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HAUTLENCE : L’heure de la différence
 
Le 06-12-2007

Passionnés de belles mécaniques, les fondateurs de HAUTLENCE trempent leurs garde-temps dans des sources d’inspiration diverses. Et puisqu’ils parlent de bielles, pourquoi ne pas évoquer l’automobile?

Guillaume Tetu et Renaud de Retz ont écouté leur cœur. Trop conventionnelle à leur goût, l’industrie horlogère a poussé ces deux Français à concrétiser la montre de leur rêve, et surtout leur propre mouvement, à embiellage. Une approche et un nom — Hautlence, anagramme de Neuchâtel qui honorent aussi le savoir-faire de l’arc jurassien. Du choix de leur emblème à leurs développements futurs, en passant par leur volonté d’indépendance, les deux entrepreneurs dévoilent les raisons d’une notoriété grimpante.

R.A. (un atelier en vieille ville de Neuchâtel, mais des locaux finalement très exigus?
GUILLAUME TETU C’est l’aspect « start up»; pas le temps pour la décoration.
RENAUD DE RETZ Les clients et partenaires sont ravis. Lors de leur visite, ils peuvent apprécier notre manière de travailler. Face à des garçons de 30 ans, français, ça les rassure.

Vous parlez de partenaires. Vous sous -traitez beaucoup?
G.T.
On s occupe de la conception, de la mise au point, de l’assemblage et du contrôle. On ne fait pas de copeaux (réd. usinage); pas encore. Nous avons un parterre d’environ 40 artisans partenaires de la région, de Fleurier à Porrentruy (80% de notre production) et de Genève à Bâle (20%).

Pourquoi partir de zéro avec une nouvelle marque?
R.R.
On est parti sur un délire, sur des principes techniques extérieurs à l’horlogerie, que l’on voulait retranscrire dans une montre. Sans se soucier de la faisabilité. Guillaume est passionné de design, d’architecture. Moi du travail du son, d’automobile. Nous ne prétendons pas révolutionner le domaine: nous n’avons rien à apprendre aux autres. Mais c’est dommage que le poids historique de marques établies les pousse à ne rien changer. Si ce n’est modifier un cadran, ajouter un diamant. Nous avons tenté l’aventure à notre modeste niveau, à nos risques. Mais on ne voulait pas créer une marque à tout prix.

A quand remonte le projet?
R.R.
En 2001, de manière informelle. Trois années de réflexion ont suivi jusqu’à la fondation, en septembre 2004. Avec deux éléments fédérateurs: un affichage de l’heure différent et une belle mécanique, originale. La commercialisation de la collection HL (huit modèles) a débuté en octobre2005, celle de la HLS (neuf modèles) en octobre 2007.

Quel était le défi le plus difficile à surmonter?
G.T.
Créer le moteur. Très peu de marques horlogères conçoivent leurs mouvements. Nous avons notre propre mouvement, avec uniquement une base de rouages standard. Mais on a refait le carter. Sur les futurs calibres, tout sera spécifique. Il fallait trouver des horlogers de métier indépendants, les fédérer autour du produit. Nous-mêmes avons un «background» horloger. Jaeger-LeCoultre et Longines pour Renaud, Tag Heuer et Rolex pour moi. Mes compétences en CAO (conception assistée par ordinateur) m’ont fait rencontrer un concepteur de mouvement, à l’origine de notre premier calibre.

L’Arc Jurassien, une région incontournable pour mener ce projet ?
R.R.
Pas incontournable. Mais ceux qui nous ont accompagnés depuis le début sont Suisses. Notre marque insiste sur ce lien géographique. C’est important. Au contraire d’autres, on ne voulait pas communiquer sur notre nom, car aucun horloger ne réalise une montre de A à Z.
G.T. On préfère rendre hommage aux passionnés de la région. De la femme qui coud les «alligators» (réd. bracelets) à celui qui angle. Notre catalogue présente plus de 45 artisans. En revanche, on ne signe pas ‘Swiss made»! Ce label n’est en rien un gage de qualité.

Il traduit maI le «100% suisse» de vos montres?
G.T.
Le «Swiss made», c’est 50% de la valeur du mouvement, le contrôle final et la dernière opération en Suisse! On peut donc tout faire en Chine et confier l’assemblage à des ouvriers albanais au fin fond du Tessin! On préfère offrir au client une loupe d’horloger dans l’écrin, afin d’ausculter les finitions, Même à Singapour, l’amateur est capable de déceler si le décorateur travaille à La Chaux-de-fond. ou dans la Vallée de Joux!
R.R. Comme il n’y a pas deux marques qui donnent la même définition du ‘Swiss made», on signe «horlogerie suisse».

Les marchés émergents profilent à l’automobile de luxe comme à l’horlogerie. Mais quelle recette appliquer pour s’assurer une prospérité à long terme?
G.T.
L’amour du travail bien fait. En cas de crise on ne peut pas vendre du marketing.

Combien d’unités produisez- vous et quelles sont vos perspectives de croissance?
G.T.
400 montres depuis 2005. On table sur 300 unités en 2008. Et un peu plus à l’avenir, mais pas 5000!

Pourquoi produire 88 exemplaires de chaque modèle ? Vous entretenez une pénurie volontaire, comme certains constructeurs automobiles?
R.R.
On assure plutôt une pénurie involontaire! La demande est importante.
G.T. On serait heureux de pouvoir livrer 30 montres par mois.

Et pourquoi le nombre 88?
G.T.
On joue sur les symboles; le ruban de Moebius, notre logo, évoque l’éternité, l’infini.
R.R. 88 est un nombre porte- bonheur en Asie. Et comme c’est inférieur à 100, ça reste très exclusif.
G.T. Au début, on voulait faire 58 pièces et baptiser la marque Evole, car j’habitais rue de I ‘Evole 58... Voyez l’importance qu’on portait au «branding»! Mais 58 est un signe de mauvaise fortune en Chine.., Pas terrible quand ce chiffre apparait sur toutes les montres!

Répondez-vous à des commandes spéciales?
R.R.
Oui, pour des couleurs de cadran spécifiques. Ou des «serti» (réd. montres serties de pierres), mais pas à plus de 8 ou 28 exemplaires. On préfère la mécanique.

Quelles sont les matières les plus prisées actuellement?
G.T.
Le platine, l’or gris et rose et le titane. On propose aussi du DLC, un revêtement extra dur en carbone amorphe vaporisé. Le même qu’on utilise, dans l’automobile, pour durcir des arbres. Inrayable, il a un aspect mat et sombre qui séduit.

Trouvez-vous ces matériaux de pointe dans la région?
G.T.
Oui. Auprès de sous-traitants actifs également dans le secteur médical et l’automobile. De même, beaucoup de décolleteurs travaillent pour ces trois industries.
Qu’est-ce qui coûte le plus cher dans une HAUTLENCE?
G.T. La main-d’œuvre et le développement, soit 70% du coût total, à parts égales. Puis 30% dans l’or et les matériaux.
R.R. Pour nous, aujourd’hui, il est difficile d’arrêter un prix de vente. A 50’000 francs, on est parait-il agressif. Mais à 80’000, ce qui aurait été envisageable, il était plus difficile de nous justifier. Notre fourchette future s’établira vraisemblablement de 30’000 à 150’000 francs. Avec du sertissage, ça petit monter à 500’000 francs.

Quels sont les prix sur ce segment du high-tech exclusif?
G.T.
De 70’000 à un million de francs. Dans le très haut de gamme artisanal, Patek Philipe propose une fourchette bien plus large, de 15’000 à … pas de limite!

Une HAUTLENCE, est-ce le rêve unique d’un client, ou le chaînon manquant de sa collection?
R.R.
Le collectionneur de produits classiques, Patek ou Lange & Sohne, peut désirer un produit complémentaire, différent. Mais une HAUTLENCE est aussi un bijou personnel, qui colle à une personnalité. Bien qu’elle puisse paraitre grosse, il s’agit d’une petite montre sur le marché actuel.

On retrouve dans votre vocabulaire les termes de carter, échappement, bielles. L’automobile n’est pas loin...
R.R.
On s’intéresse aux industries évolutives: l’automobile, le médical, l’aéronautique.
G.T. L’automobile est un produit complexe, dont la force de frappe alimente notre imagination. Les énergies hybrides par exemple... Imaginons, Pourquoi pas, une montre qui fonctionnerait grâce à la chaleur humaine, au rythme cardiaque! Pour la mécanique en revanche, tout a été inventé au XVIIIe siècle, avant la révolution industrielle; l’échappement, le spiral. Notre but, c’est de reprendre des applications d’autres domaines, c’est tout.

Imaginez-vous un cardan ou un différentiel dans une montre ?
G.T.
Un train épicycloïdal, des pignons, un système à «bielle manivelle», Nous les intégreront dans les prochains mouvements!

Il existe une montre avec une courroie de «distribution» n’est-ce pas?
R.R.
Oui, la Monaco V4 de TAG Heuer.

Les partenariats entre automobile et horlogerie sont monnaie courante. Etes-vous séduits?
R.R.
Nous avions envisagé un tel rapprochement avec deux marques automobiles, dont l’approche artisanale collait à la nôtre: Pagani — avec des contacts à la clé — et Spyker. Mais tout bien réfléchi, il n’y avait pas de légitimité à un «cobranding». Pourquoi le client d’une Zonda achèterait-il forcément une HAUTLENCE?

L’histoire de l’horlogerie suisse remonte aux huguenots français. Revendiquez-vous une créativité tricolore?
R.R.
Non. Notre originalité tient au fait que nous ne sommes pas horlogers de métier. Ceux-ci raisonnent surtout en heures- minutes-secondes centrées». Le reste ne peut pas jouer!
G.T. Le plus beau compliment à mon adresse vient d’un ami rugbyman, actif dans l’horlogerie: «Ta montre, c’est vraiment une montre de frouze!» Venant de lui, ça signifiait: elle en jette, elle est sans concession!

Vous vous distinguez avec l’heure sautante et la minute rétrograde. Mais pouvez- vous assurer le même niveau de fiabilité, de précision, que les montres conventionnelles?
G.T.
Nous répondons en termes de précision, aux critères de tolérance en vigueur pour toutes les montres mécaniques manuelles. Nous n’allons pas au- delà.
R.R. Le marché est implacable. Sans la fiabilité, la finition et la justification du produit, on ne serait plus là. Une HAUTLENCE n’est pas extrêmement compliquée; nous ne sommes pas partis dans un tourbillon. C’est une «heure-minute-seconde». Avec une garantie de trois ans.
G.T. On a fait développer de petits bancs d’essai afin de tester au mieux nos produits sur cinq ans de .porté. On utilise la CAO, la simulation 3D et les bancs pour vérifier la bonne marche des prototypes. L‘affichage actionné par des bielles, qui relient deux complications, offre une alternative de lecture unique et brevetée. Nos solutions techniques — masselotte en or, glissières en nickel — sont très pointues.

A quoi ressemblent ces bancs d’essai?
G.T.
Ce sont de petites platines sur lesquelles on teste des pièces, des fonctions particulières du mouvement. Il s’agit d’intégrer une complication dans des pièces standards, pour valider sa cinématique. Comme pour un moteur de voiture ou une boite de vitesses. L’autre méthode consiste à tout assembler et tester le mouvement final. Pas nous, et certainement ni Rolex ni Patek. Notre approche élément par élément est très «automobile». L’endurance fait par contre l’objet de tests au niveau du mouvement global.

Peut-on qualifier les HAUTLENCE de montres «design»?
R.R.
Seulement si l’on se réfère à la vraie définition du design: joindre la forme à la fonction.
G.T. Nous avons d’abord dessiné le mouvement avec le jeu de bielles. Puis derrière, pour l’étanchéifier, on a construit une boîte «tonneau» qui épouse ses formes. Et qui rappelle un classique des années 50. Mettre un mouvement rond dans un «tonneau» serait un simple exercice de style.

Peut-on parler de «plateformes communes» chez HAUTLENCE?
G.T.
Non. A part le rouage que nous développons et qui équipera tous nos calibres. Ce rouage nous coûtera plus cher mais nous offrira encore plus d’indépendance.

Plutôt que créer une marque nouvelle, avez-vous songé à relancer un nom disparu?
R.R.
Tout à fait. Mais on ne voulait pas gérer un passé, ni ce qui pouvait rester en boutique. Avec un nom nouveau, pas besoin d’expliquer nos choix. Mais dans tous les cas, attention à la trésorerie!

Si vous vous étiez lancés dans l’automobile, vous auriez créé une marque de toutes pièces, ou relancé un nom comme Delahaye?
R.R.
Il faut se faire plaisir, avec une approche authentique qui se ressente dans le produit. Mais, dans l’automobile, les «gros» verrouillent. Quant aux réseaux de distribution et au service après-vente, ils doivent être bien plus développés que dans l’horlogerie. Le défi paraît difficile dans les deux cas.

Il y a prolifération de petites marques horlogères. Sont-elles aussi éphémères qu’en automobile?
R.R.
Le luxe— dont la définition nous échappe souvent — est un miroir aux alouettes. Beaucoup de marques visent de grosses marges, sans origines horlogères ni produits d’intérêt. Sur 14 noms nouveaux présents à Bâle en 2005, il n’en subsiste aujourd’hui que 4 ou 5. Pour vendre des montres de ce prix (50’000 à 60’000 francs) à Singapour, le réseau de distribution et les partenaires commerciaux doivent participer activement à la promotion de la marque. Même sans vouloir briguer la notoriété de TAG Heuer, Rolex.

Vous-même, restez-vous fidèle à une certaine idée d’exclusivité dans vos choix de vie?
R.R.
J’ai commandé une Mercedes SLK, un plaisir un peu égoïste. J’aime bien les objets tendance.
G.T. Je suis plus pragmatique, plus «break diesel»...

Peut-on, parler de complémentarité entre vous?
R.R. & G.T.
Complètement, mais on s’engueule souvent! Les collaborateurs, les partenaires proposent aussi leurs vues, en respectant les principes de belle mécanique et de différence.

Développez-vous actuellement d’autres produits?
G.T.
Oui, une déclinaison de la HL, avec la date et un mouvement rond. Puis une collection inédite pour fin 2008, avec un nouveau mouvement, des liens mécaniques spécifiques et un nouvel affichage. Nous envisageons aussi un mouvement automatique.

Exposerez-vous vos modèles à la foire de Bâle en avril?
R.R.
Bien sûr, et au SIHH de Genève! Mais on a préféré décorer une brasserie, à 50 mètres de la halle. Si on nous propose un emplacement décent à un prix qui n’est pas exorbitant, on s’installera au milieu des grands. Pour des volumes de 300 à 350 pièces par année, on doit asseoir la marque, testé d’autres Salons, à Las Vegas, à Bahreïn, au Qatar ou à Singapour.

La Revue Automobile par Raphaël Leuba

 



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