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Les grands groupes tels LVMH, Kering ou encore Swatch Group s’emparent peu à peu des fleurons à fort potentiel. Les petites maisons indépendantes souffrent. Décryptage.
En 2013, les géants du luxe LVMH et Kering ne se sont pas contentés de faire du lèche-vitrines. Le premier a acquis 80% du capital de Loro Piana, roi du cachemire, pour 2 milliards d’euros, mais aussi de jeunes enseignes comme les chaussures Nicholas Kirkwood.
Le second s’est emparé du joaillier Pomellato. De son côté, Swatch Group a mis la main sur le diamantaire Harry Winston pour un milliard de francs.
«Après un mouvement quasi boulimique d’acquisitions dans les années 1990, puis une consolidation de ces marques rachetées, les grands groupes sélectionnent minutieusement des enseignes à très fort potentiel pour compléter leur offre», analyse Serge Carreira, maître de conférences sur le luxe à Sciences-Po Paris.
En 2011, LVMH a considérablement renforcé son pôle joaillerie avec le rachat de Bulgari. La même année, Kering a conforté sa position dans la mode masculine grâce à Brioni. «Ce sont souvent des marques indépendantes, parfois en mains familiales depuis des générations, qui disposent d’une identité déjà très forte.»
Si certaines marques comme Prada choisissent d’entrer en bourse pour soutenir leur croissance, d’autres espèrent rejoindre le giron d’un empire pour développer leurs activités. Il en va même parfois de leur survie.
«C’est une question d’échelle: les coûts de ces maisons indépendantes sont souvent très élevés pour des volumes faibles, observe Christophe Laborde, analyste chez Bordier & Cie et spécialiste du luxe. Leur assise financière ne leur permet souvent pas de faire face à une collection ratée ou à une mauvaise gestion.»
Les grands groupes peuvent ainsi leur offrir un réseau de distribution, une stratégie marketing globale, des magasins en nom propre. C’est une aubaine pour ces acteurs du luxe qui peuvent accélérer leur conquête des marchés émergents.
Une concurrence insoutenable
Or la consolidation du secteur soumet les maisons indépendantes à rude épreuve. Car les plus fragiles peinent à rester dans la course sur ce marché ultracompétitif.
«Dans le secteur horloger, les grands noms exercent un pouvoir fort sur les détaillants et les réseaux de distribution. Les petites marques et les artisans n’ont pas d’autre choix que de rester petits. Les entreprises moyennes, elles, n’arrivent pas à se développer, la concurrence étant quasi insoutenable», décrypte Maximilian Büsser, fondateur de la maison horlogère MB & F.
«La barre du milliard de chiffre d’affaires est devenue un must. Si vous êtes plus petit, c’est très difficile», confirme Gildo Zegna dans Le Matin Dimanche en octobre dernier.
Concernant les rachats par les géants du luxe, le CEO de la maison de couture familiale Ermenegildo Zegna, dont le chiffre d’affaires dépasse le milliard décisif, déplore «un savoir-faire accumulé qui menace de s’en aller».
Notamment en Italie, devenue un véritable supermarché pour les conglomérats. Au fil des années, Kering a avalé Gucci, Brioni ou encore Bottega Veneta. LVMH s’est annexé Fendi, Bulgari et récemment le pâtissier La Cova à Milan.
«Les petits et moyens rachats vont se poursuivre. Et Versace, Burberry ou encore Tiffany continuent de susciter des convoitises», soutient Serge Carreira. Sans oublier le sellier Hermès dont le capital a déjà subi les attaques à répétition de LVMH.
BILAN |