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Michel Sofisti fait partie des figures du renouveau horloger. Il a oeuvré au côté de Nicolas Hayek et de Jean-Claude Biver, dont il a pris un temps le relai à la tête d’Omega. Il a rejoint le groupe PPR il y a près de 4 ans, pour redresser la destinée des montres Gucci, dont il assure toujours la présidence exécutive. Il y a un peu près une année, PPR reprenait les marques Girard-Perregaux et JeanRichard (groupe familial Sowind) à La Chaux-de- Fonds, dont la direction a aussi été confiée à Michele Sofisti. Depuis près d’une année, il y exerce son sens de la simplication et de la segmentation. Une mise en place complexe qui devrait accompagner la prochaine étape de croissance.
Stéphane Gachet: Cela fait une année que la marque a été reprise par PPR et que vous avez été nommé à la tête de Sowind. Une année aussi que vous travaillez à la refonte complète des collections. Pourquoi une telle mise à jour?
Michel Sofisti: Il y a en effet beaucoup de mise en place. Le changement n’a pas été dicté par l’acquisition, mais par la construction de la marque, qui est arrivée à un bon moment pour évoluer. Notre travail est de reconnecter Girard-Perregaux à son futur. L’élément le plus visible reste la refonte de l’ensemble de la collection. Deux nouvelles familles, sport et lifestyle, seront lancées entre novembre et février prochain. Nous avons aussi entamé un projet que je qualifie de révolutionnaire avec l’horloger Dominique Loiseau, un projet qui ne débouchera pas seulement sur une grande complication exceptionnelle, mais sera à terme décliné sur certains de nos calibres de base.
Comment faut-il interpréter cette révision? S’agit-il de corriger un défaut au niveau des produits?
Notre leitmotiv est «simplification ». La marque reposait sur une trop grande quantité de références. Au final, nous travaillerons sur quatre familles hommes et une collection femmes claires et distinctes.
Trop de références donc.
Ce qui représente une double contrainte. Sur la visibilité chez le détaillant, puisqu’il y a une liaison directe et quelque part inverse entre l’abondance de références et la présence en vitrine. Contrainte également sur la production. Nous sommes une manufacture et il fallait aussi retrouver une plus grande simplicité d’exécution. Nous avons tout simplifié: les collections, la communication, la production.
Est-ce une manière de signaler un défaut d’image?
Je me concentre sur la volonté de faire évoluer la marque. En termes d’image, il y a peut-être eu un peu trop d’insistance sur le formidable héritage et l’histoire de la marque. Elle doit être à nouveau ancrée sur son temps. Dans notre communication, nous mettons en avant nos jeunes horlogers de talent. Il est important de mettre des visages derrière nos montres.
Et que voulez-vous dire quand vous parlez de réaligner l’outil de production?
Encore une fois, je suis un supporter inconditionnel de la simplicité. Le monde industriel est déjà suffisamment complexe en soi. En fait de réalignement, il s’agit surtout de nous concentrer sur quatre familles de produits au lieu de onze.
Ne s’agit-il pas aussi de marquer une étape après une direction familiale, voire patriarcale, menée par la famille Macaluso, propriétaire précédent?
Ce n’est pas à moi d’en juger. Je suis un manager. PPR est présent depuis plusieurs années dans la manufacture. François-Henri Pinault et Luigi Macaluso étaient amis. Après le décès de Luigi Macaluso en 2010, la question s’est posée de savoir comment aider la maison. La configuration est très différente d’une simple logique d’acquisition et dans ce cadre-là, la perception de PPR est la nécessité de faire évoluer la marque. Je mets en place cette stratégie. La finalité reste la croissance. L’objectif est de grandir.
Qu’en est-il de l’exercice en cours?
Nous enregistrons une bonne progression par rapport à 2011. En Asie bien sûr. Nous avançons aussi bien aux Etats-Unis. L’Europe est naturellement plus incertaine.
Puisque vous aborder la question des débouchés, la marque est-elle toujours aussi dépendante de l’Asie et de la Chine?
La Chine reste notre débouché principal. L’ensemble de l’Asie représente près de 40% de nos ventes. L’un des objectifs est de rééquilibrer notre présence en travaillant notre distribution. Il ne s’agit pas de se détourner de la Chine, qui va demeurer une place forte à long terme. Mais ce serait une erreur capitale de se concentrer sur ce seul débouché.
Vous prévoyez donc des investissements hors d’Asie.
Nous voulons renforcer les Etats- Unis et l’Amérique du sud en particulier. Egalement le Moyen- Orient et l’Europe. Des investissements sont prévus dans la communication et les produits.
Refondez-vous également votre distribution?
Il y a encore des débouchés à couvrir et des zones géographiques où nous pouvons améliorer notre présence. Nous nous efforçons surtout de développer la notion de partenariat et de nous recentrer sur les détaillants qui adhèrent vraiment à notre stratégie. Nous arrivons bientôt avec deux nouvelles familles de produits. L’objectif est d’accompagner notre schéma de croissance.
Cela signifie-t-il pas de forcing sur le mode boutique monomarque?
Nous avons une boutique en propre à New York et quelques autres en partenariat, mais notre approche est de rester sur un modèle de distribution traditionnel, à travers les détaillants.
La requalification implique-t-elle alors une réduction du réseau?
Nous travaillons aujourd’hui avec quelque 700 points de vente. Cela peut un peu descendre, mais nous sommes dans la bonne mesure. La bonne envergure pour une marque comme Girard-Perregaux se situe entre 500 et 700.
Le lancement des deux nouvelles familles impliquera-t-il l’obligation pour les détaillants d’augmenter les stocks?
Nous restons malgré tout sur des petites quantités. Il s’agit surtout de renforçant notre visibilité sur les points de vente. Les deux nouvelles familles complètent l’assortiment de base des modèles classiques. Il est très important d’étendre notre éventail de styles pour la clientèle, tout en conservant notre positionnement.
Vous ne donnez pas les chiffres exacts, mais on situe communément la production à plusieurs dizaines de milliers de pièces. La marge de progression est-elle encore importante?
Nous avons la capacité de croître sur plusieurs années.
Nous n’avons évoqué que Girard-Perregaux. Le groupe Sowind possède une seconde marque, JeanRichard, qui fait l’objet d’un repositionnement plus radical. Quel est l’objectif?
Une refonte complète en effet.
Nous dévoilerons bientôt les quatre nouvelles collections, le nouveau design, le nouveau logo, etc. Le défi est de retrouver un positionnement plus adéquat, très différent du choix du passé, qui avait été de faire de JeanRichard une montre manufacture. La nouvelle approche est résolument industrielle, sur un segment prix nettement plus bas, entre 2000 et 3500 francs. Nous maintiendrons toutefois une petite production manufacture, genre séries limitées.
La marque de volume qui manquait. Quelles quantités pensez-vous atteindre?
La marque a un potentiel de plusieurs dizaines de milliers de pièces, mais il faudra plusieurs années pour atteindre ce rythme. Il faudra aussi renforcer la distribution, avec plusieurs milliers de points de vente.
Une opération dans la ligne de ce que vous avez mené chez Gucci depuis fin 2008. Qu’en est-il en revanche de la logique de conserver Girard-Perregaux et JeanRichard sous un même toit?
L’idée n’est pas de remettre en question la volonté au lancement de JeanRichard. Il y a une base qui est là et qu’il faut revitaliser. Si l’on analyse la marque au niveau de PPR, sa présence fait totalement sens, avec un positionnement entre Gucci et Girard-Perregaux. Si l’on ajoute Boucheron dans la haute joaillerie, toutes les marques sont bien identifiées et bien segmentées.
Pour l’instant, les deux marques profitent d’un appareil de production commun. Le changement de segment et l’augmentation des volumes remet-il la structure actuelle en question?
Les équipes seront rééquilibrées, mais il n’y a pas d’investissement prévu. Il n’y a pas de renforcement par acquisition prévu non plus au niveau de Sowind.
Pas d’engagement non plus?
Nous sommes toujours en phase de développement, nous cherchons toujours des compétences.
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