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Interview de Pierre-Olivier Chave. Selon le fondateur de PX Group, les grandes marques horlogères peineront à recruter le personnel nécessaire à l’extension de leurs sites de production.
C’est une figure incontournable de l’économie neuchâteloise. A 69 ans, Pierre-Olivier Chave rêve de transformer son canton en une seule et unique agglomération. Il soutient la création d’une capitale internationale de la microtechnique dans le chef-lieu. Il figure parmi les fondateurs du parc technologique Neode. Il est le fondateur et l’actuel président du conseil d’administration de PX Group, qui occupe environ 340 collaborateurs à La Chaux-de-Fonds. Cette société traite les métaux précieux, nobles et non précieux dans plusieurs domaines: montres, bijouterie-joaillerie, medtech, lunetterie, automobile. Elle est surtout le leader de l’habillement horloger, une activité qui génère la moitié des 70 millions de francs de chiffre d’affaires du groupe. Interview.
Jean-Philippe Buchs: Dans l’arc jurassien, les vacances horlogères sont désormais terminées. La folle croissance de la branche, qui ne cesse de battre des records à l’exportation, durera-t-elle encore longtemps?
Pierre-Olivier Chave: Si les ventes à l’étranger continuent de progresser en valeurs, c’est parce que la demande de montres haut de gamme reste très importante. En revanche, l’horlogerie n’est plus dans un trend haussier en termes de nombre de pièces écoulées sur les marchés étrangers. La tendance est plutôt à la stabilisation des ventes.
Comment les fournisseurs, à l’instar de votre groupe, ressentent-ils cette situation?
Après le ralentissement passager des activités que nous avons enregistré ce printemps, nous misons sur une légère progression des carnets de commandes dans le courant de l’automne. Pour PX Group, l’avenir à plus long terme s’annonce relativement prometteur dans la fourniture de composants pour l’horlogerie. Car les manufactures cherchent à s’approvisionner en Suisse avec des partenaires qui sont capables de certifier l’origine des matières premières.
C’est-à-dire…
Pour exporter leurs montres, plus particulièrement au sein de l’Union européenne, les horlogers sont tenus de respecter la directive Reach. Laquelle réglemente la mise sur le marché, la fabrication et l’utilisation non seulement des produits chimiques, mais aussi des métaux et des alliages. Ce sont les fournisseurs, comme PX Group, qui sont responsables de leur conformité. Ils doivent pour cela être capables de contrôler la provenance de la matière première, par exemple de l’acier et du cuivre que nous utilisons dans l’habillement horloger (bracelets, boîtiers).
Cette norme constitue-t-elle une contrainte ou une chance?
Elle oblige notre société à réaliser des investissements importants en équipements et dans le domaine de notre organisation. Désormais, toute la provenance de nos matériaux est contrôlée. Elle est surtout traçable depuis l’extraction jusque dans nos locaux. La réglementation Reach est une façon de défendre les atouts de l’Europe face à la production sauvage pratiquée dans certains pays. Pour la Suisse, c’est un gage supplémentaire de la qualité de sa production.
Une de vos sociétés, PX Précinox, vient d’obtenir le label «Good Delivery» par l’Association internationale du commerce de lingots d’or et d’argent. Qu’est-ce que cela signifie?
Pour notre entreprise, c’est une reconnaissance de sa capacité à fournir des lingots d’or certifiés sur le plan universel. Ce qui nous permet de mettre sur le marché une matière première dont l’approvisionnement est parfaitement traçable. Nous pouvons en effet garantir que l’or provient de sociétés extractrices qui interdisent par exemple le travail des enfants et l’utilisation de produits chimiques dans la mesure où ces derniers sont dangereux pour l’environnement ou ne respectent pas de manière générale les règles du développement durable.
Jamais, depuis 1969, La Chaux-de- Fonds n’a offert autant d’emplois (environ 23 000) qu’aujourd’hui. Les employeurs font-ils face à une pénurie de main d’œuvre qualifiée?
Le marché du travail de toute la région est asséché. Nous ne parvenons que difficilement à engager les collaborateurs qui disposent des compétences dont nous avons besoin.
Comment les grandes marques horlogères, qui projettent de créer plus de 3000 emplois dans l’arc jurassien dans les prochaines années, pourront-elles recruter?
C’est une grande question à laquelle je n’ai pas de réponse. Le recours à la main d’œuvre frontalière ne suffira probablement pas.
Les citoyens des Brenets (près du Locle) pourraient s’opposer le 26 août à l’implantation de Cartier dans leur commune. Pourquoi?
Le référendum qui a abouti contre cette implantation est révélateur du ras-le-bol des habitants d’une région qui ne possède pas les infrastructures nécessaires pour accueillir les nouveaux investissements prévus par les grandes marques horlogères. Aujourd’hui déjà, jusque vers 9 h et dès 16 h, les routes sont complètement engorgées. On met souvent plus d’une heure pour parcourir quelques kilomètres. Les automobilistes empruntent même les chemins de campagne pour contourner La Chaux-de- Fonds et Le Locle. Cette situation, qui paralyse les déplacements, s’aggravera encore davantage dans les prochaines années avec l’accroissement prévisible du nombre de frontaliers. De surcroît, le pouvoir de plus en plus important que prennent ces derniers dans les entreprises est souvent mal ressenti au sein de la population locale.
Les tensions avec les frontaliers risquent donc de s’accroître comme à Genève…
La situation est encore sous contrôle, mais il faut rester très attentif. Car on ne peut pas exclure des dérapages lors de l’ouverture des nouveaux sites de production projetés. Les partis populistes savent comment exploiter la peur de l’étranger. C’est pourquoi il ne faut pas banaliser les préoccupations qui émergent maintenant. Au contraire, nous devons les résoudre.
Autre inquiétude pour une région qui vit de l’exportation: la force du franc. Comment PX Group affronte-t-elle ce défi?
De manière générale, la situation devient difficile pour l’industrie d’exportation. Des marchés nous échappent pour partie en raison de la vigueur de notre devise. L’autre raison est la mauvaise conjoncture internationale. Pour PX Group, huitante emplois sont en jeu, notamment dans son activité d’outils de précision, en raison principalement de l’affaiblissement de l’euro. Actuellement, nous continuons à vendre notre production mais en réalisant des pertes. Les investissements que nous avons réalisés pour diminuer nos prix de revient devraient nous permettre de retrouver une rentabilité acceptable. Pour l’instant, le recours au chômage partiel contribue à alléger nos coûts.
Les importateurs auprès desquels vous vous approvisionnez pour l’acquisition de composants ou de matières premières répercutent-ils la baisse de l’euro sur leurs prix?
Non. Le comportement de ces sociétés est scandaleux, à quelques exceptions près. Je prends trois exemples. D’abord, l’achat de véhicules nous coûte nettement plus cher que de l’autre côté de la frontière, comme l’a montré récemment le cas de BMW qui a été sanctionné par la Commission de la concurrence. Les promotions qu’offrent les importateurs ne constituent pas des conditions durables dont nous devrions pourtant bénéficier. Ensuite, j’ai constaté cet été que les dosettes de café vendues par un grand magasin de Londres (Harrods, ndlr) sont nettement meilleur marché qu’en Suisse. Le service client du fabricant (Nespresso, ndlr) m’a répondu que c’était logique: le pouvoir d’achat des Anglais est moins élevé que celui des Suisses. Enfin, PX Group acquiert l’acier dont il a besoin auprès de producteurs en Allemagne. Or, nos filiales helvétiques le paient 15% de plus que celle active en Malaisie qui s’approvisionne chez les mêmes fournisseurs. Autrement dit, les consommateurs (entreprises et particuliers) ne profitent pas de la cherté du franc.
EN DATES
1943
Naissance le 25 mars à Lonay, près de Morges
1964
Diplôme d’ingénieur mécanicien à Genève
1964-1968
Fonderie Selve à Thoune
1968
Fréquente la chaire de métallurgie structurale de l’Université de Neuchâtel
1968-1972
Metalor, à Neuchâtel
1972-1976
LNI, à Champagne
1976
Fonde sa propre entreprise, PX Group, à La Chaux-de-Fonds. Il en est toujours propriétaire et président du conseil d’administration
Jean-Philippe Buchs
BILAN
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