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ROCK’N'HORL* # 156 (accès libre) : Incroyable, mais vrai – la France a égaré son « heure légale » depuis 35 ans, mais elle est toujours chargée de donner l’heure au monde entier…
Est-il normal que, contrairement aux autres pays européens, la France n’ait plus d’« heure légale » administrative ? Ça fait désordre. Le gouvernement socialiste a promis de redonner du temps au temps en nous rendant notre heure réglementaire...
▶▶▶ BUREAUCRATIE HORAIRE
C'est pas moi, c'est l'autre qui a détruit l'heure légale...
◉◉◉◉ LES BUREAUCRATES SONT FORMIDABLES : la France a renoncé à son heure légale en 1979, en l’égarant quelque part dans la réglementation européenne sur le passage à l’heure d’été, qui rendait caducs les décrets du 9 août 1978 et du 17 octobre 1979. Il y a donc 35 ans que la République ne dispose plus d’« heure légale », ce qui fait de la France une exception parmi les grands pays industriels. Cette notion d’« heure légale française » est pourtant indispensable pour sécuriser l’ensemble des réseaux informatiques nationaux, qu’on parle de contrôle aérien, de sécurité des centrales nucléaires ou de transactions bancaires qui s’effectuent à la milliseconde près.
◉◉◉◉ SI ELLE N'A PAS ENCORE EU D'IMPACT sur notre économie, cette renonciation administrative à toute heure nationale réglementairement définie est d’autant plus aberrante que la France a reçu, depuis 1972, la mission internationale de créer et de diffuser une heure planétaire UTC (Universal Time Coordinated), élaborée par un réseau d’horloges atomiques, qui a rendu obsolète la référence horaire GMT (Greenwich Mean Time), qui correspondait à une vision dépassée de l’heure basée sur la rotation terrestre. Pour ne pas blesser l’orgueil britannique, c’est la France qui définit cette heure UTC, grâce à son Observatoire de Paris, mais c’est le Royaume-Uni qui en lance le signal international, grâce à l’Observatoire de Greenwich.
◉◉◉◉ CETTE COMPÉTENCE TRÈS POINTUE dans l’étalonnage du temps légal international a permis à la France de se doter de laboratoires très avancés dans le temps-fréquence scientifique. Paradoxe hautement français pour un pays qui ne dispose plus de base réglementaire pour son « heure légale », à usage public ou privé. Les députés ont fini par s’en émouvoir, comme en témoigne l’échange parlementaire ci-dessous (27 janvier 2015). Par la voix de sa secrétaire d’Etat au Commerce, Carole Delga, le gouvernement socialiste a promis de régler cette question, qui en rajoute dans le ridicule d’une France donneuse de leçons horaires au monde entière, mais incapable de définir ses propres règles concernant l’heure légale.
◉◉◉◉ LE MICMAC TECHNOCRATIQUE EST SUBLIME : ce n’est pas de notre faute si on a perdu cette heure légale, précise l’administration qui a rédigé l’intervention de la secrétaire d’Etat. C’est le Bureau international de l’heure qui a été réorganisé ; c’est la Quinzième conférence des poids et mesures qui a changé ses règles ; c’est le Bureau international des poids et mesures (BIPM) qui a défini la nouvelle référence du temps atomique international ; c’est l’Observatoire de Paris qui a la responsabilité de de l’élaboration et de la diffusion du temps légal français. De la culture de l'excuse bureaucratique chimiquement pure ! Bref, c’est pas moi, c’est l’autre, mais on s’en occupe : l’administration a un projet de décret à ce sujet depuis le 11 juillet 2013, mais rien n’a encore été fait. Sans heure légale, la France est une cigale du temps qui passe (ci-dessous et en cartouche, en haut de la page : tableau de Raymond Douillet, Le Temps qui passe… |