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ROLEX : de l'importance d'être constant
 
Le 28-03-2008

IL Y A quelques années, un journaliste suisse, spécialisé dans l'horlogerie, eut la drôle d'idée de vouloir écrire un article sur Rolex. Il en fit la demande et on lui répondit gentiment : « Nous préférerions que vous n'écriviez rien sur nous. Nous allons passer de la publicité dans votre magazine mais, pour autant, ne vous sentez pas obligé de parler de nous dans vos pages. »

Dans un secteur où les pressions vont plutôt dans l'autre sens, le malheureux journaliste en resta interdit. Ce qu'il prit pour de l'arrogance de la part de l'horloger n'était que de la prudence frappée au coin du bon sens helvétique : pourquoi prendre le risque de voir des inepties écrites alors que la fiabilité des montres parle d'elle-même ? Comment exposer ses performances économiques quand on est régi, selon le voeu du fondateur de l'entreprise, Hans Wilsdorf, par une fondation qui ne publie jamais ses comptes et dont les statuts stipulent que ni les actions qui composent le capital de Rolex, ni la société elle-même ne peuvent être cédées à un tiers ? Pourquoi enfin dévoiler impudiquement les entrailles de ses mécanismes horlogers lorsqu'on a construit sa crédibilité sur un petit boîtier « fermé comme une huître », l'Oyster, imperméable par nature à la transparence, étanche par essence à l'inconstance du monde extérieur ?

Ainsi, dans un marché en pleine expansion, qui voit les marques se succéder et les modes se bousculer, Rolex fait de la résistance par sa constance. Le Genevois n'a jamais cédé à la vogue des montres à complications, pas plus qu'à la course à la prouesse horlogère. Il ne se soucie pas davantage de la lutte acharnée que se livrent les collectionneurs du monde entier pour décrocher une Daytona Paul Newman d'époque ou la toute dernière Milgauss dont les listes d'attente - infinies - tiennent du supplice de Tantale. Peu lui chaut les éventuelles répercussions sur son image du tapage médiatique qui a associé, il y a peu, son Oyster à une présidence qualifiée de bling-bling. « Le grand public projette beaucoup de choses sur nos produits. Et oublie que notre vocation a toujours été de ne pas déroger aux principes fondateurs de l'Oyster : une montre étanche, automatique, d'une qualité optimale, robuste, fiable et facile à porter sur un terrain de golf comme dans un dîner », affirme-t-on au siège genevois du numéro un mondial de la montre de luxe, dont la production avoisine les 700 000 pièces par an.

Les modes passent, l'Oyster reste

À l'origine de ce succès helvétique planétaire, il y a un Bavarois, Hans Wilsdorf, qui fonde en 1905, à Londres, sa société spécialisée dans la distribution de pièces d'horlogerie. Trois ans après, il invente le nom de Rolex, contraction semble-t-il d'horlogerie exquise, prononçable dans toutes les langues. Convaincu de la mort prochaine de la montre de poche, ce pragmatique visionnaire décroche, en 1910, le premier certificat de chronométrie suisse attribué à une montre-bracelet. Ses modèles sont précis, mais Wilsdorf les veut aussi robustes. Donc imperméables à toute intrusion extérieure. L'entreprise s'installe à Genève et sort, en 1926, la première montre étanche de l'histoire, l'Oyster. Une « huître » dont la célébrité est établie en 1927 lorsqu'elle traverse la Manche au poignet de la nageuse anglaise Mercedes Gleitze. Quatre ans après, la marque peaufine son invention en développant et brevetant le Rotor Perpetual, premier mouvement automatique à rotor, précurseur des montres automatiques d'aujourd'hui. Les jalons du mythe sont posés. Il se construit sur la DateJust, première du genre à afficher la date (1945), la Submariner, première montre étanche à 100 mètres de profondeur (1953), la Day-Date, première à donner le jour de la semaine en toutes lettres (1956), le chronographe Cosmograph Daytona (1963)...

Ces pièces intemporelles, encore produites aujourd'hui, forment une famille de 170 modèles pouvant se décliner en 3 200 combinaisons. Car l'Oyster est la clef de voûte d'une stratégie qui n'a jamais dévié d'un pouce.

« Dans les années 1990, on a beaucoup reproché à cette marque de ne pas se renouveler, analyse un revendeur parisien, de ne faire que du Rolex, mais cela lui a permis de traverser toutes les tempêtes.
» Si, pendant des décennies, Rolex s'est tu, c'était aussi pour oeuvrer à parfaire opiniâtrement une production dont les ressorts, jusqu'alors entourés de mystère, n'ont fait qu'accroître le quotient de désir de ses produits.

Toutefois, sous la houlette du troisième PDG de son histoire, Patrick Heiniger, la société a entrepris une révolution silencieuse en intégrant verticalement la fabrication de tous les composants de ses montres : du cadran au fermoir, de la couronne au balancier spiral. En l'espace de dix ans, la marque a racheté la quasi-totalité de ses fournisseurs (cadrans, bracelets), s'est lancée dans un vaste programme de refonte de son outil industriel pour être aujourd'hui le premier employeur des cantons de Bienne et de Genève. La production, autrefois dispersée sur dix-neuf sites, est désormais regroupée dans quatre unités : l'une à Bienne pour la fabrication des mouvements, les trois autres, dans le canton de Genève, sont consacrés à tout le reste : boîtier, bracelet, assemblage, etc. « Avec l'arrivée des grands groupes de luxe, la réalité de ce métier a changé, explique-t-on à Genève. Cette autonomie nous permet d'améliorer la qualité de nos montres. »

Une culture obsessionnelle du contrôle

La société, désormais une manufacture indépendante, consent à montrer ce qu'elle est capable de faire. Et ce qui est donné à voir à Genève (l'usine de mouvements de Bienne reste classée secret défense) est proprement spectaculaire : 157 000 m², six étages de production, près de 2000 personnes, le complexe de Plan-les-Ouates - qui a été le plus gros chantier privé de Suisse - frappe par son gigantisme qui transforme tout visiteur en Lilliputien.

« Le bâtiment a été conçu pour rationaliser les flux de production, déclare-t-on, chaque unité fonctionne comme une véritable entreprise et a été pensée dans l'intérêt du travail. » Stupéfiants à ce titre, les stocks, des silos de 12 mètres de haut où l'humain ne peut entrer qu'après une identification optique de son iris... À l'intérieur, ce sont Les Temps modernes, sans grain de sable dans les rouages. Des robots montent et descendent pour butiner les 60 000 alvéoles qui contiennent les pièces nécessaires à la fabrication des modèles. Ils les acheminent ensuite, à la vitesse de la lumière et par rails, dans chaque « gare d'atelier » du bâtiment. Plus de 6 000 allers-retours par jour...

Cette volonté de maîtrise de tous les éléments qui constituent son outil industriel et sa production passe aussi par l'élaboration des matières premières. Rolex est sans doute l'un des seuls horlogers à avoir installé dans ses murs sa propre fonderie, où il coule ses alliages d'or jaune, gris, rose, rouge... Des métaux qui seront ensuite transformés en boîtiers et bracelets et dont les propriétés physiques et mécaniques auront été définies et testées par le laboratoire de recherche et de développement. Cette procédure, habituelle dans l'horlogerie de luxe, prend, là encore, des accents paroxystiques.

Voici une armada de chimistes, d'ingénieurs, de physiciens qui traquent inlassablement au microscope électronique d'improbables microrayures sur des lots d'acier. Inventent d'effrayants automates dont les bras articulés gesticulent dans tous les sens pour simuler un an de porter d'une montre- bracelet. Reproduisent plus de 10 000 fois l'ouverture et la fermeture d'un fermoir jusqu'à obtenir le bon clic. Vérifient l'étanchéité à l'air et à l'eau de chaque boîtier d'Oyster... « Toutes les fonctions de nos montres sont testées ici, poursuit-on. Les modèles sont produits pendant dix ans et nous devons pouvoir assurer le SAV de chaque montre pendant vingt-cinq ans. Chez Rolex, tout est sous contrôle. »

Et cela paye : en 2006, le Contrôle officiel suisse des chronomètres (le COSC), instance officielle certifiant la précision des garde-temps, a délivré plus de 1,3 million d'attestations, dont plus de la moitié pour Rolex.


Fabienne Reybaud

Repères

1905 : Hans Wilsdorf fonde à Londres un commerce de montres en gros et signe avec la firme biennoise Aegler un contrat de distribution.

1908 : création de la marque Rolex.

1910 : obtention du premier certificat de chronométrie suisse attribué à une montre-bracelet.

1919 : fondation de la société Rolex SA à Genève.

1926 : brevet de l'Oyster, première montre étanche de l'histoire.

1927 : la nageuse Mercedes Gleitze traverse la Manche avec l'Oyster.

1931 : brevet du Rotor Perpetual, mouvement automatique à rotor.

1932 : la société Aegler est intégrée par Rolex.

1960 : mort d'Hans Wilsdorf.

2000 : sortie du calibre chronographe 4130.

2004 : inauguration du nouveau site de Plan-les-Ouates.

2007 : lancement de la Yacht- Master II et de la Milgauss dotée du nouveau spiral maison.

Le Figaro

 



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