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Comme Barbe-Bleue, l’agent secret 007 a déjà eu sept épouses horlogères, abandonnées les unes après les autres. En cinquante années, sa passion pour les montres ne s’est pas démentie, mais ses multiples coups de canif dans le contrat et ses infidélités tarifées déprécient l’icône, devenue un vrai sapin de Noël promotionnel…
Tout le monde a su, sait ou saura qu’un nouvel épisode des aventures de James Bond, l’agent secret n° 007 de Sa Majesté britannique vient d’arriver sur les écrans. Pratiquement impossible de ne pas savoir que James Bond fête son demi-siècle au cinéma. Difficilement possible d’ignorer la campagne publicitaire orchestrée par Omega autour de la sortie de Skyfall, où James Bond porte une Omega Planet Ocean. En revanche, seuls les aficionados savent que James Bond, s’il a toujours porté des montres – dans ses aventures livresques avec Ian Fleming comme dans ses aventures sur grand écran – et généralement des belles montres, s’est montré particulièrement éclectique, volage et infidèle dans ses choix horlogers…
Dans les premiers livres écrit par Ian Fleming, qui portait personnellement une Rolex Explorer (réf. 1016), l’agent secret était seulement gratifié d’une simple Rolex, sans autre indication de modèle. Quelques indications littéraires données par Ian Fleming dès Au service secret de Sa Majesté (1963) sur les chiffres lumininescents et le bracelet permettent de penser que James Bond ne saurait porter qu’une Explorer. C’est pourquoi, dans James Bond contre Dr No (1962), il n’était pas question de laisser 007 sans montre, et surtout sans Rolex : Sean Connery n’en possédant pas, on a donc pris, sur le plateau, la Submariner personnelle du producteur, Albert « Cubby » Broccoli. Montre « logique » puisqu’elle équipait les commandos de la Navy britannique et qui allait devenir l’équipement réglementaire de James Bond, parfois même avec le bracelet en nylon aux couleurs des forces spéciales britanniques. Pour les collectionneurs de Rolex, cette référence de Submariner est devenue devenue la « James Bond »…
On retrouvera la Rolex « James Bond », avec ou sans Sean Connery, dans les aventures suivantes de l’agent secret (Bons baisers de Russie en 1963, Goldfinger en 1964, Opération tonnerre en 1965, Au service secret de Sa Majesté en 1969, etc.), mais tous les amateurs – qui ont visionné les images de ces films, seconde par seconde, savent qu’on y voit aussi James Bond porter d’autres montres, non identifiées à ce jour – sans doute des mauvais « raccords », Sean Connery ayant oublié sa montre personnelle au poignet, montre qu’on retrouvera à son poignet dans un film de 1968 comme Shalako, avec Brigitte Bardot (ci-dessous)…
»Monsieur Bond » s’offre ensuite beaucoup de digressions horlogères, parfois avec Rolex (une Daytona a été repérée dans L’Homme au pistolet d’or (1974) et dans Au service secret de Sa Majesté, quoiqu’on parle aussi d’une Rolex Midas dans L’homme au pistolet d’or), parfois avec un gadget (la Rolex à scie circulaire dans Vivre et laisser mourir, en 1973), mais parfois aussi sans Rolex : une Breitling apparaît dans Opération Tonnerre, de même qu’une Seiko dans L’espion qui m’aimait (1977), dans Moonraker (1979), dans Rien que pour vos yeux (1981), dans Octopussy (1983) ou dans Dangereusement vôtre (1985). Un belle série de réussites japonaises, un peu oubliées par la suite. C’est Hamilton et ses chiffres rouges (Pulsar P2) qui volent la vedette horlogère dans Vivre et laisser mourir…
Une des montres les moins connues de la légende 007 reste cependant la TAG Heuer portée dans Tuer n’est pas jouer (1987) : un pièce Night-Diver (quartz) d’autant plus remarquable que tout son cadran est luminescent (ci-dessous et en haut de page). C’est la seule apparition d’une TAG Heuer au poignet de James Bond et elle est d’autant plus symbolique que, dans le film suivant (Permis de tuer, 1989), James Bond revient à Rolex avec une Submariner Date, juste avant de repartir vers d’autres aventures, dès 1995, avec une Omega au poignet. TAG Heuer aura ainsi bouclé le premier cycle cinématographique de l’agent secret…
En 1994-1995, James Bond est aux abois… Le dernier Permis de tuer s’est révélé être un échec commercial - tout est relatif ! -, l’agent secret est démodé, ses aventures ne semblent plus intéresser personne. Albert Broccoli se cherche des sponsors et il finit par pousser la porte de la direction d’Omega, à la recherche de 100 000 [dollars pour quelques apparitions d’une montre à l’écran. Si les premières prestations de Rolex au poignet de James Bond étaient gratuites - magie des années 1960, où personne ne faisait encore de marketing, et encore moins de "product placement" ! -, les marques ont ensuite payé pour équiper Mr Bond. Le « gourou » marketing d’Omega est alors un certain Jean-Claude Biver, qui fait alors la pluie et le beau temps au sein du Swatch Group, dans l’ombre tutélaire de Nicolas Hayek. Pas vraiment fan de James Bond, Jean-Claude Biver – qui pressent qu’il y a encore du potentiel dans cette saga et qui anticipe bien la mondialisation encore balbutiante des marchés mondiaux – comprend le parti qu’il peut tirer d’un lancement international. Il tente un coup de poker : non pas 100 000 dollars, mais un million de dollars pour placer une montre dans le film, mais aussi pour associer Omega à toutes les opérations promotion du film à travers le monde. Quelle montre coller au poignet de 007 ? Pas la Speedmaster, qui n’a pas besoin d’une telle promotion, mais la Seamaster, collection vieillissante et commercialement déclinante, qui a été, elle aussi, réglementaire dans les commandos de la marine britannique.
Un peu interloquée, mais intéressée par cette manne, la production de James Bond accepte d’associer Omega à GoldenEye, qui sort en 1989, avecu nouvel acteur pour interpréter James Bond, Pierce Brosnan. Le film a coûté 60 millions. Il va en rapporter 350 ! Les ventes de la Seamaster explosent, alors que la Seamaster de James Bond se prête à de multiples gadgets. On finira par trouver dans Casino Royale (2006) la réplique culte , quand Vesper Lynd (interprétée par Eva Green) demande à James Bond (Daniel Craig) en lui parlant de sa montre : « – Rolex ? – Omega ! – Magnifique »… Sept épisodes en tout pour Omega (en comptant le nouveau Skyfall), un de moins que pour Rolex, mais l’identité est à présent totale entre James Bond et Omega – même translation de légitimité entre Pierce Brosnan, artisan du renouveau d’Omega dans la saga, et Daniel Craig, qui fait subir les pires traitements à la Seamaster - peut-être s'agit-il d'une vengeance, parce qu'il n'a plus droit aux gadgets amusants, comme la Rolex-aimant à descendre les fermetures à glissières de ces dames, dans Vivre et laisser mourir. Désormais, on ne se contente plus du (00)7 à la place du 7 ou de l’aiguille des secondes 007 : on a gravé le fond et même la boucle reprend le 007…
Omega a même poussé un peu plus loin le « product placement« , puisqu’on a désormais droit à la montre de la James Bond’s girl, promue ambassadrice de la marque auprès des femmes – longtemps négligées par une série dont les héroïnes osaient s’appeler Pussy Galore (disons… « chatte à volonté »), Honey Rider (tentons, pour rester correct, « Cavaleuse » avec une nuance miellée que tout le monde aura compris) ou même Abondance Delaqueue (c’était dans Les Diamants sont éternels). Aujourd’hui, on tente d faire plus raffiné pour récupérer dans les salles obscures l’autre moitié de l’humanité. Très sensibles à la prescription par une star, les Asiatiques adorent – ce qui ne fait pas de mal aux ventes de montres féminines chez Omega, en pleine croissance sur ce segment. Rien n’est encore en vue pour équiper d’une Omega le « méchant » ou les « méchantes » du scénario…
On ne dira rien, ici, des autres montres qui apparaissent dans les films de James Bond, notamment les montres des « méchants » - on y a même vu une paisible Girard-Perregaux. On ne polémiquera pas sur les montres « inconnues » portées dans certains épisodes, notamment la montre des Diamants sont éternels, en 1971. Rien, non plus, sur les gadgets qui viennent au secours de l’agent secret dans différents épisodes de la saga \ : à elle seule, la série de ces gadgets est probablement une des plus étonnantes aventures horlogères sur grand écran… |