|
Une pincée de piment design dans une insipide offre industrielle…
••• Le mass-market est-il incompatible avec une attention porté au design et à la singularisation ? Le P-DG du groupe Accor se posait la question en lançant un grand chantier de rénovatin du concept des hôtels Ibis. Deux exemples pour lui : la chaîne H&M dans la mode et la marque Swatch dans l’horlogerie [voir, ci-dessous, dans notre méli-mélo d'actualités du jour]. Il explique : « Ibis est une marque extraordinaire, une vraie “Belle au bois dormant“. C’est la première chaîne d’hôtellerie économique mondiale, avec 1 600 établissements. Il fallait accélérer, lui redonner de l’avance. D’autant plus que ce secteur est longtemps resté sous l’influence des années 1970, avec une forte standardisation et peu de design, jugé trop cher pour cette gamme d’hôtels. Les clients rejettent ce genre de modèle. Dans d’autres domaines, des entreprises comme H&M et Swatch ont démontré que design et distribution de masse n’étaient pas incompatibles. Nous avons donc tout repensé, des lits aux espaces publics, en passant par le logo. 0n a choisi un oreiller de trois couleurs différentes selon le positionnement : rouge pour Ibis, bleu pour Ibis budget/Etap Hotel, vert pour Ibis Styles/All Seasons. Il incarne le confort du lit, premier critère pour nos clients« …
••• Eh oui, on l’oublie un peu, mais il fut un temps où Swatch incarnait le non-conformisme victorieux d’une horlogerie suisse qui avait su transcender les codes du luxe pour faire d’une montre en plastique low cost le symbole de sa renaissance. Fort d’une proposition horlogère radicale, Nicolas Hayek avait totalement repensé les paradigmes du « marketing horloger » – le mot n’existait pas encore : précision mécanique, discrétion non ostentatoire, créativité intemporelle, style traditionnel. Au contraire, il avait fait « péter » les couleurs, sans se gêner côté électronique, en y ajoutant une rotation saisonnière calquée sur la mode et une dimension artistique collectionnable. De quoi rendre à la fois honneur, dignité, désirabilité et profitabilité à toute la branche, qui a bâti sur ce plastique injecté la renaissance de ses grandes manufactures mécaniques…
••• En entrant dans le premier tiers des années 2010, le retour insidieux – mais inévitable – de la Première Crise mondiale nous ["nous" = industrie horlogère] oblige à repenser nos modèles. Tout comme Accor face au dossier Ibis, l’horlogerie doit prendre en compte le monde tel qu’il est et les mutations sociétales pour ce qu’elles sont : profondes et définitives. « Forte standardisation et peu de de design« , avoue le P-DG d’Accor. Une excellent définition pour ce qu’est devenue l’entrée de gamme horlogère, avec ses propositions relativement indifférenciées [impossible de reconnaître les montres si on gomme la marque du cadran !], son marketing plon-plon et ses dramatiques lacunes en idées nouvelles. Trop industriel et pas assez émotionnel ! Trop conventionnel et pas assez générationnel ! On avait manqué le train d’une refondation en 2008-2009, quand le coup d’accélérateur du marché chinois a remobilisé tout le monde autour de l’effort productif à consentir pour alimenter ce gouffre à montres. La crise qui s’annonce [si elle se confirme] ne pourra pas exonérer l’industrie horlogère d’une révision déchirante de ses procédures, de ses idées reçues et de ses routines mentales… |