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Le Seco s’inquiète de la dégradation du marché européen. Même si la part des pays émergents augmente, l’Europe reste le principal débouché pour le «Swiss made»
La deuxième partie de l’année 2012 a plutôt bien commencé pour les exportations suisses. Elles ont bondi en juillet à 17,4 milliards de francs, en hausse de 0,3% par rapport au mois précédent. La balance commerciale a bouclé avec un surplus de 2,9 milliards, soit le deuxième plus important enregistré sur un mois, selon l’Administration fédérale des douanes (AFD). Les exportateurs suisses ne sont pas pour autant rassurés. «L’Europe reste notre principal marché (57%), mais nous constatons que la situation continue à s’y dégrader, déclare Eric Scheidegger, chef de la Direction de la politique économique et membre de la direction du Secrétariat d’Etat à l’économie (Seco). Nous verrons comment cette situation affectera nos prochaines prévisions conjoncturelles dont la publication est prévue pour le 18 septembre.»
Daniel Kalt, économiste en chef d’UBS, renchérit et fait remarquer que les commandes sont déjà en baisse dans les pays en crise dans le sud de l’Europe alors qu’elles restent soutenues en Allemagne. «Grâce à un euro affaibli, les exportateurs allemands continuent à vendre à l’étranger, notamment dans les pays émergents.»
Dans ses dernières prévisions, le KOF, l’institut des études conjoncturelles de l’EPFZ, fait remarquer que la bonne tenue des exportations suisses durant la première partie de l’année était liée notamment à la politique monétaire de la Banque nationale suisse, dont l’intervention sur le marché des changes a aidé les exportateurs. En revanche, l’institut note que la situation liée à la crise de la dette européenne ne s’est guère améliorée. Selon le KOF, de nombreuses entreprises attendront avant d’effectuer des investissements. En réalité, plusieurs incertitudes demeurent notamment sur l’avenir de la zone euro, sur la poursuite d’aide à la Grèce ainsi que sur un plan global de sauvetage pour l’Espagne.
Côté grec, le nouveau gouvernement, en place à l’issue des élections générales en juin, demande un délai de deux ans pour atteindre les objectifs fixés par la troïka (Commission européenne, Banque centrale européenne et Fonds monétaire international) pour équilibrer les comptes publics. Un rapport d’évaluation sur les mesures prises à ce jour et les objectifs atteints est attendu en septembre. Le premier ministre grec Antonis Samaras vient de conclure une tournée européenne dans le but de convaincre ses homologues du bien-fondé de sa démarche, mais pour l’heure, il n’a obtenu aucune concession. La chancelière allemande Angela Merkel et le président français François Hollande ont les deux exigé qu’Athènes exécute rigoureusement le plan d’austérité négocié en échange d’une aide internationale de 130 milliards d’euros au début de l’année.
L’Espagne, l’autre maillon faible de la zone euro, est aussi sur la brèche. Madrid a négocié une aide de 100 milliards d’euros pour sauver ses banques surexposées dans la bulle immobilière. Mais il est désormais question d’un soutien global à l’économie espagnole. La décision est suspendue au verdict de la Cour constitutionnelle allemande, qui doit se prononcer le 12 septembre sur la compatibilité du Mécanisme européen de stabilité (MES) avec les traités européens. Une éventuelle aide à l’Espagne, voire à l’Italie ou tout autre pays en difficulté, sera financée par le MES. A Madrid, l’Institut national de la statistique a confirmé mardi que la quatrième économie de la zone euro s’est enfoncée un peu plus dans la récession au deuxième trimestre, avec un recul du PIB de 0,4% par rapport au premier. La consommation des ménages ainsi que les dépenses publiques ont été comprimées à cause du programme d’austérité en cours. Par ailleurs et pour ne rien arranger, la Catalogne, bien qu’elle soit l’Etat le plus riche d’Espagne, a annoncé mardi qu’elle allait demander une aide de 5 milliards d’euros à Madrid. D’autres régions comme Valence et Murcie ont déjà annoncé des intentions similaires.
L’économie suisse a également les yeux braqués sur les prochaines initiatives de la Banque centrale européenne. En deux opérations distinctes, elle a mis 1000 milliards d’euros à disposition des banques afin que celles-ci augmentent la liquidité sur le marché. Le résultat n’est pas probant pour l’heure et selon les observateurs, une bonne partie de cette manne est retournée à la case départ. En revanche, la BCE a annoncé mardi que les crédits au secteur privé ont légèrement augmenté en zone euro en juillet après deux mois de baisse consécutifs.
Le chef économiste d’UBS estime que la BCE va encore réduire son taux d’intérêt de 25 points de base lors de son prochain comité directeur. «Une telle décision aiderait l’économie de la zone euro,mais elle réduirait aussi la pression sur le franc et, à terme, soutiendrait nos exportations sur le marché européen», dit-il.
Ram Etwareea
LE TEMPS
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