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C'est à Fleurier dans le canton de Neuchâtel que l’horloger Michel Parmigiani, soutenu financièrement par la Fondation Sandoz, a posé les premiers jalons de sa manufacture. Des origines revendiquées haut et fort par Jean-Marc Jacot, délégué de la Fondation Sandoz et patron de Parmigiani. Il faut dire que le Val-de-Travers a bien changé en l’espace de dix ans: tombée aux oubliettes dans les années 70, cette terre horlogère mythique a retrouvé un second souffle sous l’impulsion de Parmigiani. Aujourd’hui, alors que la société a créé 450 emplois à Fleurier, de nombreuses grandes marques sont venues implanter des unités de production. «Nous sommes très fiers d’avoir contribué au dynamisme économique de cette région», explique Jean-Marc Jacot.
Joli parcours que celui de cette petite marque indépendante aujourd’hui courtisée par les plus grands. Restaurateur de montres et d’automates – notamment pour la famille Sandoz –, horloger créateur de génie, Michel Parmigiani entame en 1996 avec l’appui de l’amateur d’horlogerie Pierre Landolt le développement de sa propre marque. Objectif: effectuer une relecture du passé pour aboutir à un concept d’horlogerie contemporaine.
Pôle industriel envié
Très vite, l’investissement porte ses fruits. Produisant seulement 400 pièces par an, Parmigiani entame à l’aube de l’an 2000 une nouvelle orientation stratégique qui, aujourd’hui, prend des airs de coup de génie: la verticalisation. «Nous avons anticipé les difficultés de production des mouvements. A l’époque, l’industrie ne pensait pas qu’elle devrait si rapidement faire face à ce genre de pénurie. Ici, la main-d’oeuvre était disponible. Nous avons saisi l’opportunité», note le patron de la marque.
Bien lui en a pris: en sept ans, Parmigiani a acquis un statut de manufacture à part entière avec des unités de production maintenues dans les lieux d’origine des métiers afin de faciliter la transmission du savoir-faire. La société fabrique en effet la quasi-totalité des composants de ses montres dans ses ateliers, de l’horlogerie (Fleurier) à l’habillage (La Chaux-de-Fonds) en passant par le décolletage et la micromécanique (Jura). Un véritable pôle industriel, baptisé Vaucher Manufacture, lui conférant une indépendance que d’aucuns désormais lui envient. «Nous avons chaque semaine des contacts avec des horlogers qui s’inquiètent des réductions de livraisons d’ébauches par l’entité du groupe Swatch ETA. Mais de notre côté, nous ne pouvons pas non plus répondre à une telle demande», regrette Jean-Marc Jacot.
Capital sympathie
Il n’empêche. Produisant au total quelque 10 000 mouvements par an, Vaucher fournit un certain nombre d’horlogers, dont les marques Richard Mille, Corum ou encore Hermès. Au printemps 2007, le groupe français de luxe s’est d’ailleurs emparé du quart du capital de Vaucher Manufacture, donnant ainsi à Parmigiani un soutien financier conséquent pour développer son outil industriel. Autant dire que la jeune marque peut partir sereinement à la conquête de l’horlogerie de luxe. Sereinement mais discrètement. Fidèle à l’esprit de la Fondation Sandoz, Parmigiani pratique la politique des petits pas en soignant le développement de sa collection phare Kalpa. Et préfère miser sur une communication faite de sponsorings d’événements grand public plutôt que sur le tapeà- l’oeil (voir encadré). «Nous ne faisons pas appel à des stars, nous préférons devenir une marque populaire au sens noble du terme, à l’image de Ferrari. Cette marque est hors de prix pour la plupart des gens, et jouit pourtant d’un capital sympathie gigantesque. C’est exactement notre objectif», sourit le patron dynamique.
Grandes ambitions
Un défi en phase d’être relevé, suite à l’énorme succès du partenariat de la marque avec le Festival Jazz de Montreux l’été dernier. Avec une croissance de son chiffre d’affaires 2007 de l’ordre de 50% ainsi qu’une production établie à 5000 pièces dans le segment du très haut de gamme – prix moyen d’environ 50 000 francs pour les montres mécaniques –, Parmigiani jouit désormais de la reconnaissance d’un public averti, d’un portefeuille de clients étoffé et d’une demande toujours plus forte sur des marchés équilibrés. Une bonne raison pour nourrir de grandes ambitions pour les années à venir: une multiplication par deux tant dans le secteur des ventes que celui de la production.
Arriver à s’en sortir sans le «swiss made»
Vous prônez un renforcement drastique du «swiss made», bien plus dur encore que celui recommandé par la Fédération horlogère suisse. Pour une manufacture autonome comme la vôtre, ce n’est pas un peu facile de tenir ce discours?
Certes, mais l’enjeu n’est pas là. Il faut arrêter de sacraliser le «swiss made», et trouver d’autres formules pour ceux qui ne peuvent faire du 100% suisse.
C’est-à-dire?
Prenez la marque allemande Lange Sohne, qui excelle dans la haute horlogerie. C’est la preuve que l’on n’a pas besoin d’être suisse pour être réputé dans le luxe. Je citerai également l’exemple de Rolex: aujourd’hui, les gens n’achètent pas une Rolex pour le «swiss made», mais parce qu’il s’agit d’une Rolex.
Quelles sont alors les solutions pour les petites marques helvétiques qui ne pourront pas revendiquer ce label?
L’horlogerie se focalise trop sur cette appellation qui, désormais, fait peur.
Les exemples que je viens de citer montrent que si l’on dispose de produits de bonne qualité ainsi que d’une stratégie marketing bien pensée, on peut s’en sortir. La réflexion doit se faire dans le sens d’une dédramatisation du «swiss made».
Voler toujours plus haut pour séduire les Suisses
Soignant son image populaire en Suisse, Parmigiani sponsorise depuis quatre ans la Semaine internationale de ballons à air chaud. Organisée à Château-d’OEx, cette manifestation donne la part belle aux montgolfières qui s’affrontent devant le public dans des shows aériens souvent spectaculaires. Dynamisée par la présence de la marque horlogère, la compétition recueille un succès grandissant auprès de la population suisse.
Fêtant ses 30 ans cette année, l’événement met en place, outre les défis des montgolfières, un grand spectacle son et lumière lors du dernier week-end. La prochaine édition aura lieu la semaine prochaine.
Tribune de Genève / Florence Noël |