|
et espère un sursaut intelligent de la part des horlogers mécaniques…
Si Apple présente aujourd'hui officiellement sa smartwatch, l'industrie horlogère suisse marquera ce 9 mars d'une pierre noire. Les haruspices étrusques avaient prévenu Jules César, assassiné un 15 mars : « César, méfie-toi des ides de mars »...
▶▶▶ Cette semaine, le Sniper du lundi a...
NOTÉ QUELQUES INFOS
à la volée, en vrac, en bref
et en toute liberté éditoriale...
◉◉◉◉ EST-CE LE GRAND JOUR POUR L'APPLE WATCH (1) ? À vrai dire, personne n'en sait trop rien, mais Tim Cook a prévu aujourd'hui une communication à la presse, qui devrait logiquement concerner l'Apple Watch, annoncée dans les boutiques Apple pour le début d'avril. Révolution ou pas révolution pour les objets de poignet, déception ou pas déception des amateurs, enthousiasme ou pas enthousiasme des aficionados de la marque, on ne va de toute façon parler que de ça dans les médias spécialisés de la planète électronique, mais aussi dans les médias grand public et enfin dans les médias horlogers – qui ne peuvent passer à côté, aussi ronchons soient-ils vis-à-vis de la carpo-révolution. Ce qui va sérieusement oblitérer toutes les annonces de la première semaine de Baselworld, notamment les conférences de presse de mercredi, jeudi et vendredi. Après, ça devrait aller mieux, mais, du fait du lancement de l'Apple Watch, toutes les initiatives horlogères – entre trente et quarante côté suisse, plus une petit vingtaine ici et là – devraient passer pour de simples ripostes à la smartwatch d'Apple, et non comme des résolutions offensives. C'est ici qu'on va regretter d'avoir pris deux ans de retard, la caste dirigeante de l'industrie ayant décidé – merci, MM. Hayek et Biver – qu'il n'y avait rien à redouter de ces vulgaires « gadgets électroniques » dont l'obsolescence programmée était aussi ridicule dans leur prétention du luxe que leur autonomie quotidienne...
◉◉◉◉ LE JOUR DE L'APPLE WATCH (2) : nous n'allons pas reprendre ici tous nos articles publiés depuis une trentaine de mois sur l'Apple Watch, mais seulement leurs conclusions générales, qui n'ont guère varié. Il s'agit bien d'une offensive majeure pour l'occupation du poignet, non pour en expulser les montres suisses, mais parce que c'est l'espace le plus pratique et le plus personnel pour analyser ses propres flux biologiques (paramètres de santé et d'activité) et pour prendre connaissance de sa connexion personnelle à un environnement d'objets communicants ( messageries, réseaux sociaux, paiements et autres applications). Pour être esthétiquement loupée face aux dernières générations de smartwatches (LG, Huawei, Withings ou WinWatch), l'Apple Watch 2015 n'est sans doute qu'un galop d'essai pour occuper le terrain et prendre des parts de marché : la concurrence ne va plus jouer sur les montres elles-mêmes (hardware), mais sur les applications (software) les plus innovantes et les plus rémunératrices pour Apple, Samsung et les autres. Concurrence où l'industrie suisse va faire figure de parent pauvre avec ses modestes capteurs d'activité (nous réservons notre pronostic sur l'initiative Bvlgari d'un « coffre-fort de poignet » : Business Montres du 6 mars), à moins que de mirobolants projets inconnus soient dans les tiroirs, mais on peut en douter. Même certains horlogers vendront des Apple Watch ! Il faut donc s'attendre à une puissante commotion – un « tsunami », dit-on chez Apple – qui peut très vite tourner à la débâcle pour l'horlogerie suisse, débusquée de son espace d'expression habituel (le poignet), débordée dans sa légitimité d'unique accessoire d'ostentation statutaire et dépassée sur le plan technologique. Nous maintenons notre pronostic d'une diminution des volumes de 60 % d'ici à 2020...
◉◉◉◉ LANCEMENT DE L'APPLE WATCH (3) : ce qui ne veut pas dire que, pour les beaux-arts de la montre, tout est perdu fors l'honneur (d'ailleurs déjà perdu dans les obsessions mercantiles de ces dernières années, ce qui règle la question). Au contraire, une nouvelle page de l'histoire des montres vient de s'ouvrir, avec le nouveau défi d'une créativité accessible, déjà en pleine fermentation du coté des opérateurs indépendants et des « petites marques ». La meilleure réponse aux smartwatches lancées par les géants de l'électronique viendra de plusieurs directions : des femmes (qui seront les premières à adopter les montres connectées au quotidien, mais qui les mixeront avec des bijoux et des montres classiques, parce qu'elles ont beaucoup mieux apprivoisé que les hommes la culture de la parure non fonctionnelle) ; des jeunes créateurs de concepts exaltants (capables de réenchanter le quotidien en inventant des montres intelligentes ludiques et porteuses d'autres valeurs que celles de la fonctionnalité pure) ; des générations X et Y, disons les moins de 35 ans (qui ne portent pas de montres, mais qui vont reprendre goût aux purs objets de parure dès cette classe d'âge aura l'obligation de porter des montres connectées fondamentalement utilitaristes) ; des marques d'entrée de gamme (vendues à des prix inférieurs à ceux des montres connectées, ces montres vont devoir faire preuve d'originalité et de non-conformisme) ; enfin, de tous les amoureux de la mécanique – et ils sont nombreux – qui subissent la fascination de tous ces rouages qui donnent un goût différent au temps qui passe et qui constituent la réponse la plus apaisante qui soit (parce que la plus hypnotisante, donc la plus lénifiante) aux angoisses nées d'un quotidien hyper-technologisé aiguillonné par le culte de la performance et du just in time. Les montres mécaniques ne mourront que si elles s'abandonnent à leur vertige industriel (en renonçant à la main de l'homme qui les façonne) et à leur dérive marchande comme dans les années de bulle. Les smartwatches vont ébranler les colonnes du temple, au risque de nous écraser : avec la volonté de survivre, nous allons y perdre des volumes, mais peut-être y regagner une âme et des raisons d'être...
◉◉◉◉ AU FAIT, C'EST QUOI EXACTEMENT, UNE SMARTWATCH, UNE MONTRE OU PAS UNE MONTRE ? Ne rigolez pas, mais les douaniers suisses n'en savent rien ! Si bien qu'on ne peut pas aujourd'hui savoir combien la Suisse a importé ou exporté de montres connectées... Dans quelle catégorie statistique va-t-on classer les dizaines de millions de montres connectées qui vont se déverser sur le marché : comme objets horlogers ou comme objets électroniques ? Même à la FH suisse, on n'en sait encore rien – alors qu'on parle là d'un minimum de centaines de milliers de pièces importées ou exportées dans l'année à venir : le choix le plus probable sera d'en faire des montres à part entière, dans la catégorie « montres électroniques » (quartz). Ce qui va terriblement alourdir l'actuel déséquilibre statistique entre pièces mécaniques et montres à quartz. Sans résoudre le problème des montres connectées purement numériques, qui seront suisses de naissance, mais sans Swiss Made réglementaire puisqu'elles n'auront pas de mouvement (et qu'une montre « suisse » doit impérativement avoir un mouvement, selon l'ordonnance sur le Swiss Made : Business Montres du 16 janvier dernier). L'Organisation mondiale des douanes (Bruxelles) n'a pas encore tranché sur cette catégorisation des smartwatches, mais on attend une décision avant l'été. Promis !
|