|
On trouve encore des présidents de marques horlogères qui croient dur comme fer au retour des boîtiers plus petits pour les montres masculines.
Cela me semble d’autant plus illusoire que notre regard a déjà changé et que notre cerveau semble
avoir « accepté » les gros boîtiers.
Anecdotes récentes à ce sujet…
SIHH de Genève et découverte de la collection Panerai 2008 : beaux mouvements mécaniques et superbes boîtiers en céramique noire. J’en essaye un, mais quelque chose me tracasse, du côté de la taille du boîtier, qui me paraît un peu fluet, et je pose la question : « Très bien, mais pourquoi avez-vous logé ce mouvement dans le petit boîtier Luminor de 40 mm ? Pourquoi pas dans le 44 mm ? »…
Réponse amusée : « Mais c’est le boîtier de 44 mm ! » Phénomène bien connu du boîtier noir, qui absorbe la lumière et qui paraît donc plus petit, mais aussi magnifique illusion d’optique : après des salons horlogers riches en boîtiers qui dépassaient parfois les 50 mm, avec une bonne moyenne virile autour de 46 mm, même le boîtier Luminoir classique en 44 mm semble jouer dans la cour des petits.
Il y a cinq ans, à l’aube de la révolution horlogère, ces mêmes Luminor paraissaient « importables ». Je me souviens même d’un journaliste du Monde qui avait demandé à Franco Cologni, le père de la « renaissance » de Panerai, qui s'en était étranglé de rage, pourquoi il faisait des « montres taillées comme des horloges de cuisine ». C’est à ce genre de détail qu’on reconnaît les grands journalistes !
Si on m’avait dit un jour que je trouverai ce boîtier de 44 mm un peu frêle, j’aurais éclaté de rire. Et, surtout, je n’aurais jamais revendu ma Panerai historique (une Panerai-Rolex de la Kriegsmarine : 47 mm, donc « importable » !) au musée Panerai…
Autre exemple tout récent : conversation avec Max Büsser, qui m’avoue s’être fait la même réflexion à propos d’un boîtier Radiomir en céramique.
A mon poignet, son Horological Machine n° 2 (ci-dessus) me semble élégante, sobre, presque trop « petite ». Il y a moins de six mois, quand il me l’avait présentée pour la première fois, j’avais trouvé son « plateau » à double cadran assez démesuré, quoique plus portable que son HM n° 1, décidément un peu épaisse et lourde à mon goût (ce n'est plus le cas de la version titane).
Miracle des salons horlogers et de la mutation génétique collective : comme on s'habitue en un rien de temps à ce qui nous semblait inacceptable il y a peu...
Mutation qui a poussé le standard masculin autour des 43 mm au minimum : c’est d’ailleurs la nouvelle taille de la Rolex Deep Sea et ce sera, pour cette raison, le parangon de la nouvelle génération des montres de sport. Pour étonner nos regards, il faut désormais afficher au moins 50 mm, et encore…
En fait, nos sens ont été « impressionnés » par les grands boîtiers lancés par des marques exclusives (IWC et sa première Portofino, rêve de tous les collectionneurs ; Panerai et ses Radiomir ; d’autres encore), puis repris au vol par les marques branchées et les marques de niche.
Nos cerveaux ont digéré cette information, intégré ces nouvelles données, modifié leur grille d’analyse et défini des normes d'acceptabilité : le standard Oyster homme d’hier (36 mm) est désormais celui des montres de femme. Comme hier, il faut moins 10 mm pour différencier les pièces masculines des féminines...
Si les tailles masculines évoluent, ce ne sera sans doute pas vers un retour à des montres considérées comme féminines, mais plutôt vers un travail sur l’épaisseur (je ne crois cependant pas au retour de l’extra-plat), sur la sobriété des cadrans et sur la représentation des volumes.
C’est souvent une question d’harmonie entre le volume latéral ou longitudinal de la montre et son épaisseur : il n’existe pas de nombre d’or pour définir ce rapport géométrique, mais une perception quasi-subliminale des équilibres et des masses.
C'est à cette prise en compte mentale de cette tension taille-volume qu'on reconnaît les grands designers.
En fait, le vrai critère – le plus décisif pour la portabilité d’une montre – n’est pas le diamètre du boîtier, mais l’angle formé par ses cornes. Pas de cornes, ou des cornes courtes, ou des cornes plongeantes : dès qu’on chute sous les 45-50°, même une 50 mm devient portable si elle n’est pas trop épaisse.
Plus l’angle de ces cornes se relève, plus la montre a du mal à se poser sur le poignet et plus elle semble « grosse » : une Hublot en 44 mm paraît déjà plus « massive » au poignet qu'une De Bethune en 48 mm...
|