|
Les célébrations et les congés du Nouvel An lunaire débutent ce jeudi 19 février. Les marques et les commerçants horlogers se sont préparés à accueillir les voyageurs les plus dépensiers du monde
Sans doute parce que les Chinois entrent dans l’année de la chèvre, le terme «transhumance» revient en boucle depuis quelques jours. Il faut dire qu’à l’occasion du Nouvel An chinois, près de 3 milliards de trajets sont attendus, à partir de ce jeudi. Les routes, gares, ports et aéroports du pays vont être pris d’assaut.
La tradition veut que les Chinois se retrouvent en famille, dans leur région natale. Mais pendant cette semaine de festivités, ils seront plusieurs millions à choisir une autre destination que les campagnes qu’ils ont quittées pour gagner leur vie dans les métropoles. Parmi elles, Hongkong, dans laquelle 8 millions de touristes sont attendus. Mais à Séoul, Bangkok, Tokyo, Dubaï ou Singapour, à New York, Londres, à Paris ou à Lucerne, les campagnes ciblées et les offres spéciales se sont multipliées, ces dernières semaines.
La chèvre à l’honneur
Après le dragon, en 2012, le serpent en 2013, puis le cheval l’an dernier, Piaget récidive en 2015, avec un modèle Altiplano, limité à 38 pièces, dont le cadran est décoré d’une chèvre. Mais la marque de Richemont n’est pas la seule à se mobiliser. Ulysse Nardin, par exemple, fait aussi partie des horlogers ayant décidé de dédier une pièce à ce signe du zodiaque, cette année. Tout comme, dans un autre segment, la marque Swatch. A Genève et à Zurich, les Chinois sont aussi attendus de pied ferme par Les Ambassadeurs, en cette fin de semaine. La chèvre habille en tout cas déjà les vitrines du détaillant multimarques.
Personne n’est en mesure de prédire l’effet de l’envolée récente du franc sur les ventes horlogères, durant cette période cruciale. Mais l’enjeu est assez important pour que plusieurs horlogers, dont Patek Philippe, pour la première fois de son histoire, décident de baisser les prix en Suisse. De son côté, Bulgari a mis en place une «protection» pour ses revendeurs en Suisse. Ceux-ci peuvent s’ajuster sur les tarifs européens, la marque prend la différence à sa charge pendant trois mois.
Pour l’horlogerie, comme pour toute l’industrie du luxe, la «fête du printemps» est une semaine à ne pas rater. Un sondage de Hurun, un institut de recherche spécialisé, montre que le shopping motive 60% des voyageurs chinois, lors de la réservation de leurs vacances. Et les chiffres sur les achats détaxés, publiés la semaine dernière par Global Blue, signalent que les dépenses des touristes venus de Chine ont encore augmenté de 18%, en 2014. Ils représentent désormais 30% du total du tourisme d’achat. Ils sont de loin les plus dépensiers, devant les Russes (14%) et les Américains (4%), selon la société vaudoise.
Un touriste sur 10 est Chinois
Nombre de professionnels et de spécialistes l’ont pourtant observé et répété, au cours de deux dernières années: la moralisation de la vie publique et politique, la lutte intensive contre la corruption et la volonté de bannir l’exposition ostentatoire du pouvoir et des privilèges freine la demande chinoise pour les produits de luxe. Depuis 2012, les exportations horlogères suisses à destination de la Chine ont reculé de 15,2%. Vers Hongkong, de 5,7%.
Mais, toujours selon Hurun, les Chinois dépensent jusqu’à trois fois plus d’argent lorsqu’ils sont en déplacement. Global Blue, aussi, se veut rassurante. En moyenne, c’est vrai, chaque touriste chinois débourse moins que par le passé, car il est moins fortuné qu’il y a quelques années. Mais «ils sont par contre de plus en plus nombreux à pouvoir s’offrir des vacances».
Ainsi, en 2014, 109 millions de Chinois ont voyagé à l’étranger, estime l’Organisation mondiale du tourisme (OMT). Leur nombre est en hausse de 10% en un an, deux fois plus que la moyenne mondiale de 4,7%. Désormais, autour du globe, un touriste sur dix est un Chinois.
Pour des raisons concurrentielles, Global Blue ne dévoile pas de chiffres absolus des dépenses des touristes. Mais d’autres estimations ne font pas mentir ceux qui considèrent que le tourisme d’achat est devenu le «6e continent» du secteur du luxe. D’après Vontobel, les achats réalisés par les touristes représentent 40 à 50% des ventes de montres en Europe. A Hongkong, plus de 80% des achats sont l’œuvre de Chinois en congé. La Suisse, elle, est dans le haut de la moyenne européenne. Mais à Lucerne ou à Interlaken, le poids des clients de passage dépasse 90%, selon l’analyste René Weber.
Servan Peca
letemps.ch |