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Face à l’envolée de la monnaie suisse, les marques et les groupes ont déjà annoncé des hausses de prix en Europe. Et personne ne doute un seul instant que cela puisse avoir un effet sur les volumes des ventes
Cela a été dit, écrit et redit. Mais les dix jours qui viennent de s’écouler le démontrent une fois encore: l’horlogerie suisse est dans une position privilégiée. Unique au monde, sans doute. Elle règne sans partage sur une industrie qui vaut quelque 40 milliards de francs de chiffre d’affaires annuel.
Ainsi, face à la nouvelle envolée du franc, les marques et les groupes – Richemont et Swatch Group – n’ont pas tardé à réagir. Alors que l’industrie suisse dans son ensemble parle de délocalisations, de licenciements, de baisses de salaires et/ou appelle à des mesures d’accompagnement, les horlogers ajustent leurs prix, pour compenser les effets monétaires.
Concrètement, pour atténuer les conséquences du franc fort, ou de l’euro faible, ils ont décidé d’augmenter les tarifs. De 5, 7, 8 ou 10%, selon les sources et les marques qui ont fait état de ces adaptations durant cette semaine de SIHH.
Le plus frappant, c’est que personne, à Palexpo ou ailleurs, ne craint une seule seconde que ces hausses de prix puissent avoir un effet quelconque sur le nombre de montres vendues, y compris les analystes qui suivent de près les deux entreprises cotées en bourse.
Un exemple prouve cette quasi-immunité horlogère: le patron de Parmigiani, Jean-Marc Jacot, ne sait pas encore si la marque (indépendante) va monter ses prix en Europe. En tout cas, ce qu’il sait déjà, c’est qu’il pourrait le faire sans difficulté puisque, dit-il, de toute façon, ses clients y seraient insensibles. Le raisonnement est difficilement contestable: 60 000 ou 66 000 francs? Cela n’a que peu d’importance, pour les amateurs de garde-temps qui peuvent se le permettre.
En Suisse, quel autre secteur d’activité pourrait envisager d’augmenter ses prix à l’étranger? A part quelques acteurs de niche, qui n’ont pas ou très peu d’égal dans leur domaine, personne. Déjà mis à mal par la concurrence asiatique, entre autres, les fabricants de machines devront plutôt travailler (encore) du côté de leurs coûts, ou de leurs marges. Et ce n’est qu’un exemple parmi d’autres.
L’horlogerie suisse, elle, a une chance inouïe – elle n’y est pas étrangère. Elle est seule au monde, dans son métier. Et malgré les tentatives de différenciation des marques par rapport aux autres, toute l’industrie horlogère est logée à la même enseigne: les entreprises sont en Suisse et doivent y rester pour demeurer «Swiss made».
Swatch Group hésite par contre encore sur la stratégie à adopter pour ses montres d’entrée de gamme, comme Tissot ou Swatch. Parce qu’un modèle à 500 francs dont le prix passerait à 550, c’est un peu plus difficile à imposer aux clients. Et la concurrence est plus féroce dans ces segments.
C’est en tout cas un autre signe que l’industrie suisse «normale» doit envisager d’autres moyens pour continuer à exporter aussi bien. Evidemment, elle sait vendre ses compétences et la fiabilité de ses produits. Mais vendre de la technique, de l’émotion, de l’art et du rêve à la fois, c’est un autre métier. C’est de la haute horlogerie.
Servan Peca
LE TEMPS
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