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HOMMAGE : Severin Wunderman nous a quitté
 
Le 26-06-2008

Président et refondateur de Corum, Severin Wunderman disparaît après une exceptionnelle carrière de créateur horloger.

La photo de Severin Wunderman dans son fauteuil Le Corbusier est celle que je préfère de toutes celles qui nous resteront de lui : c’est ainsi qu’on le retrouvait, chaque année, à la foire de Bâle, attentif à tout et surtout aux autres, courtois et raffiné à l’extrême, masquant son immense intelligence des montres et des hommes sous un masque qu’on aurait pu croire ironique s’il n’avait été empreint d’une immense empathie et d'une incroyable lucidité sur les choses de la vie.

Dans ce fauteuil Le Corbusier, j’avais souvent l’impression de retrouver un philosophe stoïcien de l’Antiquité, une sorte de Marc-Aurèle – « Aequitas anima » – ressuscité en dandy contemporain.

Son parcours horloger s’est déroulé en plusieurs vies, qui commencent aux Etats-Unis dans les années soixante : une solide expérience du terrain, pour ce natif de la Belgique émigré à Los Angeles pendant la Seconde Guerre mondiale. A la fin des années soixante, il rencontre Aldo Gucci et il se lance dans la création de ce qui sera la première « montre de mode » : un quart de siècle de succès et une révolution horlogère, qui va doper le marché jusqu'à l'ivresse, à grand renfort de « griffes » et de labels couturiers. Ivresse qui finira par faire entrer dans la danse les plus grandes maisons.

Severin Wunderman revendra la licence de sa marque de montre au groupe Gucci en 1997, mais ce ne sera que pour mieux rebondir avec le rachat de Corum (2000), qu’il sauve et qu’il fait renaître, avec l’insolent succès de la Bubble, puis la renaissance de la légendaire Admiral’s Cup, restylée pour exprimer une vision plus contemporaine de la montre de luxe.

C'était « sa » vision personnelle, puisqu’il veillait toujours de très près sur les collections et sur le récent redéploiement de Corum, dont il avait confié les clés à son fils, Michael, et à Antonio Calce, le jeune CEO d’une des dernières grandes maisons indépendantes de la place.

Immense amateur et collectionneur d’art, Severin Wunderman était aussi un vrai mécène, auquel on doit le futur musée Jean-Cocteau de Menton. Esthète non-conformiste et d’une élégance suprême, il avait défrayé la chronique bâloise par ses expositions, tantôt tournées vers les Memento Mori dont il était friand, tantôt vers les serpents exotiques (venimeux et terrifiants, mais si esthétiques) dont il décorait ses vitrines horlogères.

C’était surtout un grand monsieur de la montre, et un grand monsieur tout court, auquel la vie n’avait rien épargné, mais ce « survivant » avait triomphé du pire pour n’en garder que le meilleur, cette étincelle de lumière qui illumine un destin et qui redonne foi dans l’homme. Il était un des piliers les plus sûrs de cette profession, et un des meilleurs experts horlogers qui soient, secrètement consultés par les plus célèbres patrons et infiniment respectés de tous ceux qui avaient travaillé avec lui.

L’horlogerie se trouve appauvrie par son départ, mais l’histoire des belles montres s’est enrichie des décennies dont il a tissé la trame.

Mes pensées vont évidemment à sa famille, et à son fils Michael, récemment parti à la reconquête du marché américain, mais aussi à toute son équipe, acharnée à prouver que le marché a aujourd’hui besoin de manufactures indépendantes, fortes et capables de témoigner dans le monde entier de l’excellence créative suisse.

Adieu, Severin ! Ceux qui ont eu la chance de te connaître s’en sont toujours senti meilleurs et ils ne pourront jamais oublier tes leçons de vie.

Grégory Pons Worldtempus

 



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