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A Baselworld, l’innovation n’était pas que dans les montres. Une poignée de PME romandes rivalisent de créativité pour montrer des stands et des vitrines impressionnants.
«Toute technologie suffisamment avancée est indiscernable de la magie.» Sur le stand de Hublot à Baselworld, Xavier Dietlin a fait sienne la troisième loi de l’écrivain Arthur Clarke. Dans une vitrine qui présente le nouveau mouvement Unico de la marque, un modèle grossi et imprimé en 3D du moteur se colore et s’anime au gré d’un balayage laser. Les rouages tournent, le nom du mouvement et le logo se gravent, l’ensemble oscille. Magique.
Pour parvenir à ce résultat, l’entreprise éponyme de Xavier Dietlin à Romanel-sur-Lausanne utilise une batterie de technologies: imprimante 3D, robot, mapping dynamique des images. Des technologies qui existent mais qu’il a fallu détourner en demandant à Carl Zeiss le développement d’une optique dédiée. La coordination de l’ensemble est gérée par un séquenceur numérique développé avec le bureau d’ingénieurs lausannois FiveCo.
Pour communiquer visuellement autour de leurs montres, les marques horlogères font de plus en plus appel à des innovations. A côté des départements internes de certaines marques comme Roldeco chez Rolex et de quelques géants comme Messerli ou ExpoMobilia, la filiale de l’opérateur de congrès MCH Group (organisateur de Baselworld), plusieurs PME romandes rivalisent d’inventivité pour s’imposer sur ce marché.
Chez Point Com à Crissier, Laurent Auberson explique, par exemple, comment son entreprise de stands a progressivement évolué pour intégrer des designers et des innovations technologiques. Une stratégie couronnée cette année par la clientèle d’Hermès et de TAG Heuer pour leurs soirées.
En 2013, les grandes marques qui exposent dans la halle 1 avaient profité de l’ouverture du nouveau bâtiment signé par Herzog & de Meuron et de la redistribution des espaces pour réinventer leurs stands. Ces derniers, qui ont une durée de vie moyenne de sept ans et coûtent jusqu’à plus de dix millions de francs, sont déterminants pour fixer l’identité visuelle de la marque.
On la retrouve ensuite dans les boutiques du monde entier. Pour les designers, les architectes et toutes les PME qui conçoivent les stands, les vitrines, les marmottes de rangement, etc., Bâle est un tremplin vers un marché plus vaste. Il n’est pas simple de le conquérir. Au-delà de l’esthétique, les entreprises horlogères doivent à la fois communiquer des avancées techniques souvent cachées dans les mécanismes et le storytelling de la marque. Spécialiste de l’architecture et du design sur mesure pour les marques, le bureau genevois Brandstorm a ainsi relevé un défi lancé par Movado.
Le groupe souhaitait regrouper ses différentes marques (Concord, Ebel…) dans son vaste stand de la halle sud. Pour conserver une certaine cohérence, Brandstorm a tout conçu et recouru aux éclairages LED.
A l’extérieur, un imposant monolithe noir était ainsi tapissé de 53 000 diodes luminescentes. A l’intérieur, ces LED ont été associées à des capteurs par un artiste norvégien afin de les rendre interactives. La lumière suivait les visiteurs, en quelque sorte, comme leur ombre.
Le défi de cette communication événementielle, Xavier Dietlin l’explique devant le stand de Maurice Lacroix. L’an dernier, il a réalisé pour la marque la plus longue vitrine holographique du monde (12 mètres). «En fait, c’est le mélange d’un vieux truc connu des prestidigitateurs du XIXe siècle avec les dernières technologies de projection 3D. Les images sont projetées depuis un écran sur un miroir concave sans tain. En en réglant l’inclinaison, on leur donne cet effet de suspension à côté des montres.»
Devant le stand de Patek Philippe refait cette année, il montre aussi un aspect important de l’innovation événementielle: l’interactivité. Dans ce cas, une vitrine a été conçue pour expliquer sur un écran 50 mouvements différents. Les technologies cachées dans le stand de Patek Philippe n’en finissent pas de réjouir Reto Gfeller, le directeur technique de l’entreprise de verres innovants GlassConcept à Penthalaz. «La structure porteuse en verre est un tour de force technique», relève-t-il.
GlassConcept n’est pas à l’origine de ce stand, mais ses technologies de traitement du verre sont partout. Pour Omega et Bulgari, la PME vaudoise a, par exemple, conçu des GlassTV qui habillent des écrans pour laisser l’image apparaître comme si elle faisait partie du verre.
Chez Tissot, leur technologie d’impression digitale des verres a obtenu des dégradés qui évitent les effets de ligne. Pour Victorinox, l’entreprise a réalisé, en collaboration avec Metal System à Echandens, des rouages transparents qui écoulent leur contenu comme autant de sabliers.
Plus poétique que technique?
«La technologie a pris beaucoup d’importance sur les stands depuis cinq ans, reprend Xavier Dietlin. La concurrence pousse à sortir du lot et la technologie est un bon moyen d’y parvenir. En outre, les détaillants qui n’ont généralement pas de place en trouvent toujours pour une vitrine hors du commun.»
Associée de longue date avec Hublot et son positionnement high-tech, l’entreprise de métallerie Dietlin a ainsi multiplié les détournements de technologies.Pourtant, l’entrepreneur pense que l’«on atteint une fin de cycle avec la technologie. On va revenir à des choses plus poétiques.»
Les «danseuses», des découpages qui tourbillonnent telles des jupes, mises au point par l’atelier Oï à La Neuveville pour Louis Erard sont peut-être une indication de ce qui vient. Des innovations moins techniques mais pas moins créatives.
PAR FABRICE DELAYE
BILAN |