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Les ventes de montres de ce week-end à Genève prouvent que le marché est loin d’avoir dit
son dernier mot. Pour le meilleur comme pour le pire…
Le bilan de ce week-end est plus qu’intéressant : 28 millions d’euros ont changé de main et 1 248 montres ont changé de propriétaire. Certains ont gagné : Christie’s a pulvérisé tous les records pour une montre en acier (ci-dessus, en haut : 4,1 millions de francs suisses pour une Patek Philippe référence 1526, soit 2,5 millions d’euros, le second prix le plus élevé jamais payé pour une montre-bracelet), mais Antiquorum Genève n’a tiré qu’un peu plus de 8 millions de francs suisses (10,2 millions avec les frais, soit 6,2 millions d’euros) pour 705 montres, dont certaines très récentes de marques on ne peut plus prestigieuses (Rolex, Patek Philippe, Richard Mille, François-Paul Journe).
Ce qui fait à peine, pour Antiquorum, une moyenne de 10 000 euros par lot : largement inquiétant pour une vente d’horlogerie de grand prestige, avec ce qui se fait de mieux en matière de montres rarissimes (une Grande et petite sonnerie de François-Paul Journe, un Gyrotourbillon de Jaeger-LeCoultre, etc.) et d’exclusivité attachée à une des plus belles collection privées jamais réunies en Europe !
A la place du vendeur, qui a d’ailleurs vu partir ses plus belles pièces à des prix généralement très inférieurs à leur valeur catalogue (qui était celle de leur prix d’achat, très récent, puisque certaines pièces avaient été négociées en novembre dernier), on ne serait d’ailleurs pas très content de ces résultats médiocres…
BUSINESS MONTRES & JOAILLERIE
Alors, amorce de crise dans les enchères horlogères, petite pause technique ou simple erreur stratégique d’Antiquorum, dont l’équipe dirigeante signait sans doute là ses dernières initiatives ?
A priori, rien ne permet de penser que les enchères vont cesser leur incroyable progression. La demande est toujours aussi forte, que ce soit pour des pièces de collection devenues introuvables (comme la Patek Philippe record du monde de ce week-end) ou des montres qui ne se trouvent que sur (longue) liste d’attente chez les détaillants. Quand on ne peut pas trouver la pièce convoitée en boutique, on se l’arrache aux enchères, même à un prix supérieur. Et, pour l’amateur, c’est encore mieux quand elle part sous le marteau à un prix inférieur à son prix catalogue…
Est-ce vraiment mieux pour le marché et pour les marques ? Certainement pas. D’une part, cela ébranle toute la pyramide des prix, et on comprend la fureur de nombreux dirigeants face aux résultats de leurs montres chez Antiquorum. Manifestement, il y a là de quoi ébranler la confiance de tous les amateurs dans la valeur réelle des montres qu’ils recherchent : c’était d’ailleurs un des principaux dangers de l’éviction d’Osvaldo Patrizzi et de l’absence choquante de solidarité de la profession à son égard. On peut imaginer ce qu’un Patrizzi aurait pu réaliser avec de telles pièces provenant d’une telle collection.
En fait, l’erreur stratégique d’Antiquorum est totale : 700 lots, c’était beaucoup trop pour une seule vente (peut-être s’agissait-il tout simplement de « faire de la trésorerie ») et c’était surtout trop pour la communication pour le moins discrète de l’opération. La cible elle-même était mauvaise : au lieu d’ameuter les grands collectionneurs (ceux qui auraient tiré vers le haut les prix des pièces exceptionnelles), Antiquorum a choisi les petits amateurs de bonnes affaires. Certains l’avaient d’ailleurs bien compris, mais, en dépositionnant brutalement son offre du marché de collection vers le simple marché d’occasion, Antiquorum a pris le risque majeur de déstabiliser le marché. C’est grave !
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