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Sur Internet, Omega, Rolex et Cartier continuent d’accaparer les premières places. La notoriété des petites marques reste à construire
Nonobstant une demande devenue un peu plus atone, la Chine représente toujours un eldorado pour les montres helvétiques. Récemment, dans ces colonnes, Jean-Claude Biver, président de la marque Hublot, déclarait d’ailleurs que «la Chine n’en est qu’au début de son histoire d’amour avec l’horlogerie suisse». Il estimait tout à fait normal qu’un marché en développement évolue par paliers et qu’il n’y avait pas du tout lieu de s’affoler sur la situation actuelle. Telles sont aussi en substance les principales extrapolations que l’on peut établir de l’étude World Luxury Index China Watches, publiée lundi par Digital Luxury Group (DLG).
«Contrairement aux annonces de ralentissement économique et aux polémiques liées aux cadeaux gouvernementaux, l’intérêt pour les montres de luxe reste fort et continue de croître» en Chine, selon l’enquête, qui se base sur les recherches de montres et de marques effectuées par les internautes. Ces dernières ont progressé au premier semestre de 39,3% par rapport à la même période de 2011, alors que depuis le début de l’année les exportations horlogères vers ce pays ont augmenté de 4,8%. Néanmoins, «il y a des indicateurs démontrant que le cycle d’achat a ralenti», précise Florent Bondoux, directeur de la stratégie auprès de DLG. L’année dernière, l’enquête avait montré que la Chine, pour la première fois, avait dépassé les Etats-Unis en tant que marché exprimant le plus grand intérêt pour les montres de luxe.
L’Empire du Milieu avait été secoué par différents scandales ces derniers mois, avec des fonctionnaires arborant des montres représentant plusieurs mois voire année de salaires. L’intérêt pour les garde-temps «Swiss made», devenus en quelque sorte symbole de la corruption malgré eux, n’a donc apparemment pas trop souffert de ces controverses.
DLG met également en exergue un autre phénomène, qui se renforce: les grands acteurs du secteur deviennent toujours plus grands. Ainsi, «les trois marques qui ont le plus augmenté leur volume de recherche - sur Internet - d’une année à l’autre, soit Rolex, Omega, Cartier, sont également celles qui se taillent la plus grande part du gâteau de l’ensemble des requêtes sur la Toile», d’après Florent Bondoux. Sur les 65 marques analysées, les dix plus recherchées, à savoir Omega, Rolex, Longines, Cartier, Rado, Patek Philippe, Vacheron Constantin, IWC, Piaget et Chanel, représentent près de 80% des recherches sur la Toile. En France, marché mature, les dix premiers noms horlogers ne représentent en comparaison que 64% des recherches. Ce qui fait dire à l’étude que la notoriété des plus petites sociétés reste à développer en Chine.
Il s’agit toutefois de trouver un juste équilibre. Trop d’exposition peut également nuire. En effet, «certaines marques suscitent désormais la défiance, car symboles d’un luxe trop ostentatoire et immoral aux yeux de la population», d’après Jean-Claude Biver. A force de trop les voir, leur désirabilité se réduirait. Un phénomène que la banque HSBC décrit comme celui du désavantage au premier arrivant, en raison d’une entrée trop précoce dans le pays. Jean-Claude Biver constate que l’approche du Chinois est devenue plus sélective, évoquant lui aussi un début de fatigue des consommateurs pour certaines griffes.
Digital Luxury Group abonde dans ce sens. Les clients de l’Empire du Milieu deviennent plus sophistiqués et connaisseurs. Pour la première fois, les recherches liées aux prix des montres ne sont plus prédominantes. L’internaute chinois, cliquant sur Google et Baidu, s’intéresse désormais davantage aux différents modèles, au style. Selon les experts, le marché chinois de l’horlogerie et de la joaillerie pèserait 4 milliards de dollars.
Bastien Buss
LE TEMPS
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