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Rolex, la naissance d’un mythe horloger
 
Le 26-02-2013

Pari gagné pour la marque, qui a misé sur le succès de la montre-bracelet. Histoire de l’alliance entre un visionnaire et un ingénieux industriel.

Si Hans Wilsdorf n’était pas devenu orphelin, Rolex n’existerait tout simplement pas aujourd’hui. Il voit le jour le 22 mars 1881 dans la petite ville de Kulmbach, réputée pour ses bières fortes, où son père exploite une quincaillerie. Mais il perd ses deux parents à quelques semaines d’intervalle. Avec l’aide de ses oncles, Hans poursuit sa scolarité tandis que la quincaillerie est vendue.

Il entreprend un apprentissage de commerce dans une société exportatrice de perles. Une fois celui-là achevé, il trouve un premier emploi en 1900 à La Chaux-de-Fonds chez Cuno Korten, une maison exportatrice de montres. Le jeune homme y travaille comme correspondant en langue anglaise. Trois ans plus tard, il se fixe à Londres, toujours en tant qu’employé, au sein d’une compagnie qui importe des montres, avant de fonder en 1905 Wilsdorf & Davis. Cette start-up est alors spécialisée dans la distribution de montres-bracelets de qualité en Angleterre, dans l’ensemble de l’Empire britannique, ainsi qu’en Chine et au Japon.

Hans Wilsdorf se révèle un réel visionnaire. Dès le début, il est convaincu que la montre du futur est la montre-bracelet, laquelle a pourtant très mauvaise presse à l’époque à cause de son imprécision. Il se rend à Bienne pour discuter avec Hermann Aegler, dont il a entendu parler lorsqu’il travaillait à La Chaux-de-Fonds. Fondée en 1878, la Manufacture Aegler était déjà réputée pour sa capacité à mettre au point des mouvements à la fois petits et précis. Cette dernière deviendra son partenaire historique.

Les premiers modèles sont envoyés en Angleterre où ils sont assemblés dans les ateliers Wilsdorf & Davis. Le produit fini est ensuite acheminé sans aucune indication de la marque sur le cadran, permettant aux distributeurs de personnaliser les montres vendues.

Un deuxième événement dramatique joue un rôle dans le développement de Rolex: la guerre en Afrique du Sud qui opposa les Boers aux Britanniques et fit quelque 75 000 morts. Les combats qui se déroulèrent prouvèrent qu’il valait mieux porter une montre-bracelet qu’une montre à gousset.

Première consécration en 1910
Doté d’un sens commercial aigu, Hans Wilsdorf trouve le nom Rolex et le dépose à La Chaux-de-Fonds en 1908. Il lui fallait un «nom court (5 lettres maximum), qui se prononce facilement dans tous les pays et les langues, qui sonne bien à l’oreille, qui est facile à se rappeler, et enfin qui a bonne mine écrit sur les mouvements et les cadrans».

La première consécration survient en 1910, lorsqu’une montre-bracelet Rolex obtient le premier bulletin de chronométrie au monde jamais décerné à une telle montre par le Bureau de contrôle de la marche des montres de Bienne. Quatre ans plus tard, Rolex obtient du célèbre observatoire de Kew, en Angleterre, le premier certificat mondial de classe A pour une montre-bracelet, une distinction jusqu’alors réservée aux chronomètres de marine.

Rolex s’installe à Genève, en l’occurrence au 18, rue du Marché, en 1919. Officiellement, ce choix serait dû à la volonté de se rapprocher de son partenaire biennois et à celle de profiter d’un environnement horloger unique au monde. C’est exact, mais un autre élément a joué un rôle bien plus crucial: la fiscalité. La Première Guerre mondiale a eu un impact fiscal au Royaume-Uni. Dès septembre 1915, ce pays a décidé d’imposer une taxe de 33,33% aux produits de luxe importés, cela pour contribuer à financer le coût de la guerre.

Le business model de Wilsdorf & Davis devenait intenable. Le siège social quitte Londres en 1919 pour Genève où la société Montres Rolex SA est inscrite au Registre du commerce le 17 février 1920. «A l’origine, il souhaitait tout centraliser à Bienne. Mais c’était sans compter sur Mme Hans Wilsdorf, qui préférait le climat lémanique», a indiqué Bertrand Gros, président de Manufacture des Montres Rolex à Bienne, lors de l’inauguration officielle du nouveau bâtiment de production le 16 octobre dernier.

Présentées dans des aquariums
Cherchant à faire gagner en notoriété la marque Rolex, son fondateur commence à investir d’importants montants dans la publicité dès 1925. L’année suivante est celle de l’invention de l’Oyster, la première montre-bracelet étanche au monde grâce à un ingénieux boîtier breveté. C’est alors qu’intervient en 1927 la fameuse traversée de la Manche par la Britannique Mercedes Gleitze. Souhaitant saisir cette opportunité de prouver au monde l’étanchéité parfaite du modèle Oyster, Hans Wilsdorf obtient que la nageuse porte sa montre.

La presse britannique relève ensuite son exploit et constate que l’intérieur de sa Rolex est resté sec tout en continuant à indiquer l’heure exacte. Dans la foulée, le génial patron fait publier une page de pub en couverture du London Daily Mail, imprimé à 1,6 million d’exemplaires. Suite à cet exploit, les principaux points de vente installent des aquariums remplis d’eau dans lesquels baignent des modèles Oyster. En 1931, Rolex invente le premier système de remontage automatique pour montre-bracelet à rotor libre appelé rotor perpetual. Tant que la montre-bracelet devait être quotidiennement remontée à la main, sa couronne devait être dévissée, ce qui était de nature à compromettre son étanchéité.

Autre idée de génie: au cours de la Seconde Guerre mondiale, il donne la possibilité aux officiers alliés prisonniers de commander une Rolex Oyster, qui leur était envoyée dans leur camp, sans aucun paiement. «La majorité d’entre eux est venue régler cet achat après la libération», a révélé Bertrand Gros, toujours lors de la récente inauguration biennoise.

En 1944, alors qu’il prépare la célébration prochaine des 40 ans de l’entreprise, Hans Wilsdorf perd sa femme, May Frances, qui décède subitement après quelques jours de maladie. N’ayant pas eu d’enfants, il constitue le 1er août 1945 une fondation afin d’assurer la pérennité de la société. Il lui lègue toutes ses actions, dont les dividendes seront répartis par le conseil de fondation selon des instructions bien précises. Cette décision va s’avérer particulièrement profitable pour Genève et la Suisse romande.

D’une part, elle a pour conséquence d’empêcher la vente de Rolex, avec les conséquences parfois fâcheuses qu’un tel processus peut avoir parfois, notamment sur l’emploi. D’autre part, elle a permis d’offrir à la collectivité de nombreux cadeaux. Outre le pont récemment inauguré à Genève face au siège de Rolex, citons la construction de la Clinique pédiatrique d’urgence aux Grangettes, la renaturation de la Seymaz, la reconstruction du village d’Aigues-Vertes à Bernex, etc. Bien que l’entreprise ne le confirme pas, on mentionne un montant annuel de 50 millions de francs gracieusement offert chaque année pour soutenir de multiples œuvres.

Une affaire de famille
En 1955, le fondateur exprime sa volonté que le conseil de fondation «choisisse parmi les descendants mâles de Diether Kübel et Hans-Helmuth Kübel (deux neveux d’Hans Wilsdorf) les personnes qui succéderont à ces derniers dans l’entreprise Rolex pour participer à la direction de celle-là, de telle sorte qu’il y ait toujours dans ladite entreprise deux descendants mâles». A l’heure actuelle, Anita Kübel et Kurt Weissen représentent les intérêts des descendants des neveux et nièces du fondateur.

Le 6 juillet 1960, Hans Wilsdorf s’éteint à Genève. Surnommé le Grand Capitaine, André Heiniger est nommé directeur général en 1963. Il était entré chez Rolex en 1948 pour diriger les affaires de la maison en Argentine. C’est lui qui va lancer un plaidoyer pour la montre mécanique devant le conseil d’administration. Ce choix, qui apparaît aujourd’hui comme logique, était alors assez audacieux, suite à la fameuse crise liée au développement des montres à quartz à la fin des années 1960. C’est l’époque où Rolex lance le fameux Cosmograph Daytona, un chronomètre devenu légendaire depuis que Paul Newman l’a porté lors du film Winning, qui se déroulait pendant les 500 Miles d’Indianapolis.

Il y a aussi l’autre modèle mythique: la Submariner, que l’on verra au poignet de Sean Connery dans James Bond 007 contre Dr No (1962), puis dans Bons baisers de Russie (1963), ou encore dans Goldfinger (1964). Rolex développe dès 1959 de nouvelles formes de publicité en sponsorisant des événements sportifs, à commencer par les 24 heures de Daytona, rebaptisées Rolex 24H at Daytona. L’année suivante, une Rolex Deep Sea Special est fixée sur la coque du bathyscaphe Trieste de Jacques Piccard lors d’une descente à 10 916 mètres, soit au point le plus profond de la fosse des Mariannes. Elle en ressort en parfait état de marche.

En termes d’implantation, Rolex décide en 1960 de quitter l’immeuble du 18, rue du Marché, à Genève, des locaux devenus trop exigus. En faisant ce choix, l’horloger marque une rupture avec l’industrie horlogère genevoise, traditionnellement située à proximité des rives du lac. Les administrateurs décident d’aller dans la zone industrielle Praille-Acacias. Inauguré en 1965, le siège se présente sous la forme de deux tours en H de huit étages chacune. Mais dix ans à peine après leur inauguration, les deux tours s’avèrent déjà trop étroites.

L’impulsion de Patrick Heininger
En 1987, le fils d’André Heiniger, Patrick, est recruté pour diriger la division commerciale. Cet avocat, spécialiste du droit des marques, est nommé directeur général en 1992. Sous son ère, Rolex évolue encore. L’entreprise opère une timide ouverture vers l’extérieur, Patrick Heiniger accordant quelques rares interviews. Il y justifie cette discrétion par la volonté de vouloir «éviter de donner l’impression à nos concurrents de faire preuve de triomphalisme».

Mais, surtout, il mène à bien une stratégie d’intégration verticale et de regroupement. Après avoir racheté en 1998 Gay Frères (bracelets), Beyeler en 2000 (cadrans), certaines activités de Boninchi (principal fournisseur de couronnes de montre de Rolex depuis 1919, employant 184 collaborateurs) ou encore Virex et Joli Poli pour les terminaisons de boîtier. Des investissements considérables ont été effectués à la fois dans l’outil industriel, à Genève et à Bienne, mais aussi dans le parc immobilier.

Rolex s’est progressivement retrouvée sur pas moins de 19 sites différents rien que dans le canton de Genève! Près d’un milliard de francs auraient été investis pour regrouper les activités sur trois sites: Chêne-Bourg (développement et fabrication du cadran et des produits de bijouterie-joaillerie sur 13 300 m2), Plan-les-Ouates (toutes les activités liées au boîtier et au bracelet, y compris une fonderie, sur 42 000 m2) et enfin le siège historique des Acacias (lequel a été agrandi).

Autre fait majeur intervenu sous la direction de Patrick Heiniger: le rachat en 2004 de Manufacture des Montres Rolex à Bienne à la famille Borer. En 2011, Gian Riccardo Marini, jusque là administrateur délégué de Rolex Italia, est nommé en qualité de nouveau directeur général de Rolex.

Serge Guertchakoff
BILAN

 



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