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J’étais parti dans la Saskatchewan (Canada) pour assister au Grand Saut de Michel Fournier, qui était
chronométré par Bell & Ross. Echec de cette troisième tentative, interrogations secrètes et nouveau rendez-vous pour le mois d'août 2008.
Voir le ballon gonflé à l’hélium s’envoler sans arracher à la pesanteur la « capsule » où Michel Fournier attendait d’entrer dans l’histoire est assez rageant.
Un ballon à 150 000 euros perdu par la faute d’un câble et d’un « boulon coupe-feu qui ne coûtent que quelques euros, c’est tragique.
Les partenaires de l'opération n'en ont été que plus déterminés à recommencer (ci-contre : à droite, Bruno Belamich, le cofondateur de Bell & Ross, et Grégory Pons, à gauche, devant la combinaison de saut de Michel Fournier, quelques minutes avant le départ)...
Michel Fournier met de son côté les points sur les i. Sa réponse est synthétisée sur DailyMotion
Avec un superbe aplomb moral, surtout à cet instant de déception absolue, il me confiait en descendant de sa capsule : « Tu sais, la défaite n'est jamais qu'un succès qui prend du retard »...
Une conclusion est évidente pour ceux qui ont vécu la mobilisation sur le terrain : si l’équipe des « sauteurs » (tous ceux qui travaillent sur le projet de saut, tant sur le plan logistique que biomédical ou économique) est parfaitement au point, l’équipe des « lanceurs » est loin d’être au même niveau.
Le point critique de ce Grand Saut est précisément le lancement par ballon, et ce sont des compétences que Michel Fournier doit sous-traiter, avec une médiocre intégration des deux équipes. S’il y a un travail de coordination à mener pour la prochaine tentative, ce sera, précisément, sur cette jonction « lanceur-lancé »…
Tous les médias nord-américains mobilisés pour la circonstance (CBS et BBC Live en direct) ont exprimé une déception sincère, qui s’est vite muée en questions, pas forcément pertinentes mais toujours intéressantes à examiner…
Quelques confrères ont ainsi parlé de… sabotage, en échafaudant des scénarios qui rappellent que Michel Fournier a de quoi déranger les « grandes puissances » de la conquête aérospatiale :
• Le « petit Français » prouverait par son Grand Saut qu’on peut rester crédible (son échec est microtechnique, pas fondamental) avec des financements privés qui ridiculisent les milliards déjà dépensés par les agences spatiales étatiques américaines, européennes ou asiatiques.
• S’il réussissait, Michel Fournier humilierait tout particulièrement les spécialistes de l’administration spatiale française, qui avaient renoncé à ce type d’essai en l’estimant impossible et infructueux.
• Son « bricolage à la française », fondé sur le bénévolat et le système D invaliderait le modèle des « grands projets officiels » et dérange donc des administrations habituées à quémander des subventions (l’argent des contribuables) qu’elles dépensent sans compter, ne serait-ce que pour continuer à prouver leur utilité...
• Sa réussite signerait une autre approche du « tourisme spatial », plus économique, plus accessible et de taille plus humaine : s’il lui est possible d’aller se promener dans la stratosphère avec un ballon et de « revenir à pied », d’autres seront tentés de suivre son chemin vers les étoiles, ce qui remettrait en cause le business model des premières entreprises spécialisées dans ce domaine.
Après tout, si un simple ballon eut permettre de placr deux tonnes sur une orbite située entre 40 et 50 km; demain, n’importe quel pays émergent pourra s’offrir son cosmonaute stratosphérique, en toute indépendance, sans passer par les fourches Caudines des grandes puissances spatiales…
Bref, sans parler d’une conjuration (on sait que les Américains adorent les théories conspirationnistes), on peut tout de même admettre qu’il y a, derrière cet exploit franco-français, d’énormes enjeux économiques, voire militaires.
L’équipe de lancement n’étant pas française, mais américaine (Brésil, Etats-Unis) et s'avérant apparemment plus mue par le profit que par la passion, le soupçon devient inévitable !
Et les confrères américains adorent travailler ce genre de soupçons dès que ça peut concerner les agissements occultes de leurs bureaucrates !
Les journalistes américains ont d’ailleurs interprété l’exceptionnelle et inhabituelle fermeté de Michel Fournier pendant sa conférence de débriefing (lien ci-dessus) comme un défi personnel lancé aux empêcheurs de sauter en rond. Comprenne qui pourra…
En attendant d’y voir plus clair, rendez-vous est pris pour la fin août, avec un nouveau ballon et un indispensable recadrage logistique. Il aura toujours sa Bell & Ross BR 02 au poignet : on ne change pas un équipement qui gagne !
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