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Les hommes, les marques et les faits de novembre 2012, scannés en direct par les barorécepteurs du Quotidien des Montres.
Un classement en dix coups de projecteur sur les évolutions capricieuses de la météo horlogère pour le coeur de cet automne 2012, où l’actualité a retenu son souffle…
Une fin 2012 au balcon, pour une conjoncture au tison
••• Le mois de novembre est toujours le plus chargé du second semestre de l’année, avec une succession de salons grand public, avec de multiples distributions de prix et avec la préparation fébrile des ventes de fin d’année – supposées sauver les trésoreries déficientes et doper le bonus des directions victorieuses. Le calendrier était en place, et les festivités joyeuses, mais les informations qui remontent du terrain font état – en dépit d’exportations horlogères plutôt optimistes en octobre – de chutes impressionnantes dans le chiffre d’affaires des boutiques, du désarroi des détaillants et de craintes un peu fébriles pour le début 2013. Qui croire ? Les marchés ou les statistiques officielles, celles des groupes comme celles des Douanes ? Les économies développées tiendront-elles le coup ? La Chine renouera-t-elle avec la croissance ? L’atterrissage sera-t-il tout doux ou plus brutal ? Bien commencée, avec des ventes en fanfare, l’année se terminera-t-elle balcon ou au tison ? Personne n’a plus la moindre visibilité : du coup, l’actualité retient son souffle, pour le meilleur comme pour le pire…
GRAND BEAU
(par ordre alphabétique et sans idée de classement)
1) JEAN-CHRISTOPHE BABIN (TAG Heuer)
••• Même s’il ne faut pas forcément croire le récent vainqueur de l’Aiguille d’or au Grand Prix d’Horlogerie de Genève quand il estimé « frôler le milliard de francs suisses » en 2012 - il s'en faudra d'à peu près 15 %... en moins ! -, il n’en reste pas moins que TAG Heuer se porte mieux que bien, à la fois sur ses marchés traditionnels et sur des segments de prix plus élevés qui n’étaient pas dans son coeur de métier voici une dizaine d’années. Une boutique à Genève, ce n’est pas rien pour une marque qu’on soldait chez Costco ! Mis en orbite par Guy Sémon, l’outil R&D de Jean-Christophe Babin lui met de multiplier les initiatives rupturistes, qu’on parle de ses chronographes extrêmes (centième, puis millième de seconde), de son tourbillon haute fréquence ou de son stupéfiant Mikrogirder au 5/10 000e de seconde : on est loin de Formula 1 plastifiée du début des années 2000, alors même que TAG Heuer a mis en place des chaînes de production qui font d’elles un embryon de manufacture à part entière - même si la dépendance des mouvements du Swatch reste critique. Conclusion : il a raison d’avoir le sourire de son bronzage…
2) AUREL BACS (Christie’s)
••• Comme tous les ans à la même époque, Aurel Bacs revient s’installer dans ce Baromontres. Comment pourrait-il en être autrement, alors qu’il a surpassé de très loin tous les concurrents avec un chiffre d’affaires trois fois et demi supérieur (!) en se permettant d’engranger au passage quelques records du monde pour des montres-bracelets ou des montres de poche émaillées. « Magic Aurel » sait décidément tout vendre, même quand les piliers - traditionnellement italiens - de ses dispersions ont la tête ailleurs et la bourse dégarnie. Et il a su mieux que les autres mobiliser ses réseaux asiatiques sur des lots dont certains – mais pas tous – ont finalement réussi à rester en Europe, mais de justesse. Comme après chaque session d’enchères genevoises, on se demande comment il fera pour faire encore mieux la prochaine fois : pas de souci, le système A.B.C. - Aurel Bacs Christie's - fonctionne plus efficacement que jamais et draine vers Christie’s des collections dont ses concurrents n’osent même pas rêver. Conclusion : pour lui, plus n’est pas forcément assez…
3) ALAIN FAUST ET CATHERINE FAUST-TOBIASSE (salon Belles Montres, Paris)
••• Succès incontestable de leur sixième édition, fin novembre, au Carrousel du Louvre, avec plus de soixante marques qui ont éclipsé celles qui n’avaient pas voulu/pu venir : 15 500 visiteurs plutôt motivés - quoique pas forcément clients des marques de prestige rassemblées - ont « sanctuarisé » ce rendez-vous européen de la fin novembre, devenu la référence des autres salons grand public dans les pays limitrophes. La valorisation des métiers horlogers (sertissage, gravure, émaillage, etc.) prouve à quel point le grand public des amateurs est avide de nouvelles connaissances, qui ne se résument pas à la communication formatée des marques. Alain Faust et Catherine Faust-Tobiasse, les co-fondateurs de Belles Montres, ont prouvé cette année qu’un salon comme Belles Montres était un lieu privilégié pour nouer des relations plus étroites et plus motivantes avec les amateurs, dans un cadre moins rigide que des flagships devenues intimidantes, sauf pour les Chinois. Conclusion : Quo non ascendam…
4) GUY LUCAS DE PESLOUAN (photographe)
••• C’est peut-être le meilleur photographe de sa génération, et il a déjà travaillé avec les plus grandes marques (entre autres : Hermès, Boucheron, Richard Mille, Van Cleef & Arpels, etc.) : c’est lui que Stephan Ciejka a fait appel pour mettre en scène les « 40 montres de légende » du récent hors-série de La Revue des Montres. Une reconnaissance médiatique de premier plan et une consécration pour un vrai amoureux des montres, toujours souriant et toujours disponible, dont le talent justifierait, à lui seul, la création d’un Prix du photographe horloger de l’année parmi les récompenses du Grand Prix d’Horlogerie de Genève. Sa présence dans notre Baromontres n’étonnera pas les lecteurs, puisque Business Montres doit être un des tout premiers médias horlogers à avoir reconnu et signalé son talent…
5) MICHELE SOFISTI (pôle horloger du groupe PPR)
••• Déjà chargé de piloter l’horlogerie Gucci, il s’est attelé à la relance du groupe Sowind (Girard-Perregaux et Jeanrichard en plus de la manufacture et des private labels). Quelques mois plus tard, la stratégie commence à prendre forme, avec un repositionnement intégral (produits, prix, distribution, communication) de Jeanrichard (Business Montres du 20 novembre) et une restructuration de Girard-Perregaux autour de quelques collections phare, dont les sportives de la série Hawk, présentées ces jours-ci à Miami Art Basel. Le développement des private labels a été confié à Bruno Grande (ex-Wyler), qui doit assurer la liaison avec les autres marques du groupe PPR, sachant que la réussite de l’industrialisation des mouvements destinés à Jeanrichard et à Girard-Perregaux pourrait ouvrir de nouvelles capacités pour les marques tierces. Conclusion : ça roule pour lui !
6) CÔME DE VALBRAY (Valbray)
••• C’est la petite marque qui monte et qui étonne tout le monde par la consistance de sa démarche, l’opiniâtreté de ses créateurs - Côme de Valbray et Olga Corsini ont tenu à venir s'installer en Suisse pour être au plus près du terrain manufacturier - et la qualité de son offre. Celle-ci est centrée autour d’un concept de diaphragme qui permet d’ouvrir ou de fermer le cadran, pour dévoiler ou dissimuler un chronographe, mais aussi d’autres complications et – demain – des miniatures ou des émaux. Quelques grands détaillants de référence internationale ont compris qu’il y avait là une pépite à ne pas négliger. Ingénieur de formation, Côme de Valbray a une approche très rigoureuse des développements techniques, mais aussi une passion pour la montre qui transparaît dans chacune de ses initiatives. En plus, il ne manque pas d’humour, comme en témoignent les diablesses de son dernier chronographe. Conclusion : il avait la volonté et il a trouvé le chemin…
VARIABLE
(par ordre alphabétique et sans idée de classement)
7) GRAND PRIX D’HORLOGERIE DE GENÈVE
••• La réussite de la douzième édition, de l’avis unanime la plus digne de toutes ces dernières années - du moins celle qui aura compté le moins de fausses notes -, place la direction du GPHG à la croisée des chemins. Il faut désormais soit poursuivre sur les voies d’un reformatage en profondeur, en refondant le réglement intérieur, la définition des prix, le fonctionnement du jury, l’actuel système de participation des marques et même la mise en scène de ces prix. Soit se contenter de gérer l’existant par une politique de réforme à petits pas qui éloigneront chaque année toujours plus de marques - sans Rolex, ni Patek Philippe, sans Richemont, ni Swatch Group, sans Breitling, ni Franck Muller, ni beaucoup d'autres, on ne va plus très loin, sinon dans le mur ! - et érodant chaque année la représentativité et la légitimité du GPHG. Variable, c’est entre le beau temps et la tempête. Conclusion : à Carlo Lamprecht de se choisir un destin !
8] XI JINPING (nouveau président de la République populaire de Chine)
••• Outre le destin d’un bon milliard et demi de Chinois, ce quinqua à la mine avenante, « prince rouge » notoire - fils d'un ancien vice-premier ministre proche de Mao -, tient entre ses mains le destin de l’horlogerie helvétique, qui vend dans son grand empire sino-asiatique plus de deux montres Swiss Made sur trois. Qu’il ferme ou qu’il ouvre les frontières, qu’il surtaxe ou qu’il détaxe les montres de prestige, qu’il laisse fonctionner librement le marché intérieur ou qu’il oriente les consommateurs vers les réseaux commerciaux de ses amis capital-communistes, l’industrie horlogère entrera soit dans la zone des tempêtes et de tous les dangers, soit dans une nouvelle phase paradisiaque de son histoire (Business Montres du 26 novembre). Le problème est que personne au monde – et sans doute pas même le Politburo chinois, pas encore stabilisé – ne sait dans quel sens soufflera le vent, ni quelles sont les opinions politiques, ou les options économiques, de ce nouveau « maître du monde » dont on connaît mieux la fortune financière clanique (300 millions de dollars selon Bloomberg) que les réseaux d’influence au sein du Parti et de l’armée. Conclusion : il faut croiser les doigts…
9) LAURENT KATZ ET PHILIPPE SPRUCH (Péquignet)
••• Le tribunal de commerce de Besançon ayant accepté leur offre - au nom d'inpératifs sociaux assez indifférents à la logique économique -, les deux repreneurs de Péquignet ont donc les mains libres pour relancer la marque. Ce qui ne veut pas dire qu’ils ont l’esprit libre tant ils paraissent encore arc-boutés sur les affirmations fantaisistes de l’équipe précédente, dont ils considèrent pourtant qu’elle a manqué de « rigueur et de bonne gestion » (Business Montres du 26 novembre). S’ils reconnaissent implicitement que Péquignet n’a encore rien d’une vraie « manufacture » française - nom commun et mot-valise indéfinissable -, ils s’attachent toujours à la fable d’un mouvement « développé en interne » dont Business Montres (5 novembre) a révélé qu’il avait été imaginé à partir d’un stock d’anciens calibres Tissot, cannibalisés - essentiellement leur échappement - et ré-habillés avec une complication dont proviennent tous les problèmes mécaniques. Le stock des ces calibres étant épuisé, le filon est tari : développer un nouveau calibre coûterait trop cher, d’autant que le principal développeur du Calibre royal est reparti en Suisse et alors même que les fournisseurs suisses n’ont pas été payés ! Conclusion : la situation va vite devenir intenable…
AVIS DE TEMPÊTE
(par ordre alphabétique et sans idée de classement)
10) SUISSE TOURISME (bras armé touristique officiel de la Confédération)
••• Pas plus qu’on imaginerait le ministère français du Tourisme conseiller en dix langues de jeter les vins de Bordeaux à l’évier, on n’imaginait pas son équivalent suisse conseiller aux visiteurs de la Confédération de jeter leurs montres et leurs horloges suisses à la poubelle, y compris les fameuses horloges des gares - celles que le iPhone 5 d'Apple a copié sans autorisation - et même les coucous en bois dans les chalets ! C’est pourtant une publicité tout ce qu’il y a de plus officielle de Suisse Tourisme (Business Montres du 2 novembre). Le plus troublant : au demeurant bien fait et plutôt amusant dans son concept, cette vidéo largement diffusée à l’étranger n’a pas soulevé la moindre protestation de la part des autorités de la branche horlogère. On imagine, en France, l’indignation véhémente de l’interprofession viticole si on avait touché aux précieux flacons de tel ou tel vignoble… |