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Extraits de l'enquête approfondie d'Aline Yazgi dans PME Magazine (Suisse) : l'affaire Antiquorum passée au scanner... De quoi confirmer la plupart des révélations et des analyses faites par Business Montres au cours de ces derniers mois.
L’infernale acquisition
Le leader mondial déchu des enchères de montres basé à Genève concentrait tous les risques liés aux reprises de sociétés de services. Ils se sont à peu près tous réalisés. Il vient d’être repris par un Américain et un groupe de Hong Kong. Arrivera-t-il à se relever ?
(…) Ce n’est qu’un nouvel épisode dans l’histoire d’une entreprise qui concentre à elle seule, et en deux ans seulement, tous les périls liés à la transmission d’une société de services dominée par une forte personnalité talentueuse. Mécompréhension des acquéreurs, expulsion subite, concurrence croissante, fuite des talents, déclin. En d’autres termes : toutes les apparences d’une acquisition ratée. Un vrai cas d’école pour lequel on espère évidemment que le chapitre suivant sera celui du redressement.
(…) Artist House Holdings, groupe coté sur le marché japonais, spécialisé dans l’informatique, les produits de consommation et de divertissement, voulait acheter, disent les mauvaises langues, un vignoble californien. N’ayant pas réussi à trouver son bonheur et cherchant à se diversifier dans le luxe, il jette son dévolu sur Antiquorum. Paie 30 millions de dollars pour en acquérir la moitié. Sans connaître, apparemment, le monde des enchères.
(…) Les rapports se tendent rapidement entre l’homme-clé et les repreneurs. Été 2007, c’est le clash. Osvaldo Patrizzi est remercié avec effet immédiat. Pour divergences de vues concernant la stratégie, dit la version officielle. (…) Osvaldo Patrizzi accuse à son tour les nouveaux propriétaires d’avoir fomenté un putsch à son égard, de l’avoir licencié de manière illégale.
(…) La succession d’un homme charismatique ayant dirigé une société pendant plus de trente ans est en soi, même dans des situations normales, une opération sensible. Dans un contexte hostile, les dégâts deviennent vite importants. (…) Les accusations mutuelles ternissent l’image de la société. La situation financière se tend et Antiquorum serait proche du dépôt de bilan, selon des communiqués d’Artist House (en japonais uniquement, destinés aux investisseurs). Antiquorum reconnaît qu’elle a subi d’importantes pertes en raison des coûts liés aux audits et aux frais juridiques, mais que la situation s’est améliorée grâce à une augmentation de capital. (…)
(…) Trois administrateurs, qui avaient pourtant été nommés par les repreneurs, démissionnent en bloc en mars 2008. (…) Plusieurs cadres et experts également. C’est à la même période que Patrizzi inscrit au registre du commerce sa nouvelle société : Patrizzi & Co Auctioneers, où l’on retrouve des transfuges d’Antiquorum, démis en été 2007.
(…) Les ventes de printemps, malgré les communiqués aux tonalités positives, n’atteignent de loin pas les montants d’un an auparavant : 10,25 millions en mai à Genève, contre 18 millions l’année précédente. Du coup, Antiquorum devient troisième du marché des ventes aux enchères de montres, après Christies (25,82 millions pour ces ventes de Pentecôte) et Sothebys (10,9 millions). Quant à ses prix moyens, ils sont nettement plus bas : Antiquorum présentait 705 montres (vendues à 88%, ce qui est un bon résultat), contre seulement 384 pour Christie’s et 159 pour Sotheby’s. (…)
[Antiquorum présente sa vente de Genève ] comme la plus grande collection de montres bracelets modernes jamais offertes sur le marché. C’est surtout la première fois que des objets neufs sont vendus, faisant concurrence ainsi aux réseaux traditionnels de distributeurs, d’autant que certaines pièces, dont la magnifique Journe partie pour le prix le plus élevé – 509'000 francs -, se sont vendues en dessous du marché. On semble loin de la montre rare s’adressant avant tout aux collectionneurs. Là encore, les mauvaises langues y voient un moyen de trouver d’urgence des liquidités. (…)
On apprend début juin qu’Artist House, vendue elle-même à son tour à un nouveau groupe d’investisseurs, a cédé Antiquorum à une société off-shore de Hong Kong (Forever Most Investment, sur laquelle Internet ne fournit guère d’informations) pour 10 millions de yen (97'000 francs). Une manière de ne pas mettre en péril la maison-mère face la situation critique d’Antiquorum ? A peine l’opération annoncée, une autre transaction est rendue publique : une nouvelle augmentation de capital a lieu de 2,2 millions de francs (2200 actions à 1000 francs chacune), contestée par les actionnaires minoritaires. Elle est souscrite par l’américain Gerald Chase, qui deviendra l’actionnaire majoritaire. (…)
Les mois qui vont venir seront évidemment cruciaux. L’apport de nouveaux fonds suffira-t-il à Antiquorum pour se refaire une image et une santé financière ? Le changement d’actionnaires parviendra-t-il à apaiser la situation ? Ces conditions sont indispensables pour que le groupe puisse préparer des nouvelles collections et ainsi réaliser de bonnes ventes cet automne. (…) |