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DE BETHUNE : un cocktail explosif de style, d’idées neuves et de physique expérimentale (première...
 
Le 29-03-2008

En quoi les montres De Bethune sont-elles emblématiques de la nouvelle révolution horlogère ? Une introduction à la nouvelle Dream Watch One.

Le plus difficile est d’abord de trouver les Granges-Jacquard, après Sainte-Croix, sortie vers L’Auberson, au bout du bout de la Suisse, à portée de fusil de la frontière du Jura français.
Ensuite, repérer la manufacture De Bethune relève du jeu d’enfant : il n’y a pas plus de dix maisons dans le hameau et presque toutes ont une étable, des granges bâties en planches et un tas de fumier qui certifie que nous sommes bien en zone rurale.
Pile au centre des Granges-Jacquard, c’est l’ancien bistrot.
David Zanetta l’a racheté en 2002 pour y loger sa nouvelle marque, De Bethune. Ce n’est pas un hasard si le premier voisin est Denis Flageolet, le maître-horloger qui est son partenaire depuis leur équipée commune chez L. Leroy (THA).

Depuis 2002, la manufacture De Bethune a grandi et compte aujourd’hui une quarantaine de collaborateurs, installés avec leurs machines un peu plus bas, à L’Auberson. Le nouveau bâtiment est une ancienne fabrique de boîtes à musique, activité qui était autrefois dominante dans ces vallées proches de Fleurier, qui revivent aujourd’hui grâce à l’horlogerie.

La maison-mère des Granges-Jacquard a été conservé pour le noyau dur créatif de De Bethune, riche d’une dizaine de personnes : Denis Flageolet (qui se partage entre son banc d’horloger et son ordinateur), son service de prototypage et son bureau de R&D. Un plateau technique destiné à la réalisation des pièces uniques est en cours d’aménagement.
Beaucoup de savoir-faire concentré dans quelques bureaux largement ouverts sur les champs et sur les bois environnants : situation classique pour un think tank horloger qui, lui, n’est pas du tout classique. Une débauche de technologies d’avant-garde et des compétences très pointus au service de l’infiniment petit et compliqué : c’est ce qui explique que ces authentiques mouvements « manufacture » soient en revanche infiniment coûteux…

Si le concept de haute horlogerie a bien un sens, c’est ici qu’il s’illustre, dans une farouche volonté de ne compter que sur ses propres forces, de maîtriser toute la chaîne de production et d’aller toujours plus loin dans le superlatif, sans concessions à la banalité, et encore moins à la facilité.

Aux commandes : David Zanetta, Italien de naissance – avec tout ce que cela comporte d’élégance personnelle, apparente et morale – et créateur d’instinct. Ce passionné de montres (ci-dessous) est tombé très jeune dans le chaudron de potion magique : il collectionnait les chefs-d’œuvre mécaniques des grandes manufactures (notamment Cartier ou Patek Philippe) à une époque où les présidents des plus honorables maisons ne juraient plus que par le quartz et se débarrassaient au plus offrant de leurs stocks de « vieilleries » mécaniques. Aux pires heures du tsunami électronique qui a failli emporter l’industrie des montres suisses, on comptait sur les doigts des deux mains ceux qui croyaient encore à l’avenir de la micro-mécanique horlogère : David Zanetta en était, avec des copains qui ont, eux aussi, fini par avoir raison et par voir les autres leur emboîter le pas. Respect…

La fréquentation des belles montres – David Zanetta est toujours un amoureux impénitent des montres Cartier de l’âge d’or (l’horlogerie des années trente) – a infusé en lui et c’est sur les sédiments d’un authentique et immense « culture horlogère » qu’il a bâti son équation esthétique. On décode dans chaque détail des montres De Bethune les marqueurs d’une identité génétique plurielle, enracinée dans une tradition multi-séculaire, mais exprimée dans un code contemporain.

Quelques exemples : le bleu des aiguilles, on ne peut plus traditionnel, mais obtenu aujourd’hui sur du titane simplement passé au four à la bonne température (contrôle visuel « pifométrique », mais rendu parfait). On pourrait continuer avec la typographie des chiffres, leur couleur, le grain particulier du guillochage ou même noter le soin avec lequel chaque bracelet est travaillé, toute comme les écrins de voyage proposés avec chaque montre De Bethune…

C’est sa propre vision de la montre – le fruit de trente ans d’expérience – que David Zanetta a voulu traduire dans une marque. Ce sera l’aventure De Bethune, lancée avec un des horlogers les plus doués de son époque. A défaut d’être le plus médiatisé des néo-créateurs horlogers, Denis Flageolet – Français d’origine, comme tant d’acteurs de la révolution horlogère suisse – est sans doute le plus respecté pour sa « philosophie » de travail. C’est un vrai maître-horloger, qui sait rester loupe à l’œil, sur son établi, pour le coup de lime qui changera tout, mais son habileté manuelle est tout de même dépassée par son agilité conceptuelle : il a dans la même seconde l’intuition et la visualisation qui synthétisera l’idée, puis, dans la seconde suivante, il imagine la solution horlogère qui donnera corps à l’innovation et la conclusion technique qui permettra de l’industrialiser.

Comme les grands maîtres-horlogers du passé (Breguet en était le meilleur exemple), Denis Flageolet a le goût de la simplicité : pourquoi faire compliqué quand on peut exprimer l’essentiel avec une grande économie de moyens ? On trouve dans son approche du silicium une bonne illustration de sa « philosophie » créative et de son style horloger.
Novices en sciences des matériaux, et naïfs comme des impétrants, les horlogers se faisaient une montagne des technologies touchant au silicium, matériau dont les propriétés et la production sont largement maîtrisées par la communauté scientifique. Au lieu d’investir des budgets colossaux (dont il ne disposait pas) pour mettre au point un spiral en silicium digne de nom, Denis Flageolet a fait fabriquer en silicium un spiral plutôt basique, et sans qualités horlogères notables, mais il a choisi d’en compenser les imperfections par un balancier titane-platine totalement révolutionnaire. Un bel exemple de simplicité conceptuelle : aller d’emblée à la solution horlogère la plus « naturelle ». C’est le balancier qui doit être compliqué, pas la production du spiral !

Ce culte de la sobriété intuitive s’appuie, chez De Bethune, sur les études très pointues d’un bureau R&D qu’on s’étonne de trouver dans une manufacture de si petite taille. Le gourou des avancées microphysiques et des sciences nano-énergétiques s’appelle ici Noah Chevaux. Un peu Geo Trouvetout, un peu professeur Nimbus, il est passé par le moule Richemont avant d’intégrer l’équipe de David Zanetta. Capable de sidérer l’auditoire par ses équations du quatrième degré, il est un des très rares spécialistes de l’horlogerie contemporaine à comprendre à peu près ce qui se passe dans les rouages et les battements d’une montre.

C’est curieux, mais personne ne s’en souciait depuis quatre siècles : il aura fallu l’explosion des concept watches et des nouveaux matériaux high-tech pour que les horlogers se penchent sur des questions aussi fondamentales que celles de l’énergie mise en œuvre dans un mouvement. On se contentait jusque là de penser en termes d’amplitude, alors que le concept opérationnel est l’énergie, territoire bien connu des physiciens de pointe. En poursuivant la mise au point de sa Monaco V4 (entraînée par des courroies), TAG Heuer a ainsi dépensé plusieurs millions d’euros et mobilisé d’innombrables heures de super-calculateur Cray pour tenter de déchiffrer les lois de la micro-mécanique quand elles s’expriment en fugaces nano-joules et en résultantes inertielles. A un tout autre niveau d’investissements dans l’ingéniérie, mais avec une réussite anticipée, l’équipe de R&D regroupée par De Bethune approche de son dixième brevet et a su multiplier les innovations disruptives – on en verra pour preuve la multiplication des concepts voisins chez les concurrents, et non des moindres.

C’est ici qu’on touche le paradoxe De Bethune, conjugaison originale de trois approches encore jamais mixées jusqu’ici dans l’horlogerie. La touche « culturelle » et la « patte » stylistique de David Zanetta. L’œil et la main (mais aussi les neurones) d’un maître-horloger de premier plan comme Denis Flageolet. Le logiciel mental et la passion cognitive d’un allumé de la physique mécanique comme Noah Chevaux.
Placez-les dans le même atelier et mettez-les en réseau informatique : la hot shop entre aussitôt en ébullition et, quelques nuits blanches plus tard, entre congères et sapinières, éclosent les premiers boiurgeons d’un printemps horloger.
Ajoutons, pour être précis, que le tout mitonne dans un business model original, indépendant et un peu fantasque, où le style Zanetta – très personnel, voire autocratique, et pas toujours évident à décoder sur le plan du partenariat strictement marchand – est tempéré en même temps que stimulé par un tour de table d’actionnaires-investisseurs avisés, mais pas forcément avides. Parce que le développement d’une telle manufacture réclame du temps et des ressources non négligeables…

DB24
la suite (seconde partie): Se placer au plus niveau dans chaque détail, ou la genèse de la Dream Watch One…

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