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Pour la première fois depuis plus de 200 ans, la montre mécanique pourrait connaître un changement majeur et devenir plus précise, plus endurante et totalement silencieuse. Les chercheurs de l'EPFL ont développé un oscillateur tournant en continu capable de remplacer l'un des mécanismes cruciaux des montres traditionnelles.
Le tic-tac si familier de nos montres appartiendra-t-il bientôt au passé ? Un groupe de chercheurs de l'EPFL a imaginé un oscillateur tournant en continu dans un sens unique, qui pourrait constituer la nouvelle base de temps des montres mécaniques. De quoi révolutionner le principe de fonctionnement de ces montres, resté inchangé depuis le début du 19e siècle.
Baptisé IsoSpring, le nouvel oscillateur vient d'être présenté publiquement lors de la Journée d'Etude de la Société Suisse de Chronométrie. Il permet de se débarrasser d'un mécanisme compliqué des montres traditionnelles : l'échappement. A la clé, la fabrication de montres à l‘autonomie augmentée, très précises, et complètement silencieuses.
«Notre prototype pèse pour l'instant quatre kilos, mais nous travaillons déjà à sa miniaturisation, afin de l'intégrer dans une montre bracelet ; l'intérêt est vif de la part des industriels», précise Simon Henein, professeur titulaire de la Chaire Patek Philippe et directeur de l'Instant-Lab. IsoSpring diffère en effet fondamentalement du pendule, du balancier spiral et du diapason, les trois oscillateurs traditionnels des horloges et montres traditionnelles. Il représente le premier changement radical du fonctionnement des montres mécaniques depuis 200 ans.
60% de pertes d'énergie dans les montres traditionnelles
Traditionnellement, la montre mécanique fonctionne selon un système complexe de rouages, qui provoque l'oscillation alternative du balancier, et le mouvement des aiguilles. Baptisée «échappement», la partie qui entretient ces oscillations est formée d'un rouage et d'une ancre, qui se déplace continuellement dans une direction, puis dans l'autre. Or cette pièce est un vrai casse-tête pour les ingénieurs, et son rendement est mauvais. A chaque changement de direction, tout le rouage s'arrête, puis repart. C'est ce qui provoque le fameux tic-tac de nos montres. «Ces allers retours sont gourmands en énergie. Pour cette raison, même les meilleurs échappements ne dépassent pas 40% de rendement», explique Simon Henein.
Guidages flexibles
Avec son système en rotation continue, IsoSpring permet de se débarrasser de la partie «échappement». Exit la mécanique saccadée des rouages traditionnels, et place à un système fluide alliant mécanique de précision et guidages flexibles. Figurant parmi les spécialités de Simon Henein, les guidages flexibles guident mécaniquement les mouvements de pièces en jouant sur les propriétés élastiques de lames ressort. Cette élasticité permet d'éliminer les frottements et rend toute lubrification superflue.
«Notre idée reste dans la tradition horlogère. Elle ne repose pas sur des technologies futuristes. Les ingénieurs du 18e siècle auraient également pu l'avoir», assure Simon Henein.
L'élasticité pour une rotation en ellipse
Mais comment IsoSpring fonctionne-t-il plus précisément ? Imaginez une fronde ancienne constituée d'une lanière et d'une pierre décrivant des cercles parfaits lorsqu'on la fera tourner. Si l'on remplace la lanière par un élastique, la pierre effectuera des ellipses : sa vitesse ne sera plus constante, mais sa période, quant à elle, deviendra constante, permettant ainsi une mesure précise du temps. C'est sur ce principe, découvert par Isaac Newton au 17ème siècle, que fonctionne le nouvel oscillateur. Dans la montre, la rotation est entretenue de manière continue par le traditionnel ressort de barillet.
«Notre montre s'éloigne du temps haché par le fameux tic-tac et revient vers un temps continu, tel qu'il s'écoule dans la nature, avec le mouvement des astres», commente Simon Henein.
Auteur: Laure-Anne Pessina Source: Mediacom
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