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Le recul des commandes et la stagnation des chiffres d’affaires mettent les entreprises de la branche des machines sous forte pression
«Le citron a été suffisamment pressé. Il n’y a presque plus de jus.» L’expression a été utilisée une dizaine de fois, mercredi à Berne, par les représentants de l’industrie suisse des machines (Swissmem) qui ont tiré le bilan de la situation économique du secteur. La branche des machines mettra donc les pieds au mur face à toute charge financière supplémentaire, qu’elle prenne la forme de revendications salariales, d’augmentation du prix de l’électricité ou de nouvelles taxes, comme celle sur le CO2.
Le franc fort, malgré le seuil de 1,20 franc pour 1 euro fixé par la Banque nationale suisse (BNS), fait toujours des dégâts, selon Peter Dietrich, directeur de Swissmem. «Le franc suisse reste surévalué et la probabilité est grande que le chiffre d’affaires dans la branche bascule bientôt dans le négatif.»
L’expérience montre que l’effet de la baisse des entrées de commandes sur les ventes se fait sentir un an à un an et demi plus tard. Or, la chute des commandes comparée aux périodes de l’année précédente se poursuit depuis 15 mois. La baisse brutale (–16,8%) durant les trois premiers mois de cette année s’est réduite durant le second trimestre (– 4,3%). L’ensemble des secteurs de la branche, à l’exception de l’horlogerie, est touché. 69% des 290 entreprises rattachées à Swissmem indiquent une diminution des entrées de commandes au premier semestre 2012. Le recul global durant cette période atteint 11,1%, alors que l’horlogerie enregistre une hausse de 16,4%.
Au niveau du chiffre d’affaires, la faible croissance au premier trimestre (2,1%), s’est transformée en quasi-stagnation d’avril à juin (+ 0,7%). Les mesures prises par la BNS expliquent en grande partie cette résistance des entreprises exportatrices. «En août 2011 nous nous attendions au pire. Heureusement, cette forte dégradation ne s’est pas produite», relève Hans Hess, président de Swissmem. La pression sur les prix est forte. Elle s’est poursuivie au premier semestre par une baisse de 2,3%, qui pèse sur les marges bénéficiaires. «Un grand nombre d’entreprises survivent uniquement grâce à leurs réserves», estime Hans Hess, qui redoute les effets d’une hausse du prix de l’électricité liée à la sortie du nucléaire. Sur la base d’un sondage interne auprès de 140 sociétés, un doublement du prix de l’électricité en huit ans ferait chuter de 20% le bénéfice opérationnel d’un tiers des entreprises du secteur des machines. «C’est comme si on doublait d’un coup la charge fiscale», compare le président de Swissmem.
Selon lui, alors que vont commencer les négociations sur le renouvellement de la convention collective de travail qui arrive à échéance en juin 2013, ce n’est pas le moment de parler d’augmentation des salaires. Cité dans le journal dominical Sonntag, Hans Hess précisait «qu’il vaut mieux gagner moins que perdre son emploi.» D’autant plus qu’il existe, selon lui, une marge de manœuvre à la baisse sans toucher au pouvoir d’achat, puisque l’inflation négative se situe à 0,7%. Mercredi, il a nuancé ces propos, en réponse à une question du Temps. «On peut oublier une hausse des salaires car les entreprises n’ont plus de marge de manœuvre», estime-t-il. Urs Berner, patron d’une entreprise fabriquant des outils d’alésage qui emploie 60 personnes à Rupperswil (AG), n’envisage pas de baisse des salaires. «Une telle mesure de réduction des coûts n’est pas envisageable. Par contre, le niveau de salaire à l’embauche est plus bas.» Christophe Reymond, directeur du Centre patronal vaudois, a estimé, hier sur les ondes de RTS La Première, qu’«il n’y aura évidemment pas de baisse généralisée des salaires en 2013», en ajoutant que «les employeurs ne peuvent pas appeler de leurs vœux un ralentissement économique par la déflation».
Les syndicats demandent des hausses de 1 à 2,5% «basées sur des faits et non des lamentations sur l’euro de la part d’entreprises industrielles très hétérogènes». L’organisation Employés Suisse exige une négociation de la nouvelle convention collective «sans condition préalable».
Le poids sur l’emploi se fera sans doute sentir à cause du taux d’utilisation de l’outil industriel, qui a chuté à 86,4% à fin juin, contre 90% à la même période de l’an dernier. Or, des pertes d’emplois sont généralement enregistrées dès que ce taux approche 80%.
Willy Boder
LE TEMPS
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