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La marque horlogère vaudoise va investir un hôtel entier sur la plage de Copacabana. Le marché brésilien des montres n’est de loin pas encore à son plein potentiel, miné par les taxes
A moins de deux mois du premier coup de sifflet de la Coupe du monde de football au Brésil, l’effervescence est encore montée d’un cran chez Hublot. C’est que la marque, chronométreur officiel de la manifestation, lance une opération sans précédent. Un projet sur lequel la filiale de LVMH travaille depuis plus de deux ans. Cinq personnes à l’interne sont entièrement dévolues à cette tâche. «C’est le principal événement sportif mondial, suivi par des milliards de téléspectateurs. Nous en attendons beaucoup en termes de notoriété et de construction de l’image de la marque», confie Ricardo Guadalupe, directeur général de la société horlogère vaudoise et grand passionné du ballon rond.
Et Hublot voit grand. Il va prendre possession durant un mois de l’hôtel Orla, sur la célébrissime plage de Copacabana. Ce sont près de 1000 clients et VIP qui seront hébergés dans l’établissement et se succéderont pendant les cinq semaines que dure la compétition. L’hôtel va d’ailleurs revêtir les couleurs de la marque (laquelle lui offre même une toute nouvelle literie) et, du haut de sa terrasse dominant la mythique plage, les clients pourront voir les matches sur écran géant. Ricardo Guadalupe aurait préféré le célèbre Copacabana Palace, mais il a été réquisitionné par la FIFA, tout comme le Sofitel. Peu importe, Hublot va aussi promouvoir les produits du terroir suisse pour l’occasion, notamment les vins vaudois, en collaboration avec l’office cantonal ad hoc. La logistique est à la hauteur de l’événement. Pas moins de deux containers de marchandises diverses ont été envoyés sur place.
Si Ricardo Guadalupe ne détaille pas l’ensemble des investissements consentis, il précise toutefois que le seul partenariat avec la FIFA représente déjà un montant de plusieurs millions de francs. Qu’il faut donc encore doubler, voire tripler pour tous les événements annexes, afin de capitaliser sur l’événement. Le Brésil a quant à lui déboursé plus de 10 milliards de francs pour organiser la grand-messe footballistique. Et les retombées économiques espérées sont de l’ordre de 4 milliards, entre autres soutenues par la visite de 600 000 touristes.
Grâce au sponsoring avec la FIFA, les panneaux Hublot, tenus par le quatrième arbitre, seront vus par les téléspectateurs entre 20 et 30 secondes par match, alors que la Coupe du monde pourrait atteindre une audience cumulée de 30 milliards de téléspectateurs. Avec quel impact direct pour Hublot, dont la légende Pelé est l’un des ambassadeurs? «C’est difficile à dire, encore plus au niveau des ventes. Toujours est-il que durant le Mondial en Afrique du Sud, les visites sur notre site internet doublaient, voire triplaient durant les matchs. Et, au Brésil, notre notoriété va faire un bond comme jamais», espère Ricardo Guadalupe. Pour l’occasion, la marque a aussi dévoilé lors de Baselworld un modèle spécial Coupe du monde. La marque s’est par ailleurs associée à l’artiste local Romero Britto pour sa campagne de communication dévolue au football.
Reste que le Brésil n’est encore de loin pas un eldorado horloger. La septième économie mondiale ne figure même pas parmi les 30 premiers marchés pour la branche. La faute à des taxes d’importation exorbitantes, jusqu’à 100% sur les produits haut de gamme. «Nous devons simplement travailler avec moins de marge dans ce pays», confiait récemment au Temps Stephen Urquhart, président d’Omega, marque qui ne cesse de s’étendre au Brésil. Une réalité confirmée par Ricardo Guadalupe. L’an dernier, les exportations horlogères vers le pays de la samba ne se sont élevées qu’à 49,9 millions de francs, contre 58,2 millions en 2008, même si elles ont doublé par rapport à 2003.
«Les Brésiliens achètent toutefois énormément de montres à l’étranger. Ce sont en quelque sorte les Chinois de l’Amérique du Sud», explique Ricardo Guadalupe. Ainsi, sur dix montres vendues à des Brésiliens, neuf le sont dans un autre pays, estime le patron. Pour sa marque, les Brésiliens sont la quatrième nationalité en termes de ventes. Parmi d’autres marques, Parmigiani mise aussi sur le Brésil. La société de Fleurier (NE) a ainsi décidé de sponsoriser la Confederação Brasileira de Futebol (Confédération brésilienne de football) et d’après le patron de la marque, Jean-Marc Jacot, ce pays pourrait se hisser à moyen terme parmi les cinq premiers marchés pour la branche. Peut-être que le Mondial y contribuera. Et que l’émergence d’une classe moyenne dans ce pays de 200 millions d’habitants (dont une cinquantaine de milliardaires avec une fortune cumulée de 300 milliards de dollars) fera le reste. C’est en tout cas l’un des paris que fait Hublot.
Bastien Buss
LE TEMPS |