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Le groupe Movado a des projets de smartwatch mais joue l’attentisme. Le patron, Efraim Grinberg, exclut tout désinvestissement en Suisse, malgré le franc fort
D’un côté, il y a Lacoste et Hugo Boss. De l’autre, on trouve Scuderia Ferrari Orologi ou Tommy Hilfiger. Dans l’aile sud du salon Baselworld, toutes ces marques possèdent leur propre stand. Mais elles sont commercialisées par un seul groupe: Movado.
Efraim Grinberg, patron de la société américaine cotée au Nasdaq – qui pilote aussi des marques en propre (Ebel, Concord ou Movado) – revient sur les résultats du groupe, jugés décevants, et les ambitions concernant, notamment, les montres connectées.
Le Temps: L’an dernier, vous déclariez attendre des ventes en progression de 10,7% pour l’année 2014. Mais lors de la publication de vos résultats sur les neuf premiers mois de l’année, en novembre, le chiffre d’affaires grimpait seulement de 3,4% (à 453,1 millions de dollars). Que s’est-il passé?
Efraim Grinberg: Nous sommes toujours en croissance. Mais comme vous le constatez aussi chez d’autres marques, elle est plus faible que prévu, pour tout le secteur. Nous voyons bien que les détaillants sont plus prudents dans leurs achats. L’économie mondiale et les sursauts sur les devises ont pris tout le monde de court. Sur l’année, nous aurons une croissance à un seul chiffre.
– L’objectif d’atteindre des ventes de 750 millions de dollars en 2017 est-il encore atteignable?
– Vraisemblablement pas. Cela sera pour plus tard.
– Qu’en est-il de la montre connectée? Est-ce un thème chez Movado?
– Il s’agit d’une technologie qui n’en est encore qu’à ses balbutiements. Chez Movado, nous sommes en train d’investir avec des partenaires très sérieux, dont je ne vous donnerai pas l’identité. Par ailleurs, nous avons engagé il y a quelques mois une femme qui s’occupe exclusivement de ce projet.
– Laquelle de vos marques sera la première à lancer un modèle connecté? Et quand?
– Movado. Mais nous le ferons quand la technologie nous permettra de proposer une montre qui, esthétiquement parlant, tiendra toujours les mêmes promesses que maintenant.
– Ferrari était l’un des premiers constructeurs à signer un arrangement pour intégrer la technologie d’Apple dans ses voitures. Y a-t-il une marque de votre groupe qui se prête davantage que les autres à la connexion?
– Il y a des opportunités chez toutes les marques. Mais il faut se demander exactement ce que veulent les gens. Vous croiserez beaucoup de personnes, ici à Baselworld, qui lancent des montres connectées juste pour attirer les regards. Selon moi, c’est encore trop tôt.
– A l’époque, Movado avait suivi de très près l’arrivée des montres à quartz. Selon vous, est-ce que les smartwatches provoqueront le même séisme?
– C’est différent, cette fois-ci. Je pense que les modèles classiques et connectés occupent des espaces bien différents. Ce sera complémentaire, il y aura toujours de la place pour les montres normales. Les montres connectées pourront être utilisées lors d’une partie de golf, ou pour faire de l’exercice. Personnellement, je ne porte pas la même montre en faisant du sport ou lorsque je porte un
costume.
– Le groupe Movado emploie 1300 personnes, donc 250 en Suisse, notamment à Bienne. Est-ce que le franc fort remet en question votre attachement à la Suisse?
– Vous savez, le franc est fort face à l’euro, mais nos comptes sont en dollars. Et face à la devise américaine, le franc reste à des niveaux acceptables. Nous continuons à réaliser des investissements en Suisse. Ces dernières années, nous avons beaucoup investi à Bienne, par exemple avec deux nouveaux bâtiments.
– Le franc fort vous pousse-t-il à envisager du chômage partiel? Ou à revoir vos prix à la baisse, comme d’autres marques?
– Nous n’envisageons pas de chômage partiel, ni même de biffer des postes en Suisse. Tous nos employés sont bien occupés et nous recrutons aux quatre coins de la planète. Nous cherchons depuis des années un équilibre de nos prix dans les différents pays. Mais puisque nous n’avons pas suivi le mouvement de ces dernières années, où certains ont choisi d’augmenter leurs prix, nous sommes très confortables avec nos prix actuels.
– Votre gamme de prix est très large. Quel est le segment le plus porteur?
– Nous sommes très forts entre 100 et 500 euros. La marque Movado, elle, est dans l’entrée de gamme du luxe avec des prix entre 350 et 3000 francs.
– Vous possédez de nombreuses marques bien distinctes. Cela ne provoque-t-il pas une forme de schizophrénie au sein du groupe?
– Au contraire, cette diversité fait la beauté de l’exercice. Nous avons des marques qui s’adressent à des clients bien différents, il n’y a pas de cannibalisation. Leur ADN est bien spécifique: les montres Ferrari s’inspirent des voitures de course, Lacoste, c’est le tennis et les polos, etc.
– Avez-vous pour objectifs d’acquérir de nouvelles licences?
– Toutes nos marques jouissent de perspectives fantastiques.
– A l’inverse, êtes-vous souvent approché par des marques désireuses de se diversifier dans l’horlogerie?
– Pas tous les jours, mais très très souvent.
Valère Gogniat et Servan Peca
LE TEMPS
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