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Les rumeurs vont bon train, avec leur lot de vraies-fausses informations et de vraies-fausses
intoxications, mais il se peut que, dès demain, Jean-Claude Biver prenne la direction d’un pôle horloger
de première importance.
Sous le contrôle d'un grand groupe de luxe familial. Quelques suppositions, qui n’ont encore rien de confirmations, mais, si c'était vrai, Business Montres l'avait pressenti dès janvier 2007…
Indice n° 1
Hublot annonce pour demain une conférence de presse improvisée et, pour son personnel, une sorte d’assemblée générale. S’il ne s’agissait que d’une annonce à caractère médiatique, il n’y aurait pas d’assemblée générale du personnel dans la foulée de la conférence de presse. On peut donc considérer que la nouvelle annoncée demain concernera l’entreprise elle-même…
Indice n° 2
On savait Carlo Crocco, l’actuel propriétaire d’Hublot (dont Jean-Claude Biver n’est qu’un actionnaire très minoritaire) soucieux de « réaliser » son affaire, c’est-à-dire de la céder au meilleur prix et au meilleur moment. Non par esprit de lucre (cet homme est un ascète, un « saint laïc », confronté à des problèmes personnels de santé), mais pour en tirer un maximum de ressources qu’il destinera, comme le reste de sa fortune, présente ou à venir, à la fondation charitable à laquelle il a voué son existence.
Après les communiqués victorieux (pas forcément exacts sur le strict plan comptable) lancés par Jean-Claude Biver après le salon de Bâle, Hublot semble au zénith de son expansion économique : c’est donc le bon moment pour tenter des investisseurs capitalistes.
Indice n° 3
Jean-Claude Biver lui-même était très préoccupé à Bâle par autre chose que par son business. Il assurait son show habituel avec plus de métier (il n’en manque pas) qu’avec la motivation dont il fait habituellement preuve. Il avait un peu « la tête ailleurs » et on perdait sa trace alors que ses voyages sont généralement parfaitement « transparents ». Peut-être était-il préoccupé par des audits forcément compliqués et la définition d’une stratégie forcément complexe…
Indice n° 4
Depuis plusieurs mois, Luigi Macaluso négocie la vente de Sowind, sa société familale qui regroupe les marques Girard-Perregaux et JeanRichard. Par différentes indiscrétions, recueillies et recoupées aux meilleures sources, j’ai pu arriver à comprendre que Luigi « Gino » Macaluso souhaitait trouver une « société familiale » pour reprendre sa propre société familiale, pour le management de laquelle ses enfants ne se sentaient pas vraiment motivés. Il entendait également rester plus présent auprès de ses jeunes enfants, pour en finir avec ces voyages incessants qui sont la plaie des présidences modernes. Différents groupes de luxe avaient été approchés, mais pour des montants incompatibles avec les exigences du clan Macaluso.
Indice n° 5
Chez Ulysse Nardin comme dans un certain nombre de manufactures indépendantes, l’heure est à la transmission de l’entreprise. Rold Schnyder, qui n’est plus tout jeune, ne cachait pas à Bâle qu’il souhaitait profiter davantage de sa famille, qui vit en Thaïlande et de ses jeunes enfants. Il laissait entendre qu’il était lui aussi à la recherche d’une « solution » pour régler sa succession. Solution qui passait par un groupe de luxe à caractère familial, ce qui excluait d’emblée (exactement comme dans le cas Girard-Perregaux), le groupe LVMH, le Swatch Group se trouvant éliminé d’office pour son comportement passé et son « arrogance »
Indice n° 6
Pendant les salons horlogers, en dépit des plus incroyables rumeurs (et même des désinformations les plus flagrantes destinées à déployer un écran de fumée), j’avais compris qu’un seul groupe tenait la corde dans la dernière ligne droite pour un investissement spectaculaire dans les manufactures de prestige. Groupe « familial » dont les dirigeants ne cachaient d’ailleurs pas leur ambition de vouloir créer, à peu près à n’importe quel prix, un pôle de premier plan dans la haute horlogerie. L’important « trésor de guerre » de ce groupe a été évalué par certains analystes à une « force de frappe » d’environ 7 à 8 milliards d’euros. Ce n’était ni le groupe Chanel, ni le groupe Bulgari, ni un autre groupe italien. Les groupes chinois auraient bien eu le cash indispensable, mais, pour des questions d’image et de « suissitude », leur offre n’a pas vraiment été prise au sérieux.
Conclusion personnelle (ceci n’est pas une information autorisée, mais…)
Selon mes informations, le groupe PPR (dirigé par François-Henri Pinault) devrait s’offrir officiellement demain un pôle horloger de référence, avec un regroupement de Girard-Perregaux, JeanRichard, Ulysse Nardin et Hublot. Pôle de premier plan dont Jean-Claude Biver serait le grand patron, Ricardo Guadalupe, actuel directeur général d’Hublot lui succédant.
PPR-Gucci Group disposerait ainsi d’un fer de lance international dans la très haute horlogerie (Girard-Perregaux, Ulysse Nardin), d’un ancrage au plus haut niveau dans la haute joaillerie (Boucheron), d’une locomotive dans la nouvelle horlogerie (Hublot), d’une marque « jeune » qui ne demande qu’à devenir tendance (JeanRichard), d’une icône de la montre fashion (Gucci) et de quelques autres actifs (dont Bédat & Cie).
On rappelera ici les relations nouées l'année dernière entre Boucheron et Girard-Perregaux – relations dont l'analyse avait poussé Business Montres à écrire, en janvier 2007, que, tôt ou tard, le flirt deviendrait mariage et plus si affinités. Nous y sommes...
Côté « industriel », ce pôle d’hyper-luxe horloger ne regroupe pas moins de trois manufactures : une au Locle (Ulysse Nardin), une à La Chaux-de-Fonds (Girard-Perregaux) et une en construction à Nyon (Hublot).
Une bonne quarantaine de mouvements exclusifs tombent ainsi dans l’escarcelle de la famille Pinault. Ce qui n’est pas rien et ce qui lui permet de rivaliser directement avec l’éternel concurrent et adversaire du groupe LVMH, Bernard Arnault, qui n’a guère que Zenith à se mettre sous la dent…
Bien entendu, le chiffre d’affaires purement horloger de ce pôle reste bien inférieur à celui du pôle horloger du groupe LVMH et à celui du Swatch Group : consolidé, l’horlogerie PPR ne doit pas peser plus de 400-450 millions d’euros.
Les chiffres sont sujets à caution, mais il est vraisemblable que l’acquisition de Hublot a dû être valorisée dans les 380-400 millions d’euros (on ignore si Jean-Claude Biver a conservé ses parts, mais on imagine son profit si c’est le cas : Hublot valait à peu près dix fois moins cher quand il y avait pris une participation de l’ordre de 15-20 %). On peut estimer la valeur de Girard-Perregaux/JeanRichard à 230-250 millons et celle d’Ulysse Nardin à 200-220 millions d’euros. Soit un investissement inférieur à un milliard d’euros (disons 850 millions d’euros), ce qui est nettement moins cher que la somme déboursée il y a peu par LVMH pour s’offrir son propre ancrage horloger. Pour ne rien dire des milliards décaissés par Richemont pour acquérir Jaeger-LeCoultre, IWC et A. Lange & Söhne.
850 millions d’euros pour ces quatre diamants d’une nouvelle couronne horlogère : c’est finalement très bon marché, compte tenu de la profitabilité d’Hublot, du potentiel de Girard-Perregaux et de la solidité d’Ulysse Nardin.
Bravo, François-Henri Pinault, si c’est bien vous l’investisseur : non seulement vous êtes un collectionneur avisé de belles pièces horlogères, mais vous êtes aussi un excellent capitaine d’industrie !
Au risque de se répéter, encore une fois, tout ceci n'est que déduction et non information autorisée...
Nous saurons tout demain !
Grégory Pons Business Montres
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