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Nous ne voulons pas copier ce qui se fait !
Salon de Bale 1997. Un jeune homme de 22 ans, Felix Baumgartner arrive avec le prototype d'une étrange montre sous le bras. Il présentait en effet un garde-temps qui proposait une lecture de l'heure totalement différente avec des disques qui affichaient la fuite du temps un peu comme le cycle du soleil dans le ciel. Surprise dans le Landernau horloger puis, pour certains, ravissement devant l'audace de la solution technique et, enfin des commandes, 15 qui seront livrées en 1998.
Felix Baumgartner raconte: "J'avais 22 ans à l'époque et je n'avais rien à perdre. Je voulais amener quelque chose de nouveau car il faut entretenir le feu de l'histoire horlogère. Mon père, horloger lui aussi, fait de la restauration de pendules anciennes. Parmi l'une d’elles, celle des frères Campanus, qui date de 1652, faisait appel au même genre d'affichage de l'heure. C'est elle qui nous a donne l’idée, à Martin Frei et moi, de partir dans cette direction. Au début, nous voulions juste nous amuser et nous n'avions pas l'intention de créer une marque. Et puis, c'est difficile de créer des montres différentes, qui s'inscrivent hors de la tradition technique habituelle. C'est aussi très difficile de les régler car nous devons tout inventer, il n'y a en effet pas d'ouvrage de référence. Actuellement d'ailleurs, nous sommes les seuls à faire cela".
Tout ne fut pas simple et les deux jeunes gens ont énormément travaillé avant de pouvoir présenter la première collection qui a véritablement connu le succès, la 103. De fait, c'est seulement en 2005 qu'elle est devenue un succès. Dans cette montre, quatre satellites servent de support à l’indication des heures. Ils survolent alternativement la graduation des minutes, permettant une lecture du temps à la fois analogique et digitale. Ce qui est le plus difficile c'est bien sûr d'assurer la rotation de ces satellites en position équilibrée car ils pèsent 160 fois plus qu'une aiguille classique, tout en éliminant au maximum les frottements qui sont source de déperdition d'énergie. Pour réussir, Felix Baumgartner s'est donc tourné vers des matériaux de pointe. Les satellites sont en aluminium, par souci de légèreté. Ils sont montés sur une "Croix de Genève" et sont rattachés à un carrousel en titane et posés sur un module en ARCAP, un alliage inoxydable et amagnétique.
Chaque satellite est porteur de 3 chiffres et il réalise une révolution complète autour du cadran en 4 heures ainsi qu'une rotation de 120 degrés sur son propre axe qui permet de changer le chiffre indicateur de l'heure. Chaque chiffre fait donc face à l'indication des minutes pendant une heure, égrenant le temps en se mouvant le long de cette trajectoire graduée.
Felix Baumgartner et son complice ne se sont pas arrêtés en chemin. En 2007, ils ont sorti la 201, qui est une évolution de l'Opus 5 que le jeune horloger avait réalisé pour Harry Winston. Sur cette pièce, l'heure se lit sur Ies 3 plots pivotants des heures. Chacun d'eux effectue trois rotations successives en douze heures, dévoilant ainsi alternativement chacune de ses 4 faces. Ces plots pivotants sont traversés par une aiguille des minutes télescopique. Elle trace sa course en suivant à la ligne les trois segments des minutes, de 0 à 14, de 15 à 44 et de 45 à 60. En extension, cette aiguille permet une lecture du temps confortable, comme le souhaite Felix Baumgartner. Rétractée, elle assure la rotation complète du satellite central.
Et l'horloger de préciser que l'aiguille télescopique prend plus d'énergie qu'un calendrier perpétuel. Pour cela il faut donc un mouvement qui assure une certaine performance et Felix Baumgarmer utilise donc un mouvement de la Joux Perret qui bat a 28'800 alternance à l'heure. Il souligne: "C'est un sacré challenge d'arriver à cette complication et que cela ne nous prenne pas toute l'énergie. Nous ne voulons pas non plus refaire ce que les autres ont déjà fait, donc nous devons chercher notre propre voie. Si ce n'est pas mieux que ce qui a été fait, ce n'est pas la peine. Dans un tel projet, les matériaux ne sont pas l'élément le plus important, c'est la construction et les solutions que nous trouvons. Pour les satellites, nous avons utilisé des croix de Malte, pas des ressorts, c'est plus fiable. Dans de tels garde-temps, le challenge est donc d'inventer de nouvelle complications et de nouveaux mécanismes".
L'atelier de Felix Baumgartner est installé au 34 de la rue des Noirettes à Genève. Il se trouve dans une maison des artisans qui regroupe toute une série de petites entreprises, en quelque sorte, une pépinière de compétences. Felix Baumgartner relève: "Si nous sommes à cette adresse, c'est aussi parce que notre partenaire Christian Gros est ici. Il possède un centre d'usinage avec des machines traditionnelles et d'autres modernes. Lorsque nous sommes venus et que nous avons commencé notre collaboration, ils étaient 4 personnes. Ils sont maintenant 15. Pour ce qui nous concerne, nous sommes 5 à Genève et 5 à Zurich. Nous assurons la conception, la construction et une partie horlogère à Zurich et l'essentiel de l'activité horlogère et la communication se font à Genève. Nous avons aussi développé notre activité pour donner une vitrine à notre marque, en quelque sorte lui permettre d'exister vraiment.
Nous avons commencé à le faire il y a deux ans. Actuellement, nous produisons 200 pièces par année. La 103 se vend à CHF 65'000 francs et la 201 oscille entre 140 et 200'000 francs car cela dépend des matériaux. Au début, les points de vente étaient prudents avec nos produits, tout comme les clients, qui sont de tous les ages. Ce sont les Etats-Unis qui sont en pointe pour nous, mais nous avons aussi un bon écho en Asie ou nous devons encore développer notre réseau. Cela dit, nous n'allons pas décupler la production. Nous allons atteindre entre 300 et 400 pièces par année et si nous pouvons vivre avec 120 montres, tout ce que nous faisons en plus nous permet de travailler de nouveaux concepts, bref de progresser".
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