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le groupe Richemont s’offre la majorité du capital de Roger Dubuis
 
Le 29-08-2008
de Business Montres & Joaillerie

Pas de vacances horlogères pour les groupes horlogers : le groupe Richemont devrait annoncer ces jours sa prise de participation majoritaire dans la marque Roger Dubuis, dont il avait déjà acquis le parc industriel.
Le départ de Carlso Dias laisse Akram Aljord, actionnaire minoritaire (40 %), seul face à Richemont
au sein du capital de Roger Dubuis.

Nouveau joyau de la couronne Richemont : Roger Dubuis, la manufacture genevoise de très haute horlogerie fondée en 1997 par Carlos Dias au nom du maître-horloger Roger Dubuis, aujourd’hui officielllement à la retraite de l’entreprise.
Carlos Dias, le fondateur de la marque, qui détenait jusqu’ici environ 60 % des actions, aurait fini par trouver un accord avec le groupe Richemont, qui lui rachèterait sa part de capital pour une somme qu’on peut chiffrer (estimation Business Montres) entre 150 et 200 millions de francs suisses (environ 100 à 150 millions d’euros).

La semaine prochaine, une nouvelle page de son histoire devrait s’ouvrir pour la manufacture Roger Dubuis, mais le bureau de Carlos Dias sera vide, puisqu’il a déjà emporté ses affaires personnelles…

Ce rachat était préparé de longue date. Le groupe Richemont avait déjà racheté, en 2007, le « plateau technique » de la manufacture Roger Dubuis (tout le parc industriel des machines-outils, ainsi que le personnel spécialisé, soit environ 220 personnes). Cette capacité avait permis à Richemont de créer, à Meyrin, dans la banlieue de Genève, une Manufacture Richemont de Haute Horlogerie, aujourd’hui entièrement dédiée à la marque Cartier, qui avait lancé, au printemps 2008, ses premières collections de haute horlogerie « 100 % manufacture » au Poinçon de Genève.

L’investissement de Richemont avait permis à la direction de Roger Dubuis de se désendetter et de trouver une issue aux conflits judiciaires qui l’opposaient à deux de ses plus importants distributeurs, dont l’un était l’actionnaire minoritaire Akram Aljord (environ 40 % du capital), investisseur proche-oriental déjà propriétaire de maisons horlogères (notamment Hysek, rachetée au créateur éponyme).

Au cours de ces derniers mois, Richemont avait multiplié les initiatives de « reprise en main » de la marque Roger Dubuis elle-même, en trouvant une issue au contentieux avec le distributeur américain de la marque (dont la sécession avait plongé Roger Dubuis dans de sérieuses difficultés économiques et stratégiques) et en prenant en charge la distribution des montres de la manufacture, non seulement sur le marché européen, mais aussi en Europe et en Asie. On voyait ainsi se multiplier les indices d’une véritable prise de contrôle de Roger Dubuis par Richemont, qui se comportait déjà en (futur) propriétaire vis-à-vis des distributeurs restés fidèles à la marque. Et même, semble-t-il, vis-à-vis de certains de ses créanciers.

Le conflit judiciaire entre Carlso Dias, actionnaire majoritaire et président de Roger Dubuis, et Akram Aljord n’était cependant pas réglé, quoique la justice genevoise ait rendu plusieurs décisions – assez alambiquées pour que la direction de la manufacture soit paralysée dans ses options stratégiques sans que les emplois soient pour autant menacés…

La seule question qui se posait était la date officielle de la prise de participation de Richemont dans Roger Dubuis, dont Richemont maîtrisait donc à la fois les capacités industrielles (ultra-stratégiques) de Roger Dubuis et la distribution (arme non moins stratégique) de la marque. Cette date était liée à un accord passé entre les actionnaires : Carlos Dias et Akram Aljord ne pouvaient vendre leurs actions sans un accord mutuel d’agrément concernant l’acheteur. Si Carlos Dias était vendeur, Akram Aljord pouvait soit accepter cette vente, soit s’y opposer et racheter lui-même ces 60 % majoritaires.
Carlos Dias ayant manifesté son désir de céder ses parts au groupe Richemont, le délai de deux mois prévu par les statuts de la société courait jusqu’à la fin juillet. Contrairement à ce que tout le monde supposait, Akram Aljord a préféré rester minoritaire en conservant ses 40 % de capital, mais sans s’opposer à la cession des 60 % majoritaires à Richemont, groupe avec lequel il a d’ailleurs développé de nombreuses et fructueuses relations commerciales au Proche-Orient (où il assure notamment la distribution de nombreuses marques du groupe).

Le sort personnel de Carlos Dias était donc scellé depuis plusieurs jours. Dans un premier temps, il avait manifesté le souhait de conserver la responsabilité du design chez Roger Dubuis, avec un statut qui aurait été celui d’un super-directeur artistique, mais la situation aurait été vite ingérable, du fait du conflit toujours pendant avec Akram Aljord et de la « culture Richemont », groupe qui ne pratique pas volontiers le designer star…

Départ, donc, du vrai créateur de la marque, qui aura imposé, en dix ans, sa vision esthétique d’une nouvelle haute horlogerie et sa vision industrielle d’une nouvelle verticalisation. Réalisée dans l’euphorie des facilités bancaires concédées par la place genevoise, la spectaculaire ascension de la manufacture Roger Dubuis s’est trouvée entravée, puis neutralisée par des facteurs extérieurs à sa dynamique interne, ce qui ne remet absolument pas en cause le « modèle Carlos Dias ». Ce dernier avait tout de même développé entre vingt-cinq et trente mouvements « manufacture » au cours de ces dernières années, en « inventant » quelques-uns des standards de l’actuelle haute horlogerie (mouvements rétrogrades, double tourbillon, complications féminines, boîtiers oversized innovants, platines thématiques, etc.)

On verra bien ce que Richemont saura faire de cette nouvelle manufacture de haute horlogerie, dont les cartons regorgent d’idées aussi bien esthétiques que techniques, et qui sera nommé à sa tête, sachant que le potentiel industriel est à présent déjà totalement mobilisé pour alimenter Cartier en mouvements Poinçon de Genève…

On verra aussi comment rebondira un Carlos Dias qu’on imagine lié, du moins provisoirement, par de strictes clauses de non-concurrence, dont chacun sait bien qu’elles sont toujours limitées géographiquement et conceptuellement. Il est de notoriété publique à Genève qu’il a déjà déposé comme marque (Business Montres l’avait dévoilé il y a deux ans) ses initiales, CD, et sa date de naissance, 1957…

On verra enfin ce qu’un Akram Aljord, investisseur habituellement très avisé, pourra tirer de sa cohabitation avec un actionnaire aussi dominateur que Richemont. Les raisons qui l’ont conduit à rester – alors que Richemont lui proposait un rachat de ses 40 % minoritaires – sont complexes.

Peut-être Richemont ne lui offrait-il pas assez de sa participation, quoiqu’un accord occulte semble avoir prévu une substantielle « surprime » pour cette participation minoritaire, par rapport à la somme allouée directement à Carlos Dias. Cette « surprime » valoriserait la marque Roger Dubuis (ses actifs, ses bâtiments, ses brevets, son bureau d’études, son personnel qualifié, son réseau de distribution, ses stocks) à une hauteur proche du prix payé par le groupe LVMH pour Hublot (estimation Business Montres à 450 millions de francs suisses).
Akram Aljord a-t-il trouvé le dédommagement insuffisant ou a-t-il souhaité, par réflexe d’orgueil, rester le dernier sur le terrain de manoeuvres ? Il semble ainsi avoir aujourd’hui le dernier mot, alors que Carlos Dias se trouve écarté…

On ne peut exclure ce souci très « méditerranéen » de sauver la face, mais d’autres motivations pourraient intervenir. Le rachat des 40 % n’est peut-être que retardé, Richemont ayant voulu régler en priorité la question Carlos Dias – et on sait que la négociation n’a pas été facile avec Norbert Platt, le CEO de Richemont. Pour Akram Aljord, Roger Dubuis reste le meilleur investissement jamais réalisé dans un monde horloger qui le fascine, mais où il n’a guère brillé par ses succès : entré un peu par hasard chez Roger Dubuis à la faveur d’une augmentation de capital lancée par Carlos Dias, il a vécu de l’intérieur le polissage du diamant brut et l’émergence du joyau horloger sous les doigts de Carlos Dias. Sans doute considère-t-il que la marque a un énorme potentiel de développement et qu’elle peut aller encore plus loin, en créant pour lui toujours plus de valeur.

 



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