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Depuis plus de 35 ans que je vous entretiens de ce qui se passe dans le marché de l’art et, surtout de l’horlogerie, cet art typiquement helvétique, je crois que je n’ai encore jamais vu un été aussi riche en événements. On est loin du temps où les vacances horlogères constituaient une pause totale.
D’abord, il y a bien sûr cette crise larvée qui semble toucher l’immobilier dans toute l’ Europe, particulièrement en Espagne et en Angleterre. Mais, comme d’habitude, c’est du «moyen de gamme» qu’il s’agit, le très grand luxe y échappant totalement.
Pour preuve, ces 500 millions d’euros payés par le Russe Mikhail Prokhorov pour s’offrir la villa Leopolda à Villefranche-surMer, à côté de Nice. Elle lui a été vendue par la Genevoise Lily Safra, veuve du banquier Edmond Safra. Pour l’horlogerie, c’est d’ailleurs la même chose: bien que l’on ressente déjà une certaine baisse dans quelques pays comme l’ Espagne, l’ Italie, l’ Angleterre ou le Japon, les marques les plus réputées s’en sortent toujours bien. De toute façon, dans l’ensemble, cela ne va pas si mal, la Chine et ses Jeux olympiques ayant constitué une sorte de boom économique. Quant à la Russie, même si elle est toujours calme en été, les Russes achetant sur leurs lieux de vacances, son potentiel est encore énorme. Et, de toute manière, «Après la pluie, le beau temps».
Après ce préambule, j’aimerais passer aux nouvelles de l’été, certaines réjouissantes, d’autre plus tristes.
Il y eut d’abord le rachat de Hublot à son propriétaire Carlo Crocco, par Bernard Arnault et son groupe LVMH. Hublot est en effet devenu une perle rare grâce au génie et au travail de JeanClaude Biver qui, en quelques années, en a fait une marque leader. D’ailleurs, Jean-Claude Biver reste à la tête de Hublot et je me suis laissé dire qu’il allait conseiller le groupe pour tout ce qui concerne l’horlogerie.
Puis, il y eut le rachat de la marque Roger Dubuis par le groupe Richemont. Là également, son patron, Carlos Dias, a fait preuve d’un génie particulier et d’un travail intensif pour créer de rien une marque exceptionnelle, construisant ses propres mouvements, mettant en valeur le Poinçon de Genève tout en innovant en permanence dans le design. Mais Carlos Dias a décidé ne pas rester à la tête de la marque et de prendre quelques mois de repos bien mérités avant de se lancer dans de nouvelles aventures. Il a été remplacé par Matthias Schuler, qui vient d’IWC.
Quant à Georges-Henri Meylan, le charismatique patron d’ Audemars Piguet, fidèle à la marque depuis bientôt un demisiècle, il a annoncé son départ pour, je me suis laissé dire, préparer une grande surprise. Il reste néanmoins patron jusqu’au 31 décembre, date à laquelle il sera remplacé par Philippe Merk, qui vient de Maurice Lacroix.
Et maintenant, deux tristes nouvelles, celles du décès de Joseph Kanoui et de celui de Séverin Wunderman.
Joseph Kanoui, que j’aimais beaucoup, était non seulement un gentleman d’une grande culture mais aussi un homme d’affaires de tout premier plan. C’est en effet lui qui, avec Robert Hocq, est à l’origine du groupe Richemont, créé à partir des briquets «Silver Match», ce dont peu de gens se souviennent. «Silver Match» se lança en effet dans la fabrication des briquets Cartier, une marque à l’époque en perte de vitesse et éclatée en diverses branches appartenant à autant de propriétaires différents. Quant à son épouse, la belle Micheline Kanoui, elle fut longtemps à la tête de la création de la joaillerie Cartier, lui rendant tout le prestige qui avait fait sa gloire au temps des maharadjahs. Le couple était ainsi devenu mythique dans le domaine du luxe et du raffinement.
Séverin Wunderman était aussi un homme exceptionnel. Parti de quasiment rien et de Belgique, il s’était bâti une confortable fortune en exploitant la licence des montres Gucci, fabriquant jusqu’à près d’un million de pièces par an! Et, quand Gucci reprit sa licence, il racheta la marque Corum qu’il rajeunit de manière aussi peu orthodoxe qu’efficace, inventant la «Bubble», parsemant ses modèles de têtes de mort.
L’horlogerie pleure aujourd’hui deux génies, totalement différents mais qui, chacun à sa manière, ont marqué le XXe siècle.
Quant à moi, rassurez-vous, je vais bien…
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