|
Europe, Etats-Unis et Chine envoient des messages contradictoires sur leur état de santé. Ces trois régions avalent plus des trois quarts des ventes suisses à l’étranger
La Suisse conjoncturelle vit une semaine importante. Avant les chiffres du produit intérieur brut (PIB) 2012 demain jeudi, l’institut KOF et Swissmem énoncent aujourd’hui leurs perspectives pour l’année à venir.
Selon Credit Suisse, qui, en fin de semaine dernière, anticipait les statistiques du PIB, la croissance devrait avoir atteint 0,9% l’an dernier. La consommation aura à nouveau eu un effet positif, tout comme les investissements des entreprises. Par contre, il faut s’attendre à ce que les échanges avec l’étranger aient freiné la progression.
Et cette année, comment le pays va-t-il ressentir le comportement conjoncturel de ses partenaires? D’après le baromètre des exportations de Credit Suisse, les perspectives des PME s’améliorent au 1er trimestre. En outre, les premières statistiques douanières sont encourageantes. Les ventes à l’étranger ont progressé de 6,6% en janvier, par rapport au même mois de 2012. Par contre, l’Union européenne, la Chine (Hongkong y compris) et les Etats-Unis, trois zones qui engloutissent à elles seules 77% des exportations helvétiques (chiffres de janvier), envoient des signaux discordants.
A commencer par l’Allemagne, qui absorbe 20% des exportations, et qui a traversé une fin d’année compliquée. Son PIB s’est contracté de 2% au 4e trimestre, plombé par de faibles exportations. Toutefois, au vu du niveau affiché par l’indice Ifo du climat des affaires en février, Banque Sarasin estime que le voisin du nord devrait déjà retrouver le chemin de la croissance durant le trimestre en cours.
Pour le reste de l’Europe, les perspectives sont nettes. Et plus sombres. Les prévisions de la Commission européenne laissent peu de place au doute: la récession dominera cette année encore. «L’Europe reste l’épée de Damoclès de la Suisse, image Rudolf Minsch. «La BCE devra-t-elle porter secours à Chypre? Ou au Portugal? Et qu’en est-il de la France, qui ne retrouvera pas la croissance de sitôt?» interpelle le chef économiste d’economiesuisse. «Nous ne sommes pas à l’abri d’une mauvaise surprise mais, en l’état, nous pensons que l’appétit des pays périphériques a atteint un plus bas l’été dernier, rassure quant à lui Maxime Botteron, de Credit Suisse. Depuis, nous observons une stabilisation, voire une légère amélioration.»
Vers les Etats-Unis, les exportations affichent des avancées largement supérieures à la moyenne: +11,5% sur l’ensemble de 2012 et +10,8% en janvier, sur un an. Essentiellement grâce à l’envoi de médicaments, précisent toutefois les douanes suisses.
Quelles conclusions peut en tirer la Suisse, alors que son deuxième plus gros client souffle le chaud et le froid? La grande inconnue, ce sont les intentions de la Fed en matière d’assouplissement quantitatif (QE3) alors que, la semaine dernière, la publication des délibérations de ses membres a montré que cette politique faisait débat. Trop risquée? Peu efficace? Ou moins utile, parce que la reprise se profile? L’économie se reprend, mais pas assez vite. C’est ce que devait, en substance, expliquer hier et aujourd’hui le président de la Réserve fédérale, Ben Bernanke, devant deux commissions du Congrès, alors que plusieurs indicateurs (confiance des ménages, prix des logements) sont venus apporter de l’eau au moulin des optimistes, hier.
L’effet du précipice budgétaire, dont la date butoir est fixée à vendredi, est «surestimé, estime Rudolf Minsch. Les multinationales américaines se portent bien.» Autrement dit, la demande privée devrait tenir. L’économiste a en tout cas plus confiance dans les Etats-Unis, «en avance dans la reprise», que dans l’Europe. Grâce à eux et à l’Asie, les exportations devraient ne pas reculer, sans doute stagner cette année, prévoit-il.
De Chine aussi, l’industrie suisse reçoit des signaux contradictoires, alors que les négociations sur l’accord de libre-échange entre les deux pays se prolongent au-delà des attentes. Plus généralement, la progression du PIB devrait reprendre de la vitesse cette année, alors que les contraintes monétaires anti-surchauffe ont été relâchées. Lundi, HSBC publiait son indicateur (provisoire) de la production, au plus bas depuis quatre mois mais juste au-dessus de la zone d’expansion. Une demi-mauvaise nouvelle qui «jette le doute sur le profil de la reprise», a expliqué à Bloomberg un économiste de Nomura.
Les ventes horlogères subissent un sérieux coup de frein dans le pays mais, tous secteurs confondus, les exportations vers la Chine ont progressé de 16% en janvier.
Servan Peca
LE TEMPS |