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Le traditionnel et incontournable raout genevois de janvier débute ce dimanche. Le secteur se montre optimisme. L’appétence pour les produits de luxe demeure très forte
En dépit de résultats hors norme, atteints dans un climat d’atonie conjoncturelle, l’horlogerie n’a encore de loin pas atteint son empyrée, estiment les experts. Au sortir d’une année record, la branche, qui a vu ses exportations quasiment doubler en quatre ans, anticipe un nouvel exercice de progression en 2013. Les salons horlogers, qui débutent dès dimanche à Genève, seront le premier baromètre de l’année, et pourraient donner la tendance pour les mois à venir.
Jean-Daniel Pasche, président de la Fédération horlogère (FH), estime que «nous devrions connaître une nouvelle croissance. Faire mieux qu’en 2012 serait déjà assez extraordinaire, au vu des bases de comparaison. Mais il y a encore du potentiel de progression». Une analyse corroborée par Serge Carreira, professeur à Sciences Po à Paris: «Les perspectives restent a priori très positives. L’appétence pour les produits de luxe demeurera très forte cette année encore.» Il en veut pour preuve que la consommation statutaire, et donc de montres, a même tendance à se renforcer partout dans le monde, notamment sous l’impulsion des nations émergentes et indépendamment des aléas économiques.
«Attitude méprisante?»
C’est donc dans un climat d’optimisme serein, teinté d’un soupçon de prudence préventive, que le Salon international de la haute horlogerie (SIHH), 23e du genre, va accueillir dès lundi 16 marques, dont toutes celles du groupe Richemont (entre autres Cartier, IWC, Panerai ou encore Jaeger-LeCoultre). Soit trois de moins que l’an dernier, après les départs vers le concurrent Baselworld de Girard-Perregaux et JeanRichard. Les raisons de l’absence de Dunhill n’ont pas été explicitées, mais de l’avis majoritaire, la griffe n’avait pas sa place dans un environnement de haute horlogerie. Toujours est-il que 12 500 détaillants et représentants des marques sont attendus sur une surface de 30 000 m2 à Palexpo, dans un décor feutré et de luxe, miroir de la haute horlogerie que le salon représente.
En parallèle débutera aussi (dès dimanche) le Geneva Time Exhibition (GTE), présentant les créations d’une trentaine de marques, plus petites et toutes indépendantes, dans le Bâtiment des forces motrices. Quelque 6000 visiteurs y sont attendus. A l’inverse du SIHH, exclusivement réservé aux professionnels, cette manifestation ouvre ses portes au grand public durant la journée du jeudi 24 (20 francs l’entrée, de 10 à 17 heures). Malgré cette petite concession, «c’est dommage de se couper ainsi du client final et de rester dans une sorte de tour d’ivoire», résume le directeur des ventes d’une grande marque, qui juge très utile l’avis des consommateurs sur les nouveautés. Et un patron horloger indépendant de renchérir: «Il ne faudrait peut-être pas oublier que c’est à eux que nous vendons nos montres au final, même si elles sont présentées par les détaillants. N’est-ce pas une attitude un peu méprisante de notre part?»
Les salons «off» font florès
Devenue très discrète ces dernières années, la société Franck Muller va, quant à elle, organiser la 21e édition de son salon, qui se déroulera du 20 au 25 janvier sur le site Watchland à Genthod (GE). Le groupe, qui comprend plusieurs griffes comme Pierre Kunz, ECW ou Backes & Strauss, a décidé de revenir exposer au bord du Léman, après une escapade l’an dernier à Monaco. Mais là aussi, les portes resteront closes pour le grand public. En parallèle, une trentaine de marques tiendront également des salons «off», qui dans des suites d’hôtels cinq étoiles, qui dans des lieux plus vastes, à l’instar de TAG Heuer dans la Halle Sécheron. Toutes essaieront de profiter de l’appel d’air du SIHH.
L’horlogerie ne navigue toutefois pas sur un long fleuve tranquille. Elle revêt en effet des réalités fort différentes. Alors que les grands groupes continuent à déployer leur domination, les petites marques ne sont pas toujours aussi bien loties. «Il semble que cela soit plus difficile pour certaines sociétés. Entre autres pour les nouveaux venus qui ne sont pas encore réellement établis», selon Jean-Daniel Pasche. «Pour les petites marques, c’est devenu de plus en plus dur», relate Serge Carreira. Pour elles, les journées genevoises seront cruciales, en termes d’entrées de commandes notamment.
Bastien Buss
LE TEMPS
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