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Dès le premier abord, j’ai compris que Martin K. Wehrli est un être passionné. Avec son sourire charmeur et un rien coquin, il règne en maître, dans cette austère Vallée de Joux, sur plus de 750 montres qui constituent le prestigieux musée Audemars Piguet. C’est, m’a-t-il murmuré en confidence, mais je m’en doutais, la grande oeuvre de sa vie. Il a eu pourtant une vie incroyable. Originaire de la ville de Zurich, la passion de l’horlogerie le pousse rapidement à s’établir en Suisse romande. Mais, à peine son diplôme de l’ Ecole de commerce et son CFC en poche, il traverse la Manche et trouve le moyen de passer une année, pour le compte d’ Eterna, à Twickenham, juste en face du grand stade de rugby, ce qui lui permettait de voir tous les matches à l’oeil. Et puis un jour, le destin s’est matérialisé sous la forme d’un appel téléphonique impromptu.
Au bout du fil: Georges Golay, le grand patron d’ Audemars Piguet à l’époque. Il ne pouvait mieux tomber à mon avis. C’était en 1971, juste une année avant le lancement de cette merveille qu’est la «Royal Oak», dans laquelle Martin K. Wehrli s’est beaucoup impliqué. Tout comme d’ailleurs pour le lancement de pièces compliquées comme «Metropolis», «Equation du Temps», «Alinghi Polaris»…
Du coup, son horizon s’est élargi aux dimensions du monde. Du Moyen-Orient et du Golfe où, à Dubaï, me raconte-t-il dans son sonore éclat de rire, il n’y avait qu’un hôtel en 1972, aux Amériques, aussi bien du nord que du sud. Il fallait bien les diffuser, ces grandes complications, et Martin K. Wehrli a accompli cette mission avec brio, j’en suis sûr. Aujourd’hui, au Brassus, il veille avec beaucoup d’affection sur toutes ces petites merveilles qui constituent le Musée Audemars Piguet installé dans l’immeuble qui eut l’honneur d’être la première manufacture et où habita la famille Audemars. Il présente un grand intérêt selon moi, car il expose, certes, les principales pièces représentatives de cette grande marque.
Mais Martin K. Wehrli a eu l’intelligence d’y associer les garde-temps les plus intéressants techniquement réalisés dans la Vallée de Joux. Je vous signale juste une curiosité: la plus petite répétition minutes au monde. Elle a été réalisée par Louis Benjamin Audemars, dans les années 1890. Faisant partie des collections du roi Farouk d’ Egypte, elle fut vendue au Caire lors de sa succession, puis elle fut repérée en Allemagne.
Aujourd’hui, elle est estimée à plus d’un million de francs.
Parallèlement, celui que le Financial Times a surnommé un jour l’icône de l’horlogerie, est consulté dans le monde entier, par les grandes maisons de ventes aux enchères. Et il trouve encore le temps de faire partager ses connaissances avec les jeunes horlogers de la manufacture. Pas mal pour cette Encyclopédie vivante d’ Audemars Piguet qui fonctionne sans ordinateur et a tout dans la tête!
GABRIEL TORTELLA Worldtempus
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