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Lutz Bethge et Montblanc : un seul et même ADN
 
Le 14-09-2007

Avec dix-sept ans passés dans la maison, Lutz Bethge est un PDG profondément en phase avec sa société, ses valeurs, son histoire.

L’entretien démarre sur une légende chinoise, celle du thé Orloong, longtemps réservé au seul Empereur, que Lutz Bethge, CEO de Montblanc, raconte avec bonheur dans sa salle de conférence. Il aime cette Chine où ses affaires l’appellent souvent - la marque ouvrira en novembre une nouvelle boutique à Shanghai -, son sens de l’équilibre, sa culture plurimillénaire.

A 52 ans, Lutz Bethge est un homme discret, élégant, à l’humour pétillant et prudemment contenu. Il n’aime pas trop parler de lui-même, « c’est la marque, le véritable héros de l’histoire », explique-t-il dans un sourire. Une marque qu’il a rejointe voici dix-sept ans, et avec laquelle il est profondément en phase. Les valeurs de Montblanc, l’obsession de la qualité, l’amour de l’artisanat, le sens de la durée, sont aussi les siennes. « Si j’offre à mon fils ma veste en cuir en lui disant « Regarde, je la portais dans les années septante », il éclatera de rire. Si par contre je lui donne ma plume, il sera heureux. Nos produits s’inscrivent dans la durée, ils ne se démodent pas, même après cinquante ans. »

Il parle avec conviction, les mains jointes, sans élever la voix, sans ouvrir non plus de brèche dans son discours. La saga de Montblanc, il la connait sur le bout des doigts et aime la raconter. Les débuts visionnaires à Hambourg, voici 101 ans, où la société a toujours son siège et d’où elle produit et exporte dans le monde entier les plumes qui ont fait sa légende.

Les choses n’ont pas toujours semblé faciles, et nombreux étaient ceux qui annonçaient le déclin des instruments d’écriture dans le derniers quart du vingtième siècle, quand triomphaient simultanément la production de masse, telle que l’illustrait le succès de Bic, et l’ordinateur personnel dont certains pensaient qu’il supplanterait définitivement la plume. Mais Lutz Bethge est philosophe : « Après tout Gutenberg a bien dû mettre quelques moines copistes au chômage, et Remington a mis en péril le travail de quelques secrétaires. » Fort de sa qualité et de sa constance, Montblanc a poursuivit sa progression, en dépit des Cassandres.

Pour le patron de Montblanc, l’écriture ne disparaîtra pas, elle représente le temps qu’on donne à un être cher lorsqu’on lui écrit à la main, ou le pouvoir qu’on exerce quand on signe un contrat, une loi ou un traité.

Il parle ainsi de la dernière décennie au cours de laquelle la marque a profondément évolué, « sans jamais trahir son ADN ». Jusqu’au milieu des années nonante, Montblanc produisait des plumes pour une clientèle masculine. C’est désormais une marque de luxe présente dans la maroquinerie, la joaillerie, la parfumerie, l’horlogerie, forte d’un réseau international de 330 boutiques, et dont un client sur deux est une femme.

Le développement du réseau de distribution entre d’ailleurs dans une phase plus sélective. Les ouvertures se poursuivront sur les marchés en croissance comme la Russie, l’Inde ou la Chine. Mais sur les marchés consolidés tels que l’Europe, les Etats-Unis, Hong Kong ou Singapour, l’effort portera surtout sur le choix des meilleurs emplacements et sur l’agrandissement des surfaces, pour accueillir une gamme de produits toujours plus vaste.

Mais cette diversification n’est pas chaotique, elle s’inscrit dans le temps et s’appuie sur des valeurs qui elles n’ont pas changé. La qualité tout d’abord, que l’on retrouve en joaillerie, avec le diamant Montblanc et ses 43 facettes ; dans les instruments d’écriture bien sûr, qui sont testés manuellement, un par un, à d’innombrables reprises dans les ateliers de Hambourg ; et dans la haute horlogerie, grâce aux mouvements Minerva qui animent la collection Villeret 1858. Quatre garde-temps présentés ce printemps à Genève, lors du dernier Salon International de la Haute Horlogerie, et qui seront disponibles, en séries limitées, dès le mois d’octobre. Nombre de passionnés devront pourtant patienter : sur les 268 pièces prévues, seules 180 pourront être livrées cette année.

Minerva, c’est la carte maîtresse de Montblanc dans la haute horlogerie. Rachetée en octobre dernier par le groupe Richemont, auquel appartient également Montblanc, elle a vu le jour dans le Jura bernois, à Villeret, en 1858, et signe depuis lors des mouvements exceptionnels. Elle apporte un savoir-faire irremplaçable, et fêtera l’an prochain ses 150 ans. Un anniversaire que Montblanc s’apprête à célébrer dignement en développant une nouveauté qui sera dévoilée lors du prochain SIHH, au printemps 2008.

Autre valeur commune à tout l’univers Montblanc, le savoir-faire artisanal, transmis de génération en génération, que partagent les horlogers du Locle ou de Villeret et les artisans de Hambourg. L’idée de produire ailleurs, moins cher, n’effleure même pas Lutz Bethge. On ne peut pas délocaliser la tradition européenne et la passion du travail bien fait.

C’est pour cela, sans doute, que le patron de la marque à l’étoile blanche s’anime tant lorsqu’il parle de Demetrio Cabiddu, Maître Horloger à Villeret, directeur technique de l’Institut Minerva de recherche en Haute Horlogerie, bastion de la tradition horlogère suisse. A cause de cette passion commune qui les anime et qui passe jusque dans les garde-temps qu’ils produisent. Les leurs et d’autres aussi, « Nous permettront également à des horlogers indépendant de venir à Villeret pour créer leur propres mouvements. » Il y en a un, justement, sur la table de la salle de conférence, signé Cabiddu. Un prototype. Il est là de passage, en route pour le studio où il sera photographié. Exclu donc de le salir, Lutz Bethge enfile des gants blancs pour le manipuler. Mais au fil de l’entretien, il s’oublie, l’attrait de la montre l’emporte, il la saisit, la retourne, en révèle le mouvement, en détaille les caractéristiques.

Convaincant, mêlant confiance et humilité, le patron de Montblanc explique l’aventure de la haute horlogerie. « Nous n’allions pas entrer dans ce secteur, où nous n’avions pas de tradition, avec un tourbillon ou la dernière complication», explique-t-il. « Mais lorsqu’on nous dit que nous n’avons pas d’histoire dans ce domaine, nous répondons que dans un siècle, nous aurons une histoire centenaire ! », corrige-t-il aussitôt.

Pour Lutz Bethge, il n’y a aucun doute, la part de la haute horlogerie ira croissant : « aujourd’hui déjà, 80% de nos montres sont mécaniques, et 60% d’entre elles sont des chronographes ». La marque renoncera-t-elle alors aux mouvements à quartz ? Le patron marque une hésitation, souligne que « le quartz n’est pas un mauvais mouvement », et qu’au bout du compte, il appartiendra aux consommateurs de décider.

L’avenir de Montblanc, Lutz Bethge l’imagine toujours plus féminin. « 25% de nos produits sont déjà des produits féminins, et cette part ira croissant. D’ici 5 à 10 ans, la proportion sera de moitié, et au-delà, on sait bien que les principaux consommateurs du luxe sont des consommatrices. » C’est pour elles que Montblanc redécore ses boutiques, ajoutant au code noir et blanc un espace tapissé en beige et réservé aux produits féminins. Pour elles aussi que dans sa boutique flagship japonaise, qui s’étend sur trois étages, la marque a consacré aux femmes l’entier du rez-de-chaussée.

« Même historiquement, Montblanc n’est pas une marque masculine, tempère Lutz Bethge. C’est plus simplement une marque qui a une attitude masculine parce qu’elle est liée au pouvoir. La plume est un instrument de pouvoir, c’est avec elle qu’on signe les contrats, les traités. Une belle plume dit de vous que vous avez du succès, que vous êtes dans le monde des affaires. Un monde où les femmes aiment désormais évoluer aussi. »

Pour le prochain siècle, Montblanc« sera une marque de luxe active dans l’horlogerie et la joaillerie ». Mais qui ne cessera pas pour autant de fabriquer ses plumes, « car enfin, qu’est-ce qu’une plume Montblanc, sinon un bijou qui écrit ? » Un avenir construit sur la qualité, l’artisanat, la relation affective que seule peut créer une pièce unique. « Plus le monde se globalise, plus les gens rechercheront des pièces uniques .» C’est pour cela, sans doute, qu’à Hambourg, une machine, une seule, découpe en rectangles réguliers les lamelles d’or d’où naitront les becs des plumes mythiques.

Marco Cattaneo
Ce texte a paru, dans une version raccourcie, dans la Tribune des Arts de septembre 2007.

 



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