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Des rubis trop rouges de sang
 
Le 15-10-2007

De célèbres joailliers, dont Cartier et Bulgari, d'accord pour boycotter les pierres précieuses de Birmanie. La junte militaire birmane va organiser une vente aux enchères de ses gemmes en novembre. Ce pays produit 90% des rubis de la planète

La junte militaire en Birmanie avait annoncé jeudi qu'elle organiserait en novembre une nouvelle vente aux enchères de gemmes et de jade en dépit des appels internationaux au boycottage des pierres précieuses en provenance de ce pays. Le quotidien officiel birman New Light of Myanmar a précisé que la vente se déroulerait du 7 au 19 novembre.

D'abord le joaillier Cartier, filiale du groupe suisse Richemont, puis Bulgari, le plus célèbre bijoutier italien, ont demandé après cette annonce à leurs fournisseurs de certifier l'origine de leurs pierres afin d'écarter un achat en provenance de Birmanie.

«Bien que l'entreprise n'ait jamais acquis de pierres directement au Myanmar (ex- Birmanie) mais seulement sur les marchés internationaux, elle a expressément demandé à ses fournisseurs des garanties sur la provenance géographique de leurs pierres précieuses», indique un communiqué de Bulgari.

La «vallée des rubis», c'est-à-dire la région de Mogok (interdite aux touristes), extrait de ses mines depuis 700 ans saphirs et autres gemmes de prix, en particulier les plus beaux rubis du monde. Selon des témoignages de mineurs birmans, l'extraction se fait dans des conditions de travail effroyables.

La décision de Bulgari, troisième joaillier mondial, intervient bien après celle de l'américain Tiffany qui a cessé de s'approvisionner en Birmanie en 2003. Par ailleurs, l'association professionnelle des joailliers d'Amérique a demandé en fin de semaine dernière, dans une lettre au Congrès, d'interdire spécifiquement la vente aux Etats-Unis de gemmes extraites dans ce pays.

Contrebande
L'annonce a été faite deux semaines après la répression brutale par le régime des généraux d'un mouvement de protestation populaire emmené par des bonzes et des opposants, qui a suscité de nombreuses condamnations sur tous les continents. Des nombreuses rumeurs accusent déjà les militaires birmans d'organiser la contrebande d'opium du fameux Triangle d'or (une région à cheval sur la Thaïlande, le Laos et la Birmanie) où la drogue est cultivée. Des observateurs estiment ainsi que Rangoon a déjà l'«expertise» nécessaire pour exporter ces gemmes de la même manière.

Sanctions
Les sanctions américaines destinées à punir le régime birman interdisent en effet les importations provenant directement de Birmanie mais, d'après l'Association des joailliers d'Amérique, les douanes américaines avaient créé en 2004 une échappatoire juridique en statuant que les pierres extraites en Birmanie mais taillées ou polies dans un autre pays pouvaient entrer aux Etats-Unis. Rappelons que le commerce des diamants de «sang», qui provenaient des régions en guerre d'Afrique, avait aussi été boycotté avec plus ou moins de succès. Les enchères en Birmanie attirent en général des centaines d'acheteurs, principalement de Chine, d'Inde et de Thaïlande.

Un pactole annuel de 600 millions
Les ventes aux enchères de pierres précieuses sont devenues pour la dictature birmane l'une des principales sources officielles de devises étrangères, attirant des acheteurs du monde entier qui dépensent ainsi jusqu'à 600 millions de francs par an. La Birmanie, où un foyer sur quatre vit sous le seuil de pauvreté, recèle dans ses entrailles de trésors de pierres précieuses, fournissant près de 90% des rubis du monde et disposant d'importants dépôts de jade, très convoités par la Chine voisine. En dépit de sanctions contre le régime, de nombreuses pierres de Birmanie parviennent sur les marchés occidentaux par l'intermédiaire de la Thaïlande voisine, où elles sont taillées et polies avant d'être vendues aux Etats-Unis ou en Europe. La Thaïlande est ainsi devenue le premier exportateur mondial de rubis en 2006. Lors d'une vente aux enchères de Christie's, un rubis birman de 8,62 carats a atteint un prix record de 3,7 millions de dollars.

Le Matin Online

 



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