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Véritables célébrations technologiques planétaires, les keynotes d’Apple s’entourent invariablement d’une forme de mysticisme. Hier, les adeptes de la marque attendaient leur nouvelle icône: l’Apple Watch (lire page 20). Succinctement présentée en septembre dernier, la montre intelligente a suscité un grand engouement entremêlé de quelques critiques. Depuis la (re)présentation d’hier soir, elle est vouée à devenir une référence dans le segment des objets connectés, des bijoux et du luxe dont la commercialisation est prévue dès le mois d’avril. Un timing très élaboré.
La stratégie commerciale d’Apple a démarré longtemps auparavant, avec la simple évocation d’un projet de montre connectée sans en dévoiler le contenu. Les rumeurs alimentent alors l’imagination et Apple bénéficie d’une publicité virale gratuite. La seconde phase du lancement de la smartwatch est essentiellement menée par des concurrents tablant sur leur rapidité. Ils tentent de doubler Apple en offrant des montres intelligentes. Les producteurs asiatiques Samsung, LG et Sony se positionnent sur ce marché sans toutefois remporter de grands succès. Motorola a également conçu une montre intelligente, et Huawei a dévoilé la sienne tout récemment au Congrès mondial de la téléphonie mobile à Barcelone. Les innovations sont toutefois en-deçà des attentes du public. Apple se mue alors en accélérateur et référence sectorielle sans commercialiser le produit, permettant le démarrage de la troisième phase.
Pour s’imposer durablement sur ce segment, l’Américain peut compter sur son image auprès des consommateurs, de ses followers loyaux, de sa présence sur les points de vente, de son aura, de sa puissance d’attraction. L’équipe de recherche Strategy Analytics a prédit qu’Apple «enflammerait» le marché dès le lancement effectif, et projette des ventes de 15,4 millions d’unités en 2015, couvrant 55% de parts du marché mondial. Soit le démarrage de la quatrième phase: la réalité économique.
Tout ce processus n’est possible que si Apple parvient à demeurer la référence sectorielle. La marque doit créer quelque chose d’exceptionnel autour de sa montre intelligente, comme savait si bien le faire Steve Jobs. Pour la première fois, le grand ordonnateur des miracles n’a pas présenté une grande nouveauté du groupe. Tim Cook est confronté à cette difficile épreuve: transformer une innovation en révolution. Si Apple ne parvient pas à s’imposer tout de suite comme leader, il n’est pas impossible que l’épisode de la Watch sonne le début d’un déclin très attendu de bien des compétiteurs.
Tiago Pires
agefi.com |