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Les smartwatches menacent-elles vraiment l’horlogerie traditionnelle?
 
Le 11-09-2014

Une smartwatch créée par un géant comme Apple, qui, pour la première fois réglerait le problème du design serait-elle de nature à déstabiliser l'industrie horlogère? Pascal Arnoudom et Martin Crépy, deux spécialistes du secteur, livrent leur analyse à la Tribune.

Apple créé une montre connectée, et toute l'industrie horlogère traditionnelle devrait frémir? Tout au moins, c'est l'opinion de Jonathan Ive, le designer-star d'Apple, qui, selon ses propos bravaches rapportés par son entourage au New York Times, aurait affirmé que les fabricants suisses auraient "du souci" à se faire avec ce que concocte sa marque.

Le sujet a fait débat bien avant le lancement par Apple de ses dernières nouveautés le 9 septembre - parmi lesquelles la - très attendue - montre connectée. Fin 2013, déjà, Ernst Thomke, l'un des pères de la Swatch, lauréat du prix Gaïa remis par le Musée international d'horlogerie de la Chaux-de-Fond, lançait un pavé en affirmant que "l'horlogerie suisse a raté le virage des smartwatch" et qu'elle avait perdu sa capacité d'innover".

Indiquer l'heure, pas le seul "intérêt des montres"
Des accusations balayées par l'actuel dirigeant de Swatch, Nick Hayek. Lequel rétorque par exemple le 5 septembre dans L'Hebdo:

"La révolution technologique fait partie de l'ADN de notre industrie (...) Si le fait d'indiquer l'heure était le seul intérêt des montres, l'industrie horlogère n'existerait plus depuis longtemps."

Il se trouve que son groupe est également celui qui a déposé en 2013 le plus de brevets au monde, devant Philips et Procter & Gamble selon le système de La Haye qui permet de déposer des inventions dans plusieurs pays, selon l'Organisation mondiale de la propriété intellectuelle. L'horlogerie était d'ailleurs le domaine le plus fécond en innovations déposées via ce système, à égalité avec les emballages.

Croissance soutenue pendant dix ans
Mais dans le détail, sans en faire des objets connectés, les horlogers parviennent-ils encore à innover suffisamment lorsqu'ils fabriquent des montres? Premier constat: visiblement, l'offre existante convient aux acheteurs puisque le marché n'a cessé de croître depuis dix ans, constatent Pascal Arnoudom, spécialiste de la distribution et du luxe au sein du cabinet de conseil Kurt Salmon, et Martin Crépy, chez Simon Kucher & Partners, apportent leur éclairage.

"La Suisse qui contrôle la moitié du marché mondial de l'horlogerie en valeur) a exporté 28 millions de montres, vendues à un prix moyen de 1.500 dollars par pièce, dont 1,6 million aux alentours de 20.000 dollars ou plus", relève le premier. Le second pointe une croissance soutenue jusqu'en 2012 par le "nouvel appétit des consommateurs asiatiques, et en particulier des Chinois. Certaines marques qui ont su investir en amont de cette tendance et s'implanter avant les autres sur ces nouveaux territoires ont connu des croissances à +30-40% chaque année. " Mais, depuis un an et demi, en raison notamment des lois anti-corruption, le marché s'est retourné.

Titane, carbone, complexes, extra-plates...
Ensuite, que ce soit dans les matériaux, les mécanismes ou plus largement le marketing, nombreuses sont les grandes marques qui auraient bel et bien innové. Les deux consultants citent par exemple l'usage de matériaux inédits en horlogerie le silicium, le titane, la céramique et le carbone. Parmi les exemples de montres luxueuses et innovantes, Pascal Arnoudom évoque par exemple le RM 011 de Richard Mille qui utilise un mouvement en titane, le modèle ultra-plat (3,65 mm de Piaget) ou encore la Classic Fusion Tourbillon Night-Out de Hublot, qui, parie sur l'extrême rareté puisqu'elle n'a été éditée qu'en 30 exemplaires.

De son côté, Martin Crépy cite les plastiques non allergènes de Swatch, le modèle Oméga de Rolex dont le verre saphir serait quasi inrayable, ou bien l'usage par IWC du quantième perpétuel indiquant le jour, la date et le mois, même pour les années bissextiles, ce qui permet "permet à l'utilisateur de n'avoir à régler, en théorie, sa montre qu'une fois par siècle".

En réalité, les deux spécialistes s'accordent également sur ce point, en raison de leur aspect prestigieux, l'attrait pour les montres de luxe ne devrait pas faiblir, même si les ventes de montres connectées se développent.

"La smartwatch reste un appareil électronique qui certes pourrait mobiliser un des poignets de ses utilisateurs mais qui ne remplacera pas la fonction de bijoux et de marqueurs social que peut incarner le port d'une montre d'horloger", pointe ainsi Pascal Arnoudom.

Des smartwatches appelées à "mobiliser" les poignets
Pour autant, les smartwatches jusqu'à présent confidentielles pourraient bel et bien voir leurs ventes décoller. Pour Pascal Arnoudom dénombre:

"7 milliards d'utilisateurs de smartphones dans le monde et le marché des wearable devices devrait être multiplié par 13 d'ici à 2018 selon Juniper Research."

Surtout si, comme le fait remarquer l'analyse de Simon Kucher & Partners, un travail sur le design, pour attirer en particulier les femmes "un segment-clé" que l'industrie s'emploie à "retravailler", contribuerait à faire augmenter les ventes de montres connectées. Apple a visiblement choisi cette option...

"Un enjeu pour le marché global"
Toutefois, les deux objets seraient bien plus complémentaires que concurrents. Tout d'abord parce qu'"une personne qui achète des montres de luxe ne va pas arrêter sa consommation pour une iWatch". Et parce qu'il reste encore de très nombreuses personnes qui ne portent pas du tout de montre (un tiers des Américains pointait le patron de Swatch).

En réalité, les montres connectées ne représenteraient pas une menace pour "l'horlogerie de luxe mais un nouvel enjeu pour le marché global des montres", indique Martin Crépy, avec des fabricants plus "grand public" qui eux, se lancent aussi dans la "guerre des montres connectées."

www.latribune.fr

 



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