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En dix-neuf ans de carrière chez Audemars Piguet, François-Henry Bennahmias a pu mesurer l’évolution des principaux marchés du luxe, de l’Europe à l’Asie.
Aux Etats-Unis, où l’ancien golfeur professionnel lance la marque en 1999, le chiffre d’affaires passe de 6 à 100 millions en dix ans. Aujourd’hui CEO d’Audemars Piguet, trois missions majeures l’attendent. Doubler la production de modèles, préparer le lancement d’une nouvelle ligne en 2015 et innover en matière de «retail» avec en point de mire la vente de montres sur internet.
Lors du SIHH 2013, Audemars Piguet annonçait vouloir doubler la production d’ici à dix ans. Où en êtes-vous?
Notre cible de clientèle qui peut s’offrir une montre de haute horlogerie à un prix moyen de 35 000 francs grandit tous les jours. Elle est encore très loin d’être saturée par nos produits.
Contrairement à ce que tout le monde pense, l’industrie horlogère n’est absolument pas mature. Elle est florissante mais reste une petite industrie en volume et en chiffres (22 milliards d’exportation toutes marques confondues).
On peut toujours faire mieux. La preuve? Quand les gens viennent visiter la manufacture, ils ressortent conquis par le savoir-faire. Et ont envie d’acheter. D’ailleurs, ce mois-ci nous inaugurons un salon VIP où les visiteurs pourront le faire.
Vous intégrez une boutique au sein de la manufacture?
C’est un espace disposé comme une table d’hôte et où les montres apparaîtront de manière féerique. Tous nos modèles seront disponibles à la vente. Cela fait sens.
Tout au long de la visite de notre manufacture, le passionné peut approcher l’horloger, observer le cheminement de production d’un modèle jusqu’au produit final. Pour clore cette découverte, il pourra désormais repartir avec le modèle.
C’est une première. A combien estimez-vous les ventes dans cet espace?
Nous visons entre 100 et 200 montres la première année. Mais ce n’est qu’un début.
Comment comptez-vous doubler vos ventes d’ici à dix ans?
En 2012, Audemars Piguet a vendu 32 000 montres. Cette année, nous restons volontairement stables à 33 000, pour passer d’ici à 2015 à 40 000 exemplaires.
Ces cinq dernières années, nous aurions pu vendre 30% de montres en plus. Même s’il est bon de rester 20% en dessous de la demande, il faut pouvoir alimenter correctement les réseaux. C’est pour cela qu’Audemars Piguet va diviser par deux ses références, passant de 235 références en 2012 à 85 références en 2015.
Quelle sera votre stratégie de vente?
Nous allons nous rapprocher de nos meilleurs détaillants et nous passerons de 11 boutiques en propre en 2013 à 16 magasins en 2015, sans compter les franchisés, qui doubleront dans les deux ans à venir.
Le monde horloger se prépare à vivre une révolution exceptionnelle du retail. La vente au détail ne se résume pas uniquement à un point de vente dans une rue. L’étape suivante, c’est la vente sur internet.
Vous tentez l’aventure?
Le plus vite possible, d’ici un à deux ans.
Tous les modèles seront disponibles?
Oui, tous. Il faut savoir vivre avec son temps. De nombreuses autres façons de commercialiser l’horlogerie vont émerger, j’en suis convaincu. Et Audemars Piguet sera très actif dans ce domaine.
Sans tuer le retail?
Le terrain de jeu change, les joueurs vont peut-être changer, mais le jeu reste le même. C’est une révolution. Mais les détaillants continueront à vendre de toute façon. Aujourd’hui, c’est la boutique qui va vers le client, car les futurs acheteurs sont éduqués à commander sur internet.
Sur quels modèles misez-vous le plus?
Royal Oak et Royal Oak Offshore représentent plus de la moitié de nos ventes mondiales. Mais avec la nouvelle ligne encore tenue secrète que nous préparons pour 2015 nous allons trouver un nouveau volume de vente. Nous tablons sur une production de 5000 nouveaux modèles la première année de lancement, dont plus d’un tiers livrés le lendemain du SIHH.
Des efforts financiers seront consentis pour y arriver?
Nous sommes en phase de création d’emplois, nous louons beaucoup de nouveaux bâtiments dans la région, et une nouvelle unité adjacente à la manufacture sera construite d’ici cinq à six ans afin de pouvoir mieux assurer l’augmentation de la production.
Mais nos deux principaux investissements restent centrés sur l’ouverture de boutiques dans le monde et la formation.
Un bâtiment entier va être libéré à cet effet.
Que répondez-vous à la dernière rumeur de rachat?
Nous ne sommes pas à vendre.
BILAN |