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« Je reviens d’un terrifiant désert » (Second Life)
 
Le 10-09-2008
de Business Montres & Joaillerie

Il y a exactement un an, Hublot lançait son île virtuelle sur Second Life.
C'était la mode ! Quelques semaines auparavant, Raymond Weil avait ouvert le premier espace horloger dans ce monde virtuel.
Quelques marques ont suivi.
Douze mois plus tard, que reste-t-il de ces fabuleux univers parallèles ?

Ce week-end, j’ai été fureter sur le site de Hublot pour voir ce que devenait l’espace Hublot ouvert sur Second Life, il y a exactement un an ces jours-ci. Plus de lien vers Second Life sur le site. Mémoire effacée : surprenant. Je me suis alors demandé comment se passait la vie dans ce « monde virtuel » dont on nous avait tant vanté l’irrésistible et l’irréversible succès planétaire.

C’est exactement comme pour les maisons de campagne où on ne va pas souvent : il faut retrouver les clés ! Sur Second Life, où plus personne ne passe sa vie (contrairement aux prédictions ahurissantes des gourous numériques de ces dernières années), il faut remettre la main sur son nom et son prénom (il faut les deux), puis sur son mot de passe.

Autant qu’on passe dix minutes devant un écran tout sauf convivial, en attendant de recevoir les e-mails qui permettent de pousser la porte de cette planète virtuelle. Ensuite, on commence par passer à la caisse : comprenez que vous n’avez pas une vraie identité, mais un « account » où il vous est vivement recommandé de quitter votre minable statut de « basic membership ». C’est pour mieux vous délester de vos euros en les changeant contre quelques improbables Linden dollars. Non merci, on verra plus tard. Je ne suis pas plus tenté par l’investissement immobilier sur cette drôle de planète…

Premiers pas. Terrible et angoissante impression de solitude. On a l’impression que les murs résonnent tellement l’espace est désert. Des maisons cubiques façon clapiers préfabriqués pour accédants précaires à la propriété. Partout des panneaux « A louer », mais toujours pas le moindre avatar humain. Pas facile de demander son chemin, d’autant que tout semble fonctionner au ralenti.

Les journalistes sont tous les mêmes. Quand on nous ferme la porte, on passe par la fenêtre. Pour faire court, mon avatar parvient finalement au Swiss Café où on me dirige sur le Swiss Park, qui me permet d’arriver à l’espace et à la boutique Hublot sur Second Life.

Un grand moment de solitude ! Même la photo de Jean-Claude Biver semble fanée par les vents mauvais d’une illusion high-tech. Accueil sinistré et vitrines sommaires : j’avais le souvenir d’une « île Hublot » qui était superbe dessinée et où s’ouvrait une salle de presse qui n’a dû guère connaître qu’une seule conférence de presse virtuelle (ça fera des souvenirs aux pionniers). Rien de plus. Hublot n’y est plus, toute vie a disparu !

Je frappe en vain aux autres portes de ce Swiss Park : pas plus d’échos. Je me sens de plus en plus seul, et d’autant plus que je me souviens de passages précédents sur Second Life, où les autres avatars (qui camouflent la personnalité des visiteurs) pullulaient sur chaque écran.

Avant de partir, j’ai glissé dans ma poche l’adresse SL de Raymond Weil qui avait devancé Hublot de quelques semaines dans l’abordage de cette terra incognita qu’était alors Second Life pour l’industrie horlogère.

Deux hypothèses : ou bien je suis très mauvais, ou bien une étrange épidémie a vidé cette planète de toute activité. A force de pousser quelques portes (écrans), je finis par trouver l’île Nabucco colonisée par Raymond Weil. Je devrais y trouver une salle de cinéma, un salon d’exposition et des vitrines bourrées des derniers trésors lancés par la marque. Je suis évidemment le seul être humain à errer ainsi et le desk d'accueil sent la poussière numérique.

Même en volant (en l'air) pour gagner du temps, pas une âme qui vive. Quand je clique sur le logo Google Maps associé à l’URL de Raymond Weil sur SL, je me retrouve quelque part dans l’Atlantique, au large de Libreville (Gabon) et pas loin de Sao Tome : mais où suis-je tombé ?

Je finis tout de même par déboucher sur une place publique de Second Life (le blog) : ce n’est pas la bousculade, mais il y a tout de même un message par jour (!), encore ne s’agit-il que d’avis administratifs à usage interne, avec toujours cette insistance à me vendre des hectares de terrain, des îles et des maisons. Même pour aller faire un tour dans les boutiques, on exige de moi que je change ma vraie monnaie contre les Linden dollars des zombies qui hantent ce site.

En parlant de boutiques, je me demande quel désastreuse épidémie a pu à ce point dépeupler Second Life. Je pousse systématiquement toutes les portes des marques de luxe que je peux réclamer du moteur de recherches : Louis Vuitton, Cartier, Hermès, Gucci, Prada et les autres sont convoqués en vain, tout comme les horlogers (Rolex, Patek Philippe, Breitling, Omega, TAG Heuer et les autres). Rien de rien, de vagues vitrines, des affiches minables…

A présent, le doute me taraude. Et s’il ne se passait vraiment plus rien sur cette maudite planète ? Comme dans ces livres de science-fiction quand, sur un astéroïde fraîchement découvert, une forme de vie inconnue digère mystérieusement toutes les tentatives de colonisation terrienne…

Un coup d’œil sur un compteur : on me dit qu’on est actuellement un peu de 51 900 promeneurs. En professionnel aguerri à qui on ne la fait plus, j’en déduis que le compteur a été calé à 50 000 pour faire plus chic et que, sur le bon milliard d’internautes qui doivent actuellement pianoter sur leur clavier, il n’y a guère que 1 900 crétins de mon espèce qui cherchent déjà la porte de sortie.

Même si je me trompe et que les 51 900 visiteurs sont réels, on est loin des 15 millions de « résidents » annoncés fièrement par les autorités de SL pour occuper 1,5 milliard de mètres carrés (théoriquement loués, mais par qui ?). Ils sont où, ces humains ?

La lecture de la presse officielle de SL est tout aussi distrayante que dans la vie réelle, surtout la presse économique indigène : ce ne sont que statistiques qui s’envolent vers le ciel et fulgurantes ascensions des colonnes de profits. C'est comme les exportations horlogères compilées par la Fédération horlogère : on ne ressent pas la même allégresse chez les détaillants !

Tout irait donc pour le mieux dans le meilleur des mondes virtuels, mais je n’ai toujours pas trouvé trace d’un autre avatar que le mien, malgré de longues traversées à vol d’oiseau, des dizaines de boutiques visitées et d'innombrables sauts de puce d'archipel en archipel.

Je suis dans la situation du dernier homme sur la Terre : tout à portée de main et pas la moindre envie d’en profiter.

En désespoir de cause, je pique sur les « quartiers chauds », en me souvenant qu’on m’en avait raconté de belles sur les folles nuits de Second Life.
Bingo ! Une créature me frôle, affriolante, mais si étrange dans son look manga-punk que mon avatar en reste tétanisé. Sans doute a-t-elle les moyens électroniques de scanner mon compte en Linden dollars : comme je n’affiche que zéro crédit, elle prend la fuite avant que j’ai pu remuer le fil de ma souris.

Un peu plus loin, un message express me signale qu’une partie de poker vient de commencer dans un tripot qu’il me reste à découvrir, quelques rues en contrebas. Pas assez rassurant pour que je m’y risque. Un conseil à ceux qui seraient tentés de me suivre dans les bas-fonds : venez armés ou grimez votre avatar en Terminator !

Ce sera tout pour ces multiples quarts d’heure passés à explorer les îles, les rues et les maisons abandonnées de Second Life. Pour résumer, c’est le bide total et je me demande bien comment tout le monde a pu s’illusionner à ce point sur le devenir de ces univers parallèles.

••••• Moralité : ne jamais s’exciter sur les nouvelles pages écrites dans le grand livre du high-tech.
Certes, dans sa petite enfance, il y a très longtemps, Internet a dû paraître grotesque à ceux qui en découvraient les premiers balbutiements.
Ce n’est pas une raison pour prendre aujourd'hui au sérieux n’importe quelle supercherie électronique enrobée de sirop numérique et de mode médiatique.
Je devrais y songer, maintenant que je passe des heures à répondre positivement à tous ceux qui me demandent de m’accepter pour ami sur Facebook ou qui me veulent du bien sur Linkedin : que restera-t-il dans deux ans de tous ces « réseaux sociaux » qu’on nous peint comme les clés du futur ?

 



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