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Trois experts reconnus chacun dans leur domaine racontent comment ils ont vécu leur parcours académique. Et livrent leurs recettes à la génération actuelle d’étudiants.
Jean-Claude Biver, ce génie du marketing horloger, en parle sans honte: «j’ai raté ma première année à HEC Lausanne parce que je n’ai rien fait!» Quelques années plus tard, diplôme en poche, il donne toute leur superbe aux marques Blancpain, Omega et Hublot.
L’Université a-t-elle joué – ou non – un rôle dans sa réussite? Bilan s’est intéressé au parcours étudiant de trois leaders romands, dont celui de l’emblématique patron horloger. Trois profils différents, un dénominateur commun: ils sont devenus incontournables dans leur domaine d’activité.
Ainsi, Romaine Jean, rédactrice en chef des magazines TV de la RTS, se voit a posteriori comme une «élève rebelle». De celles qui empruntent aux élèves plus studieux leur polycopié annoté pour s’en sortir aux examens. Quant à Carlo Lombardini, référence du droit bancaire s’il en est, il raconte comment il a profité de ses études pour nourrir son intellect. Fort de leur expérience et de leur réussite actuelle, tous trois ont accepté de revenir sur leur parcours académique et d’en tirer des leçons.
1. Ce que les études leur ont apporté
Associé au sein de l’étude d’avocats Poncet Turrettini Amaudruz Neyroud et Associés et chargé de cours à l’Université de Lausanne, Carlo Lombardini a trouvé le temps de devenir Docteur en droit en 2012. Pour ce spécialiste du droit bancaire, la recette de la réussite ne fait pas de doute. «Il faut savoir très tôt ce que l’on veut faire. De manière complémentaire, les parents et l’école partagent une tâche cruciale: éveiller la curiosité intellectuelle.» La qualité de certains professeurs et l’exemple de ses parents ont attisé «l’amour de la lecture, vecteur d’intelligence et d’imagination».
Dans un autre registre, Romaine Jean explique ne pas avoir été une étudiante très assidue à l’Université. Ayant débuté en parallèle des études de sciences politiques et de droit, elle dit avoir fait un choix pragmatique.
«Je n’avais qu’une seule idée en tête, devenir journaliste. Mon choix s’est alors porté sur les sciences politiques car cela me paraissait moins ardu.» Elève rebelle certes, mais accordant une importance particulière à la méthodologie de travail. De ses années universitaires, Romaine Jean retient principalement la richesse des échanges suscités.
«De la confiance en moi», répond spontanément Jean-Claude Biver. «Au-delà des théories marketing, j’ai appris à échouer et à réussir, à me respecter et à respecter les autres.»
2. Ce qu’ils auraient aimé avoir en plus
«L’histoire, la mythologie ou l’histoire de l’art sont des matières que l’on étudie trop tôt.» Jean-Claude Biver aurait souhaité pouvoir, à l’âge universitaire et en parallèle de ses études économiques, avoir accès à du savoir plus varié. Autant d’éléments qui développent «l’intelligence émotive», effectivement absente des programmes académiques.
De son côté, Romaine Jean confie qu’elle a trouvé «le programme trop théorique. Il a certainement manqué d’échanges moins conceptuels.» A son sens, l’intervention de professionnels au sein de l’Université aurait également apporté une valeur ajoutée à la formation.
3. Les conseils aux étudiants
Du fait de perspectives limitées en Suisse, Carlo Lombardini encourage à une mobilité totale et profite pour souligner l’importance des langues. «Selon les orientations, quitter la Suisse et l’Europe – pour y étudier et/ou chercher un emploi - est à envisager dans la mesure où certaines perspectives existent plus largement aux USA et en Asie.»
Enfin, il insiste sur l’importance du facteur chance: «Il faut être là quand le train passe.» Et d’ajouter qu’il appartient à chacun de faire tous les efforts pour se rendre à la gare.
Carlo Lombardini porte cependant un regard critique sur la génération actuelle. Enseignant à l’Université et travaillant avec des stagiaires fraîchement diplômés, il trouve que «cette génération éprouve beaucoup de peine à exprimer par écrit
et de manière ordonnée des concepts simples». L’enseignement semble avoir mis de côté cet élément pourtant essentiel à ses yeux.
Romaine Jean, elle, tient à la valeur du travail, à l’ouverture d’esprit et aux voyages enrichissants. Lorsqu’on lui demande ce qu’elle pense de cette tendance qu’ont les jeunes à vouloir être connu, elle tire la sonnette d’alarme.
«Etre ambitieux est une bonne chose mais si être un personnage public est un but en soi, cela devient malsain.» Et les femmes, doivent-elles avoir une approche spécifique? Elle sourit: «J’espère que les jeunes générations ont dépassé le système classique de répartition des rôles!» Elle encourage ces dernières à ne pas avoir de retenue et «les choses se passeront naturellement».
«A l’université, lorsque je refaisais ma première année, j’ai décidé de m’asseoir au premier rang de l’amphithéâtre afin d’apprendre pendant les cours, simplement en écoutant. Cela évite d’apprendre ensuite à domicile. D’autre part, il ne faut jamais s’empêcher de poser des questions.» Pour Jean-Claude Biver, écouter et poser des questions sont les maîtres mots du comportement de l’étudiant.
D’horizons totalement différents, les trois leaders se rejoignent totalement sur un point: il est nécessaire de vivre de sa passion. Pour chacun d’entre eux, le seul moyen d’abattre un grand nombre d’heures de travail, c’est de ne pas avoir l’impression de travailler. La passion décuple les forces. C’est à cette seule condition que l’envie d’exceller peut rencontrer le succès.
Quid des jeunes qui n’ont pas de passion? «Il faut être curieux, creuser, approfondir», affirment Romaine Jean et Carlo Lombardini. «Croyez-vous que j’aimais les montres en commençant dans l’horlogerie?, s’exclame Jean-Claude Biver. J’ai eu envie de rencontrer les hommes qui fabriquent les montres. Je suis allé faire du ski de fond avec eux dans la vallée de Joux, je les ai questionnés, suis entré dans leur environnement.» Un hymne à la passion, quelle qu’elle soit, à tout prix.
BILAN |