pas du droit concédé au Swatch Group de fixer librement les prix à la baisse, ce qui lui permettra de décourager les initiatives concurrentes dans l’offre des spiraux – cette situation constituant une seconde possibilité d’abus de position dominante (point 5) ?
12) POURQUOI la Comco admet-elle aussi facilement l’ingérence du Swatch Group dans la politique commerciale des marques clientes du groupe (point 8, a), le groupe pouvant librement avantager ou handicaper telle ou telle marque concurrente, selon son bon plaisir et en fonction de critères commerciaux improbables ?
13) POURQUOI la Comco avalise-t-elle la politique discriminatoire qui serait celle d’un Swatch Group désormais en position de choisir ses « bons » concurrents en fonction de leurs investissements dans l’outil industriel : de fait, les marques qui font le moins d’ombre aux marques du Swatch Group seraient « favorisées » en fonction de leur ratio chiffre d’affaires-dépenses marketing ?
14) POURQUOI la Comco peut-elle se résoudre à une telle renonciation au principe d’égalité des clients ? La distorsion de concurrence devient flagrante entre les marques du groupe d’une part, et les marques tierces ou les manufactures tierces, réduites à la portion congrue dès 2015 (point 3 b), alors que ces manufactures sont aujourd’hui les « soupapes de sûreté » et les « assurances vie » des marques tierces…
15) POURQUOI la Comco – qui est en Suisse le « gendarme de la concurrence » – accepte-t-elle de bloquer l’accès au marché des nouvelles marques en création ou à créer en réservant aux seuls clients du Swatch Group en 2010-2011 les mouvements industriels du groupe (point 2, c) ?
16) POURQUOI cette convention amiable semble-t-elle à ce point avoir été rédigée par les services juridiques du Swatch Group, qui paraissent avoir directement tenu la plume des rédacteurs de la Comco, à la façon d’une de leurs notes de service ?
17) POURQUOI la Comco semble-t-elle si pressée d’en finir avec cette convention amiable, en ne laissant aux marques concernées qu’un délai ridicule (31 août) pour faire connaître leurs objections qui, de toute façon, ne serviront à rien (question n° 2), alors que d’autres mesures provisionnelles étaient envisageables ?
18) POURQUOI ne pas évoquer le risque de conflit d’intérêt entre les positions de Johann Schneider-Ammann, ex-administrateur du Swatch Group, et Johann-Schneider-Ammann, directeur du Département fédéral de l’Economie, qui a la tutelle de la Comco appelée à statuer sur la stratégie industrielle du Swatch Group ?
19) POURQUOI la Comco ne semble-t-elle pas avoir anticipé les réactions des juges européens de la cour de Luxembourg face aux « abus de position dominante » qui pénalisent – dans le cadre de cette « convention amiable » – les entreprises européennes (françaises, allemandes, italiennes) dans leurs rapports commerciaux avec le Swatch Group ?
20) POURQUOI la Comco fait-elle fausse route avec un projet de convention aussi déséquilibré, qui revient, pour elle, à passer sous les fourches Caudines du Swatch Group et qui oblige les marques extérieures au groupe à « passer à la casserole » en se livrant pieds et poings liés aux exigences de Nick Hayek ? |