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Luxe à part, l’économie hongkongaise se joue des manifestations
 
Le 05-12-2014

Les ventes horlogères ont chuté de 11% en octobre. La conjoncture de l’ex-colonie britannique dépend d’abord du commerce avec la Chine

Mardi midi, sa boutique était de nouveau vide. A Causeway Bay, ce vendeur de grands noms de l’horlogerie suisse attendait avec impatience que la police nettoie le campement établi devant sa porte depuis le 29 septembre dernier. «J’espère que les affaires reprendront alors normalement», lâche-t-il.

Hongkong et ses 7 millions d’habitants vivent au rythme des manifestations pro-démocratie depuis plus de deux mois. Les premiers chiffres permettant d’en mesurer l’impact sur l’économie sont sortis cette semaine. Lundi, le Département de la statistique a annoncé qu’en octobre les ventes de détail n’avaient progressé que de 1,4% par rapport au même mois de l’an passé, qui lui-même avait enregistré un bond de 6,3%. Surtout, les ventes de biens de luxe ont chuté de 11,6%. Un chiffre qui suit les alertes lancées par le spécialiste de la bijouterie Chow Tai Fook et par Luk Kook, distributeur, entre autres, d’Omega et de Hublot.

Octobre est réputé important car la Fête nationale de la République populaire offre l’occasion aux Chinois continentaux de prendre quelques jours de vacances: 2,4 millions d’entre eux se sont rendus à Hongkong (+15,6%), mais ils auraient moins dépensé que ces dernières années.

Lundi, John Tsang, le ministre des Finances de Hongkong, a blâmé «les manifestations qui frappent] l’économie, notamment le commerce de détail». Dans une note publiée le mois dernier, Credit Suisse estime cependant qu’après des années de croissance soutenue, le commerce de détail de l’ex-colonie britannique connaît une «normalisation qui semble structurelle, et non conjoncturelle». Une appréciation qui s’applique aussi au luxe, touché par le ralentissement de la croissance chinoise, et la lutte contre la corruption.

Pas de révision du PIB

C’est peut-être pour cette raison que John Tsang n’a pas encore révisé à la baisse l’objectif de croissance du produit intérieur brut (PIB), fixé à 2,2% pour cette année. Mais aussi pour une autre: «Les exportations et les importations représentent deux fois le PIB. Le commerce international tire l’économie de Hongkong, quoi qu’il se passe ici», sourit David O’Rear en passant ses mains dans ses bretelles. Depuis douze ans, l’Américain occupe le poste d’économiste en chef de la Hongkong General Chamber of Commerce. Il se rappelle qu’«en 2003, en pleine crise du SRAS, on pouvait réserver au dernier moment dans les restaurants les plus en vue, et en plus obtenir un rabais sur le vin. Le PIB a pourtant progressé de 3,3% cette année-là!»

Hongkong a produit l’an passé pour quelque 250 milliards de francs de richesse, 45% de ce qui s’est fait en Suisse. La moitié des échanges commerciaux est réalisée avec la Chine, 7% avec les Etats-Unis et 5,5% avec le Japon. La Suisse arrive en 12e place, à égalité avec le Royaume-Uni (1,4%).

La finance et l’assurance génèrent de leur côté 16% du PIB, un chiffre stable après le pic de 20% en 2007, année de la crise financière.

Depuis la rétrocession à la Chine, en 1997, l’économie hongkongaise a fermé les usines, sans créer une armée de chômeurs. «La construction a pris le relais», glisse David O’Rear. A 3,3%, le taux de chômage est «proche du plein-emploi», juge Credit Suisse. L’immobilier semble lui aussi se moquer des manifestants. Credit Suisse s’attend bien à ce que les prix chutent, en raison d’une demande freinée par leur niveau. Néanmoins, relève la banque, octobre a enregistré un record de vente de logements neufs, y compris dans les quartiers proches des lieux de manifestation.

«Hongkong conserve ses atouts»

Vue d’Europe, l’inflation (3,4% en octobre contre 3,3% en septembre) serait exagérée. Mais elle n’inquiète pas David O’Rear. «Après la rétrocession, nous avons connu sept ans de déflation, une catastrophe! Le prix des logements a chuté de 70%, l’indice des prix à la consommation de 20%. Le redémarrage des Etats-Unis, le boom de la Chine et la fin du SRAS y ont mis fin.» De toute façon, avec une devise ancrée au dollar américain, «il n’y a pas de politique monétaire possible», observe-t-il.

L’économiste de la Chambre de commerce se fait plus de souci pour les conséquences à long terme du mouvement des parapluies. Dans un sondage publié la semaine dernière par sa Chambre de commerce, la compétitivité de Hongkong était jugée moins bonne qu’une année plus tôt. En tête des facteurs considérés comme déterminants, la planification et la stabilité du gouvernement.

Dans l’immédiat, aucune entreprise n’a annoncé son départ. D’aucuns voient Singapour profiter des troubles politiques. Y partir, «c’est prendre la mauvaise direction, rétorque David O’Rear, car les affaires sont au nord. En revanche, Shanghai pourrait séduire, mais Hongkong conserve ses atouts.»

La plus grande menace pourrait en fait être interne. En 2018, la population active de Hongkong commencera à se contracter, s’inquiète David O’Rear, qui estime que rien n’est fait, pour le moment, pour la contrer.

[LE TEMPS


 



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