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Dans le luxe, le tourisme d’achat fait une pause
 
Le 22-08-2014

La branche perd – provisoirement – l’un de ses derniers catalyseurs. Les fondamentaux demeurent cependant solides pour la branche. A condition de s’adapter à cette transition

Le luxe se cherche. En sus des vents contraires des devises, d’une conjoncture plus atone que prévu et des conflits géopolitiques instillant une incertitude peu propice au climat de consommation, le secteur doit faire face à un nouveau revers. Les achats des touristes se lézardent. De fait, le secteur perd l’un de ses derniers relais de croissance. Alors que la tendance est déjà globalement molle en Europe, les voyageurs rechignent désormais à s’offrir des articles haut de gamme.

Selon les données de Global Blue, les emplettes de touristes ont enregistré un recul de 1,7% au deuxième trimestre. La situation s’est encore détériorée en juillet, avec un fléchissement de 5,7%. Rien n’indique de surcroît qu’une amélioration soit intervenue depuis, dit la banque Barclays dans une étude. Inquiétant? Oui, car «les ventes de biens de luxe aux touristes représentent en moyenne 50% du chiffre d’affaires du secteur», décrypte Nathalie Longuet, analyste dans le secteur des biens de consommation chez Lombard Odier.

Les données disponibles montrent notamment un net ralentissement des dépenses des Chinois à Hongkong. Et il n’y a pas eu de transfert d’achats vers l’Europe, d’après Barclays. De plus, «la crise ukrainienne a indéniablement un impact sur les dépenses des Russes à l’étranger», selon Serge Carreira, maître de conférences à Sciences Po Paris. Ces derniers continuent néanmoins de consommer sur leur marché domestique, nuance Nathalie Longuet. Par segment, l’horlogerie-joaillerie a bu la tasse (–9,3%), tandis que la mode n’a guère fait mieux (–6,3%) et que la maroquinerie a limité les dégâts, avec une baisse de 2,5%.

Il en résulte un impact certain sur les comptes des grands groupes. «Dernièrement, les prévisions de bénéfices pour le segment du luxe ont été corrigées à la baisse de 10 à 15%», détaille Scilla Huang Sun, qui gère le JB Luxury Brands Fund de Swiss & Global Asset Management. En cause? L’affaiblissement de la conjoncture en Chine et les effets de change qui ont mis à rude épreuve les fabricants de produits de luxe. Ce ralentissement s’est déjà reflété dans la croissance organique publiée par les sociétés cotées du secteur au deuxième trimestre, à +6%. Soit en décélération par rapport aux +9% du premier trimestre, corrobore Nathalie Longuet. De plus, «il n’y a pas de nouveaux marchés géographiques ou territoire pour relayer la croissance de la Chine», d’après Luca Solca, analyste auprès d’Exane BNP Paribas.

Pour nombre d’experts, le luxe ne fait cependant que reprendre son souffle. En d’autres termes, il traverse un éphémère passage à vide. «A long terme, le potentiel de croissance du secteur reste intact. A l’avenir, il devrait même enregistrer une progression supérieure à celle du produit intérieur brut global», se projette Scilla Huang Sun. Bref, «tout comme il ne fallait pas s’emballer durant les belles années, il ne faut pas sombrer dans le pessimisme», ajoute Serge Carreira.

Recomposition du secteur

Des changements, il y en aura toutefois. Notamment avec une croissance des ventes en 2014 bien plus faible que lors de ces derniers exercices. «C’est un moment de transition et de recomposition du secteur», affirme Serge Carreira. Mais les maisons commencent à s’adapter au nouveau contexte: avec une nouvelle génération de créateurs (comme chez Louis Vuitton, Yves Saint Laurent, etc.), avec d’autres stratégies de communication (tel Loewe avec JW Anderson) et en revoyant leur réseau de distribution (ralentissement des ouvertures et rénovation des boutiques existantes).

En attendant la fin de cette transformation, rien ne sert de s’affoler. Même si le luxe est aujourd’hui plutôt à «un point bas de son cycle», selon l’apophtegme de Nathalie Longuet. La branche devrait cette année atteindre un taux de croissance compris entre 6 et 7%, sans effets de change, anticipe Scilla Huang Sun. Voire davantage. Car, si le climat géopolitique s’améliore, une réaccélération progressive vers la tendance à long terme – soit une hausse d’environ 9% – est envisageable au cours des 12 à 24 prochains mois, de l’avis de Nathalie Longuet.

Bastien Buss
LE TEMPS

 



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