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...et des gibiers de potence sado-masochistes ?
Dommage que Watch Anish confonde un peu la chair tendre et la viande froide ! Au-delà d'une certaine limite, la provocation fétichiste devient conformiste et bêtement répétitive. Dommage que certaines marques se croient encore obligées de se prêter à cette mascarade burlesque !
▶▶▶ Cette semaine, le Sniper du lundi a...
SOUPIRÉ EN NOTANT
le retour des ploucs du cul –
cette fois encore avec la complicité
des marques de haute horlogerie...
◉◉◉◉ MERCI DE NOUS FAIRE LA GRÂCE de ne pas nous prendre pour des pudibonds que la moindre petite culotte peut choquer. Merci de ne pas nous considérer comme des chaisières obsédées par le respect de la bienséance bourgeoise. Rien dans notre comportement ne peut légitimer un tel soupçon – ce serait même plutôt le contraire ! Donc, c'est au nom des intérêts collectifs de l'horlogerie que nous commentons, une fois de plus, les publications de Watch Anish, média horloger qui nous avait prouvé son incommensurable « bon goût » marketing en mêlant armes à feu, gros cigares, liasses de dollars et montres de luxe (voir notre information Business Montres du 1er février) : n'est pas Tony Montana qui veut ! Les images fautives avaient été rapidement retirées des réseaux sociaux, mais les marques avaient pour une fois réagi rapidement en signalant à Watch Anish que ça commençait à bien faire (rappelons aux lecteurs naïfs et innocents que ce genre de publication est financé par les marques)...
◉◉◉◉ MOYENNANT QUOI, WATCH ANISH RÉCIDIVE, cette fois avec l'alibi culturel de l'actualité du cinéma. Puisque le film Cinquante nuances de Grey fait un carton au box office, pourquoi ne pas mettre en scène des montres dans des saynettes inspirées par l'esprit sado-maso du scénario ? Effectivement, pourquoi pas, mais n'est pas Dakota Johnson qui veut. Ce n'est pas très original, ni particulièrement créatif (personnellement, nous aurions apprécié une mise en scène plus subtile autour d'Une merveilleuse histoire du temps, autour de la vie de Stephen Hawking), mais on ne peut pas demander à des « petites frappes de banlieue » (voir notre article précédent) d'être autre chose que des « ploucs du cul », qui frôlent l'orgasme au moindre string et qui considèrent que les montres sont des « sex toys » de substitution. Watch Anish se vautre là dans le conformisme ordinaire des provocations préméditées : les images que nous vous présentons restent relativement admissibles, même si elles relèvent plus de l'étal de boucherie que des traditions européennes de l'érotisme...
◉◉◉◉ CE QUI EST MOINS ADMISSIBLE, et guère plus compréhensible, c'est le comportement des marques qui continuent à ricaner de voir leurs montres associées par Watch Anish à l'humiliation des femmes et à des situations aux limites du supportable – même quand on peut admettre un zeste de piment dans ce qui se trame entre un homme et une femme adultes et librement consentants. Les marques, on les aura reconnues (Linde Werdelin, Urwerk, Bomberg, MB&F, HYT et les autres, pour ne pas les stigmatiser) : on espère qu'elles n'y sont pour rien dans cette mascarade – mais on a des doutes ! Encore une fois, nous n'avons rien contre une contextualisation glam-sexy de l'imaginaire lié aux montres, mais trop, c'est trop – même sans cigares, même sans flingues et surtout sans imagination. Avec un minimum de créativité, ces superbes créatures moscovites et leur photographe auraient pu témoigner, avec un soupçon d'intelligence culturelle supplémentaire, de l'éternelle intensité de la pulsion élémentaire qui permet de relier les hommes et leurs fétiches transactionnels de poignet. Hélas, on en reste au niveau du drap de dessous et de la menotte en vente chez Prisunic. On attendait David Hamilton – le plus hype des revenants de la photo coquine – ou Helmut Newton, mais il faut se contenter de cet Aleksandr Mavrin qui confond un peu la chair tendre et la viande froide : il y a des fessées qui se perdent (mais on ne pense pas à ces demoiselles !)...
◉◉◉◉ ATTENTION, CE PHOTOGRAPHE NE MANQUE PAS DE MÉTIER ! Il manque juste d'idées à mettre au bout de son métier. Courbes à damner un saint homme et messieurs à têtes de pope, mi-Raspoutine mi-Nicolas II. Culs sublimes et mains de zeks aux tatouages en forme de registre d'écrou. Parfait, mais un peu douteux à une heure où la Troisième Guerre mondiale est peut-être en train de s'amorcer dans le Donbass martyrisé. Peu importe, assez décodé ! Notons aussi que Watch Anish ne manque pas d'humour puisque les hashtags de cette série concernent directement Business Montres et le signataire de ces lignes : #ChilloutGreg (eh bien non, précisément, on n'a pas trop envie de se calmer !) ou #NoGirlsOrWatchesWereHarmedOrArmedInTheShoot (pour les filles, sans doute, puisqu'elles étaient tarifées ; pour les montres, pas sûr que ça ne ternisse pas leur image !)... Comme nous ne manquons pas non plus d'humour noir, une suggestion. Puisque Watch Anish, jamais en panne d'incitations à la transgression, a déjà coché la case « flingues + montres » et la case « sado-maso + montres », on ne peut que proposer à sa courageuse équipe de provocateurs du luxe de ne plus jouer petit bras. Une idée lumineuse et vraiment transgressive pour la prochaine série : cochez donc, dès que possible, la case « Caricatures du prophète Mahomet + montres de luxe ». Là, c'est avec un bouquet de AK 47 aux chargeurs bien graillés que les lecteurs enthousiastes viendront manifester leur émotion collaborative...
▶▶▶ Cette semaine, le Sniper du lundi a...
REPÉRÉ QUELQUES INFOS
qui méritent le détour
pour bien commencer la semaine...
◉◉◉◉ UNE PROMESSE : celle de vous raconter cette semaine l'extravagante histoire de la marque qui maltraite au-delà de tous les usages commerciaux un client qui vient d'acheter pour près d'un demi-million d'euros de montres de luxe...
◉◉◉◉ SPIRALE DÉFLATIONNISTE : consacrée aux réajustements tarifaires en cours dans les manufactures de montres, notre seconde Chronique de la débâcle (14 février) a commencé à faire quelques vagues. Sans forcément en mesurer les effets à court et moyen terme, Thierry Stern a ouvert une boîte de Pandore dont nul ne sait plus ce qu'il en sortira. Certes, la démarche est intelligente, puisqu'elle diversifie clairement les zones où baisser les prix et celles où il convient de les augmenter, mais a-t-on pensé aux détaillants Patek Philippe, dont la marge brute reste fixée au-dessous de 28 % ? Le discompte officiel pratiqué en Asie va mettre sous pression les concessionnaires européens de la marque, qui vont devoir sacrifier leurs marges pour vendre les pièces les plus courantes. Le différentiel Asie-Europe, voire avec les Etats-Unis, va donc cumuler le risque de spirale déflationniste et le risque de spirale négative dans les marges. Phénomène accentué par la structure actuelle de la distribution de la marque : hormis quelques grandes chaînes, qui peuvent sacrifier leurs marges sur des montres courantes pour se refaire sur des montres à complication (tout en gardant l'enseigne pour des raisons de prestige), quels partenaires indépendants pourront résister à cette double spirale ? Les volumes de vente vont mécaniquement diminuer, de même que les parts de marché. Ce qui va obliger Patek Philippe à développer son propre réseau de boutiques en nom propre – ce qui est tout aussi pénalisant à court terme et... réjouissant pour les concurrents qui ont déjà mis en place un tel réseau de distribution et une telle nouvelle structure de gestion des marges !
◉◉◉◉ MONTRES CONNECTÉES (1) : les géants de l'électronique qui tablent sur des ventes de plusieurs dizaines de millions de smartwatches dès le lancement de l'Apple Watch ont fini par comprendre ce que Business Montres explique depuis des mois ! À savoir qu'une montre connectée doit ressembler à une vraie montre (c'est-à-dire être conforme aux codes définis par les horlogers suisses), ce qui nous laisse penser, comme nous l'avons souvent écrit, que la prochaine révolution sur ce segment de marché ne sera sans doute pas technologique (tout le monde a les mêmes puces et les mêmes logiciels), mais plutôt esthétique. Sans attendre l'arrivée de l'Apple Watch, le mois prochain, LG propose sa nouvelle Full Metal Smartwatch, baptisée Urbane, sous Android (puce Qualcomm), avec de nombreuses fonctionnalités de santé et un style de vraie montre (ci-dessous). On est très loin des gadgets pour geeks de la première génération...
◉◉◉◉ MONTRES CONNECTÉES (2) : en tout cas, il est évident qu'Apple jettera toutes ses forces dans la prochaine bataille pour le poignet. Pour Tim Cook, l'Apple Watch est aussi stratégique que l'a été, dans le temps, l'iPhone (conférence Goldman Sachs). Pour Apple, il s'agit de créer un environnement global (et fermé) entre le téléphone, la montre et leurs innombrables applications. Cible principale de ces applications : le « paiement sans contact », qui rendra infailliblement les montres connectées indispensables au quotidien. Apple a toujours adoré changer la vie des utilisateurs de ses produits...
◉◉◉◉ PRÉCISION UTILE OU INUTILE : dans la course à l'hyper-précision, non des montres, mais des horloges atomiques, on était déjà dans très au-delà du milliardième de seconde, avec quelques milliers de siècles à attendre avant d'avoir une seconde de décalage. Une double horloge cryogénique s'annonce 1 000 fois plus précise que notre réseau international d'horloges atomiques au césium. Soit une seconde de décalage tous les 16 milliards d'années (2.0 x 10-18) – un intervalle de temps qui nous réexpédie avant la naissance de l'univers, le tout dans un épatant style cornet de glace (ci-contre). On n'a sans doute pas tout compris, mais vous pouvez toujours vous reporter à l'article scientifique de Nature ou de Riken (Japon) pour tenter votre chance à propos de cet art de refroidir le temps pour le rendre encore plus précis...
◉◉◉◉ LA ROULETTE RUSSE EN VERSION GLASNOST (Artya) : puisqu'on parle beaucoup de « transgression » et de « provocation » dans cette page, un coup de projecteur sur la dernière proposition d'Yvan Arpa pour Artya. La nouvelle « Son of a Gun Roulette russe Glasnost » (ci-dessous) est un bon exemple de provocation créative et maîtrisée. Certes, deux cartouches (6 mm Flobert) sont logées dans le boîtier transparent en ITR (Innovation Technical Resin), composite ultra-léger d'avant-garde, et un étui percuté de .357 Magnum est intégré dans le « cadran » en forme de barillet (il tourne à chaque mouvement du poignet), largement ouvert sur le mouvement mécanique squeletté : en soi, les allusions au monde des armes ne sont pas choquantes. Ce sont des allégories quasi-philosophiques – une sorte de vanité contemporaine – de la brièveté de la vie, de la présence permanente de la mort à nos côtés et de nos rapports avec le temps, considéré ici comme une sorte de « roulette russe » : une seule vie, une seule balle, tirée dès la naissance ! C'est l'objet du temps qui rend les armes inoffensives en les enfermant dans la transparence d'une montre. On est bien loin des Watch Âneries mises en scène par les Pieds-Nickelés d'une fausse transgression naïvement co-financée par les horlogers... |