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Une histoire (rapide) du chronométrage sportif
 
Le 17-12-2012
de Business Montres & Joaillerie

Ce survol de 250 ans de chronométrage sportif été publiée par L’Equipe Magazine (France) en novembre 2000, dans le supplément horloger qui avait été mis en place et édité par Grégory Pons…

Les connaissances ont progressé depuis cette parution : en 2012, on n’écrirait plus cette page dans les mêmes termes…


Histoire du chronométrage sportif (1731-2001)

Sur les pentes du mont Olympe, les Grecs de l’Antiquité ont inventé à la fois le dieu du temps – Chronos – et les Jeux Olympiques. Mais ils se moquaient de mesurer la vitesse de leurs athlètes, pour ne s’intéresser qu’à 1a victoire, preuve de faveur divine et source de ferveur religieuse.

Le maître horloger britannique George Graham invente, au début du XVIIIeme siècle, ce qui serait la première montre à aiguille des secondes indépendante. Première sportive : c’est en 1731 qu’on mesure un temps sportif en secondes, lors d’une course de chevaux en Angleterre.

L’horloger suisse Abraham-Louis Breguet réalise en 1820 le premier chronographe à « doubles secondes ». Pour « écrire le temps » (véritable sens du mot « chronographe »), certaines aiguilles des secondes sont dotées d’une plume qui dépose une goutte d’encre sur l’émail du cadran. Breguet en conçoit une dès 1822.

Les noces du sport et de l’horlogerie ne font que commencer. Ces techniques arrivent à point pour favoriser les premières réunions d’athlétisme des étudiants de l’Exeter Collège d’Oxford, en 1850. La mesure au 1/5e de seconde remonte à 1862.

On comprend vite l’intérêt du chronométrage « impersonnel », grâce auquel l’athlète déclenche lui-même le chronomètre: le photographe E. J. Muybridge le met au point dès 1879 en étudiant le galop d’un cheval. La chronophotographie – qui couple mesure du temps et prise de vue simultanée – est inventée par Marey en 1885.

Les premiers 100 mètres de l’histoire olympique moderne (Athènes, 1896) sont remportés par l’Américain Thomas Burke. Un cinquième de seconde le sépare de son dauphin, l’Allemand Fritz Hoffmann. Chacun comprend que la précision du chronométrage au 1/5e de seconde, seule admise par le règlement olympique, est désormais d’autant plus insuffisante que les juges opèrent avec leur propre chronomètre.

L’ingéniosité des horlogers est sans limite… Premier enregistrement électrique précis au 1/100e de seconde en 1902. Premier système électromécanique de ‘fil coupé’ dès 1912; cette innovation de Longines est une révolution pour la précision du chronométrage sur 100 mètres. Premier chronographe de poignet, signé Breitling, en 1915 : la précision devient une affaire personnelle.

En 1916, Heuer a breveté un mécanisme de chronographe au 1/50e de seconde (il sera fabriqué jusqu’en 1969) En 1920, les chronographes manuels sont précis au 1/10e de seconde et assez fiables pour faire leur apparition sur les stades, mais, jusqu’aux de Jeux de Los Angeles, en 1932, les records olympiques ne seront légalement enregistrés qu’au 1/5e de seconde.

En 1923, Breitling propose une montre-bracelet avec poussoir de chronographe indépendant : jusque-là, les chronographes de poche ou de poignet fonctionnaient avec un poussoir de chronographe intégré dans la couronne de remontage. En 1934, Breitling inventera le second poussoir, qui permettra une remise à zéro plus rapide et donnera au chronographe de poignet sa physionomie actuelle.

Dans les années vingt, une marque pionnière s’illustre dans le chronométrage officiel des Jeux Olympiques : Heuer a la responsabilité des Jeux d’Anvers (1920), Paris (1924) et Amsterdam (1928).

Longines a créé en 1928 un chronographe de poche dont la mécanique est précise au 1/100e de seconde. Les premières caméras, couplées sur les lignes d’arrivée à des chronographes précis au 1/100e de seconde, sont mises en service en 1930. Elles seront systématiquement utilisées aux Jeux de Los Angeles (1932), dont le chronométreur officiel est pour la première fois Omega.

Pour départager les vainqueurs du 100 mètres, où les Américains Tolan et Metcalfe semblent ex-aequo en 10’38′, les juges seront obligés de recourir au film de l’arrivée pris par la camera ‘two eyes’ du physicien Gustavus Kerby. Même si ce film n’a rien d’officiel, il démontre que le buste de Tolan devance celui de Metcalfe de cinq centimètres : Tolan montera donc sur la plus haute marche du podium olympique, inauguré cette année-là.

1924 a vu fonctionner le premier chronographe électrique précis au 1/100e de seconde. Il ne démode pas encore les chronographes mécaniques traditionnels, auxquels les juges olympiques sont très attachés: aux Jeux de Berlin, en 1936, c’est un chronographe à rattrapante Ulysse Nardin, précis au 1/10e de seconde, qui mesure l’exploit de Jesse Owens aux 100 mètres.

Les Jeux de 1940 (prévus à Helsinki) auraient dû voir le triomphe de Longines, chronométreur officiel qui avait conçu pour l’occasion un « Compteur olympique » précis au 1/100e de seconde, avec une aiguille capable de faire le tour du cadran en trois secondes. La Wehrmacht met à peine plus de temps pour envahir l’Europe. Les Jeux sont annulés. Le super-chronographe de Longines restera à l’état de prototype.

Aux 100 m nage libre de Rome (1960), on atteint la limite des instruments manuels : les trois chronos des juges donnent trois temps différents (55,2, 55,1 et 55,0 s) pour le vainqueur officiel, l’Américain Larson, alors que la moitié du stade a vu l’Australien Dewitt, seul nageur mondial à descendre alors sous les 55 secondes, arriver en tête.

La mise en place des plaquettes de touche à l’arrivée, introduites par Omega en 1967 et couplées à une vidéo, mettra fin à ce genre de contestation. Enfin, presque… Parce que, malgré le chronométrage au 1/1000e officiel en natation depuis les Jeux de Mexico (1968), seuls deux millièmes de seconde sépareront l’Américain McKee et le Suédois Larsson aux 400 m quatre nages de Munich (1972). L’or pour Larsson, mais les partisans de l’Américain ont calculé que la peinture sur le mur d’arrivée du couloir de Larsson était plus épaisse que celle du couloir de McKee ! Sur 100 m, un millième de seconde représente un centimètre d’avance.

L’hyperprécision n’est pas toujours bienvenue. Pour les 15 km à ski de fond des Jeux de Lake Placid (1980), le chronomètre donne au Suédois Thomas Wassberg une avance d’un centième de seconde sur le Finlandais, soit l’équivalent de 55 millimètres d’avance pour une course qui en comptait 150 millions !

Longines et Omega – deux concurrents qui ne sont pas encore réunis au sein du même Swatch Group – se disputent le prestige du chronométrage officiel à grand renfort d’innovations. La Chronocaméra de Longines (1949) enregistre des images au 1/100e de seconde. L’horloge à quartz mise au point par Longines en 1954 permet d’inventer le Chronocinégines, qui couple une caméra 16 mm et un chrono à quartz: les juges disposent de plusieurs images prises au 1/100e de seconde pour étudier l’arrivée des athlètes sur la ligne.

Les records deviennent indiscutables avec l’image transmise instantanément par les écrans de télévision: aux Jeux d’Innsbruck (1964), le temps au 1/10e de seconde apparaît sur les écrans pour des millions de téléspectateurs, témoins directs de l’événement en Mondovision. Le système de la photofinish deviendra officiel en 1968.

Il était temps : aux premiers Jeux africains de Brazzaville (1965), un athlète malgache est classé quatrième aux 100 mètres. En se promenant en ville, il aperçoit chez un commerçant les photos de l’arrivée, non officielles mais disponibles : elles montrent bien qu’il est troisième. Cette pièce à conviction décidera les juges à lui accorder le podium. Même mésaventure pour la Française Michèle Chardonnet, classée quatrième du 100 m haies aux Jeux de Los Angeles (1984) Grâce à la photofinish, elle sera rétablie par les juges olympiques à la troisième place, mais sa médaille de bronze ne lui sera remise qu’un an après.

Depuis 1973, on sait mesurer des records sportifs au 1/10 000e de seconde, en synchronisant par radiocommande le chronographe officiel à des oscillateurs à quartz. En tennis, grâce à Rado, on connaît immédiatement la vitesse de chaque balle de service…

A Sydney, c’est le Swatch Group qui a raflé la mise du chronométrage officiel, en associant plusieurs de ses marques (Swatch, Omega, Longines, Tissot) au sein de Swiss Timing : 300 tonnes de matériel, servi par 200 collaborateurs et 250 bénévoles, ont été nécessaires.

On a remarqué, sur les lignes d’arrivée de Sydney, les caméras Scan O’vision Color de Swatch Timing, capable de fournir en moins de quinze secondes la photofinish du vainqueur, son temps personnel, la vitesse du vent et même son temps de réaction au starter.

L’efficacité de ces mesures est telle qu’on arrive à déterminer, couloir par couloir, la vitesse instantanée des athlètes. Au risque d’avoir des surprises. A Montréal (Jeux de 1976), Guy Drut, récompensé par la médaille d’or, n’a pas été le plus rapide en vitesse pure pour son 110 mètres haies, mais le plus réactif au départ, ce qui lui a permis ensuite de gérer son avantage jusqu’à la victoire.

Les records pleuvent sous les yeux de milliards de téléspectateurs, transformés en juges d’arrivée. On est sans doute plus hypnotisé par le défilé implacable des millièmes de seconde sur l’écran que par l’effort personnel et la performance sportive du champion. Paradoxe et triomphe de la technique : aujourd’hui, c’est le chrono qui tient le public en haleine.

 



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